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Arragon, du comte d'Alençon, son mari, et le sien. propre 1.

Cette charte est l'origine du droit d'usage en la forêt de Marchenoir, possédé encore aujourd'hui par l'HôtelDieu de la Ferté.

Accablée par l'administration de tant de domaines, la comtesse Jeanne résolut de s'en défaire en partie, avant que la mort ne vînt les lui enlever. C'est ainsi qu'en 1286 elle vendit le comté de Chartres à Philippe-le-Bel. Mais, si l'on veut connaître le chef-d'oeuvre de sa généreuse charité, il faut lire son testament daté, comme la charte ci-dessus, de 1290. « Elle donna à tant de gens, nous dit son historien, que ses legs montèrent à plus de six vingt mille livres 3 ce qui est un manifeste témoignage de ses grandes richesses estant certain que ce qui vault peu de choses en ce siècle estoit de grande valeur en son temps, où l'on avoit beaucoup de choses pour peu d'argent. >> Voici les dispositions de son testament qui regardent la Ferté :

As poures 4 mesnagers de la terre de la Ferté de Villenueil et de Marchesnoir CCC 1. et se il ne poaent ioir finablement pour aucune indulgence, ie veill que il soient à l'Ostel Dieu de la Ferté en la manière qu'il est dit de ceus de Chartres 5. Item as poures pucelles desdites terres marier, ou

1. Pièces justif., no XXIV.

2. Duchesne, Histoire de la Maison de Chastillon, p. 118.

3. Plus de 12 millions de francs, d'après le pouvoir actuel de l'argent. 4. Orthographe ancienne, où le v et l'u se confondaient. Poures se prononçait poures, pour pauvres.

5. La comtesse léguait à la Maison-Dieu de Chartres « C 1. à acheter coutes, quoissins, dras, couuertures, napes, toailles, robes pour les poures quand ils se relieuent et autres garnemenz pour seruir les poures et pour soustenir et veill que tuit li garnement soit baillié à l'amenistreur de ladite Meson Dieu par deuant leur visiteur à maintenir à touz iourz. » (Duchesne, Hist. de la Maison de Chastillon, Preuves, p. 74.)

metre en religion, C 1. Item as poures gentils fames desdites. terres C 1. Item à la maladrie de la Ferté XX sols de rente à prenre chascun an sur les rentes de la Prévosté de la Ferté, et sur les autres rentes de ladite ville. Item à l'Ostel-Dieu de la Ferté XX 1. pour acheter les nécessitez des malades et L sols. de rente en la forme qu'il est dit de l'Ostel Dieu de Chartres. >>

Le prieuré de Saint-Pierre fut aussi l'objet des largesses de Jeanne de Châtillon 2.

En 1391, elle approuva le don fait à la Maison-Dieu d'une rente de huit muids de blé 3.

La charitable comtesse mourut le 29 janvier 1292 et fut enterrée dans l'abbaye de la Guiche, près Blois.

HUGUES DE CHATILLON.

Son successeur fut Hugues de Châtillon, son cousingermain. Comme ses prédécesseurs, il se montra généreux pour la Ferté. Nous lisons, en effet, dans son testament, daté de 1299 : « Je lais à la Maison-Dieu de la Ferté C sols, as malades de celui lieu LX sols 4 ».

En l'année 1298, au mois d'avril, il y eut, entre le comte Hugues et Pierre, abbé de Pont-Levoy, agissant au nom de son prieur de la Ferté, un contrat à titre d'échange et de donation. Le comte abandonnait aux moines ses droits de cens, faîtage et autres droits seigneuriaux sur un certain nombre de maisons voisines du prieuré, ainsi que la propriété de deux corps de bâtiments situés sur la paroisse de Saint-Pierre; il leur donnait, en outre, le droit de prendre annuellement cinquante-deux charretées de

1. DUCHESNE, loc. cit., 74, 75. Au pouvoir actuel de l'argent, les dons de la comtesse Jeanne à la Ferté auraient dépassé 50.000 fr.

2. Catalogue des Archives Joursanvault. no 3626.

3. Bibl. Nat., mss. fr. 5980, sans l'indication du nom des donateurs. 4. DUCHESNE, loc. cit., Preuves, p. 93.

bois dans la forêt de Marchenoir. De son côté, le prieur abandonnait au comte trente-deux sols de cens annuel qu'il percevait sur le manoir seigneurial de la Ferté, avec quarante-huit sols tournois de faîtage. Le monastère s'engageait à célébrer, une fois l'an, l'anniversaire du comte, de Béatrix son épouse, et de ses héritiers 1.

La même année, Hugues de Châtillon maria son fils Guiot, ou Gui, avec Marguerite de Valois, fille de Charles, comte de Valois, d'Alençon, du Perche et de Chartres, sœur du futur roi de France, Philippe VI, et nièce du roi Philippe-le-Bel. Le contrat de mariage, dressé par le roi lui-même, stipulait que Guy serait héritier du comté de Blois, avec toutes ses appartenances et dépendances. « Et entend le roy que les chastellenies qui suivent soient de la comté de Blois : Romorantin, Milançay, les Montilz, Chastel-Renault, Chasteaudun, la Ferté de Villenueille, Marchesnoir et le chastel de Fréteval, avec le tiers de la chastellenie d'icelluy. A Saint Germain en Laye, l'an 1298, en octobre 2. »

En mai 1299, Hugues de Châtillon fit don à la MaisonDieu des Montils de la métairie de la Fressurière, «< assise lės notre ville de la Frete de Villenuil ». Cette métairie lui venait de Macé Guignart, écuyer, qui l'avait achetée de Thibault Moureau 3.

Le comte Hugues de Châtillon mourut en 1307.

L'ASSISTANCE PUBLIQUE AU MOYEN-AGE.

Comme on a pu s'en rendre compte, l'histoire de la Ferté jusqu'au XIVe siècle, ainsi que celle de beau

1. Pièces justif., no XXV.

2. Duchesne, loc. cit., Preuves, p. 97.

3. Arch. de M. Venot-Gaillard, de Chartres.

coup d'autres pays, se réduit, à peu près, à l'énumération des largesses faites d'année en année aux institutions pieuses, par les seigneurs et les personnages riches de l'époque. Certains écrivains de nos jours, par ignorance ou mauvaise foi, nous dépeignent le Moyen-Age sous les plus sombres couleurs; ils vont répétant sans cesse que les seigneurs étaient des tyrans et que le pauvre peuple vivait dans un honteux esclavage. Tout n'était pas parfait, assurément, dans les anciens âges, car l'Église a souvent eu à lutter contre ces natures de fer, afin de les adoucir et de leur inculquer la charité évangélique. Cependant, si l'on veut jeter un coup d'oeil sur les monuments écrits de l'époque dont nous parlons, on verra que ces fiers chevaliers, si ardents au milieu des combats, portaient le désintéressement aussi loin que la valeur guerrière, et qu'au lieu d'avoir pour leurs serfs une dureté impitoyable, ils cherchaient au contraire, par tous les moyens en leur pouvoir, à leur venir en aide et à améliorer leur sort. Nous en avons la preuve, non seulement dans les dons précieux et innombrables faits aux établissements de charité, mais surtout dans la fondation de ces établissements destinés au soulagement de l'humanité pauvre et souffrante. Si nous voulions aujourd'hui remonter à l'origine de la plupart d'entre eux, nous trouverions le nom d'un noble chevalier ou d'une pieuse dame, qui ont voulu, par une sainte institution, servir Dieu et assurer le salut de leur âme, pro amore Dei et remedio anima mea: c'était la formule consacrée.

Et, fait curieux à constater, il y avait beaucoup plus d'établissements charitables au Moyen-Age que de nos jours. Un savant membre de l'Institut a mis en lumière cette vérité au moyen de la statistique. Il a

montré que le territoire, qui forme aujourd'hui le département de l'Aube, possédait, au XIIe siècle, 62 hospices ou hôpitaux, tandis qu'il n'en a plus que 9 aujourd'hui. La proportion est sensiblement la même dans nos

contrées.

On le voit, la charité chrétienne n'avait pas attendu les revendications de nos modernes apôtres, pour s'occuper des pauvres et des déshérités.

GUI Ier DE CHATILLON.

A Hugues de Châtillon succéda en 1307 son fils aîné, Gui Ier, neveu par alliance du roi Philippe-le-Bel.

Le mercredi de la semaine sainte, 22 mars 1307, la Ferté eut l'honneur de recevoir la visite du roi de France, venant de Châteaudun et se rendant à l'abbaye de l'Aumône de Cîteaux. A cette occasion, nos établissements pieux furent gratifiés des largesses royales 2.

On ne peut parler du roi Philippe-le-Bel, sans évoquer le souvenir d'un procès célèbre qui eut lieu sous son règne, le procès des Templiers. Le voyage royal, que nous signalons, avait précisément pour but une entrevue avec le pape Clément V, alors en résidence à Poitiers, au sujet de cette grave procédure, qui tenait en suspens le monde entier. Nous devons d'autant plus rappeler ce procès retentissant, que nous trouvons, parmi les Templiers accusés, un chevalier de notre pays, Simon de la Ferté-Villeneuil. Ce Templier, qui jouissait dans l'Ordre de la dignité de maitre, subit l'interrogatoire du mercredi 25 mars 1309

1. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE, Voyage paléographique dans l'Aube, p. 264. 2. Recueil des Historiens, des Gaules et de la France par MM. DE WAILLY et DELISLE, XXII, p. 594. Extrait des tablettes de cire de l'an 1307, relatant les divers séjours de Philippe-le-Bel, ainsi que les aumônes par lui faites dans les lieux où il passait.

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