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En 1388, nous voyons Martin Ourcet, demeurant à la Ferté, recevoir de Pasquier Boucher, receveur à Châteaudun et à Vendôme des aides de la guerre, la somme de quarante sols tournois, « pour avoir esté hastivement du chastel de Chasteaudun à Paris porter lectres closes par devers messieurs les Généraulx touchant le fait desdites. aidės

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».

Les prix des divers fermages de terres et de vignes. nous font voir qu'à la fin du XIVe siècle et au commencement du xve une très grande activité régnait dans la contrée, en même temps qu'une aisance facilement appréciable, fruits de la sagesse du grand roi Charles V, trop tôt disparu pour le bonheur de ses sujets.

SECONDE PHASE DE LA GUERRE DE CENT-ANS.

La France avait respiré et réparé ses forces, sous le règne pacifique mais glorieux de Charles V, lorsqu'un événement funeste vint de nouveau livrer notre pays aux horreurs de la guerre civile et de la guerre étrangère.

Le duc d'Orléans, par suite de la folie de son frère, le roi Charles VI, exerçait les fonctions de lieutenant-général du royaume. Cette haute situation lui créa un rival terrible, en la personne de Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne. Afin d'avoir sur la Cour une influence décisive, celui-ci, en 1405, enleva le dauphin à Juvisy et le ramena à Paris. Le duc d'Orléans, pour défendre son autorité, fit lever des troupes dans ses domaines. Sur son ordre, Jean

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1. Ibid., E. 2701. Le même Martin Ourcet, huit ans plus tard, reconnaît devoir à Jean Haquin 80 livres tournois, somme énorme pour l'époque, « pour ce que feu Jehan Armier, premier mary de Guillemete, femme à présent dudit Martin, les devoit au roy nostre sire, pour lesquels ledit Haquin les paya audit seigneur ». (Ibid., E. 2702.)

de Garencières, son lieutenant, visita les forteresses du duché d'Orléans et du comté de Blois et y fit faire les réparations nécessaires 1.

Mais le duc Louis n'eut pas le temps d'employer la force contre son adversaire en 1407, il fut traîtreusement assassiné par les suppôts du duc de Bourgogne. Ce crime divisa la France en deux camps ennemis, les Armagnacs et les Bourguignons, qui, les uns aussi bien que les autres, se livrèrent aux plus grands excès.

Charles, fils du duc d'Orléans, résolut de venger son père. Dans cette intention, il fit rassembler de tous côtés des troupes composées d'éléments divers, qui commirent dans la contrée dunoise bien des rapines et des brigandages. Le roi, mécontent de ces désordres, envoya une armée sous la conduite du maréchal de Boucicaut, afin d'exterminer cette bande de pillards. Le duc d'Orléans, qui méditait de les utiliser, pour assouvir ses desseins de vengeance, leur envoya l'ordre de se retirer dans ses forteresses voisines de Châteaudun, afin d'échapper aux troupes royales 2.

1. E. JARRY, Louis duc d'Orléans, p. 326.

2. «< Saichent tuit que je, Jehan de Jainville, dit le bastard, escuier d'escurie de Monsieur le Duc d'Orléans, confesse avoir eu et receu de Pierre Renier, trésorier général de mondit Seigneur, la somme de dix livres tournois, laquelle mondit Seigneur m'a ordonné et voulu estre baillée, pour aller présentement de Blois environ Chasteaudun, où mondit Seigneur m'envoie devers Pollifer Rodrigo et Pierre Espine, cappitaines d'arbalestiers, pour iceulx faire retraire ès forteresses de mondit Seigneur estant illec environ, pour doubte d'aucuns des gens du roy et officiers, qui les chassoient très fort. De laquelle somme de X livres dessusdite je me tiens pour content et bien paié et en quicte mondit Seigneur le Duc, sondit trésorier et tous autres, tesmoing mon scel et saing manuel cy mis, le premier jour de may, l'an mil CCCC et unze. « JAINVILLE. »><

(Bibl. Nat., mss. fr. n. a. 3641, original, parchemin.)

Mais, soit qu'ils n'aient pas voulu obéir, soit qu'ils aient été surpris par la marche rapide de Boucicaut, ils furent complètement défaits près de Cloyes, dans les premiers jours de mai 1411 1.

L'année suivante, voulant quand même se procurer des ressources, afin d'arriver à son but, le duc d'Orléans fit lever un aide sur ses villes et forteresses du duché d'Orléans et du comté de Blois. Chaque tonneau de vin devait payer 4 sols parisis; chaque muid de blé, méteil, pois, fèves et orge, 2 sols; chaque muid de seigle et avoine, 12 deniers. Cet impôt avait pour but, disaient les les lettres du duc, datées du 17 mars, de poursuivre « la réparacion de la très cruelle et très inhumaine mort de feu nostre très redoubté seigneur et père, que Dieu pardonne, faulsement et mauvaisement murtry par celui qui se dit duc de Bourgongne ».

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Cependant, profitant de l'anarchie qui désolait notre pays, Henri V, roi d'Angleterre, reprit le projet d'Édouard III de régner sur la France. La funeste journée d'Azincourt, où le duc Charles d'Orléans fut fait prisonnier, lui livra le royaume. Mais, épuisé par sa victoire, Henri V fut obligé de repasser la Manche.

La sanglante défaite d'Azincourt aurait dû contribuer à l'union de tous les Français: il n'en fut rien. L'animosité et l'antagonisme des deux factions redoublèrent de violence; le désordre devint général et l'on ne peut se faire aucune idée des cruautés, des vengeances et des représailles dont chaque parti se rendit coupable: la France était mûre pour la domination étrangère.

1. Bull. de la Soc. Dun., IX, 47. Étude intéressante de M. le comte G. de Janssens. La pièce ci-dessus ne permet plus de douter que les aventuriers défaits à Cloyes ne fussent à la șolde du duc d'Orléans.

2. Bibl. Nat., mss. fr. 28641, no 365.

PRISE DE LA FERTÉ PAR LES BOURGUIGNONS.

Ce furent les Bourguignons qui frayèrent le chemin aux Anglais, en faveur desquels ils penchaient secrètement. Dès l'an 1417, Jean-sans-Peur vint mettre le siège devant Chartres, dont il s'empara au bout de quelques jours. Dans le même temps, presque toutes les places de la Beauce eurent le même sort. Ce fut alors que la Ferté tomba au pouvoir des Bourguignons, comme toutes les forteresses environnantes, Marchenoir, Bonneval, Bois-Ruffin, etc.

Le duc d'Orléans, quoique prisonnier en Angleterre, s'occupait activement de la défense de ses états. A la nouvelle de leur envahissement par le duc de Bourgogne, il se hâta, par une lettre à son trésorier, Pierre Renier, datée du 17 février 1417 (n. s. 1418), d'augmenter la garnison de Châteaudun, « pour la garde, seurté et deffense des ville et chastel dudit lieu, pour ce que les Englois sont à présent sur le pays d'illec environ en grant nombre 3 ».

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Grâce à la vigilance du duc, Châteaudun fut la seule ville de la contrée qui eut la gloire de n'être pas souillée par l'étranger, pendant toute la guerre de Cent-Ans. Elle était d'ailleurs défendue par toute la noblesse des environs, qui était venue s'enfermer dans ses murs 4.

A chaque instant la vaillante garnison opérait des sorties, afin de ressaisir les forteresses occupées par l'ennemi. En 1418 et en 1419, la fortune des armes, qui

1. SOUCHET, II, 326.

2. Pour le prince, Bourguignon et Anglais étaient évidemment synonymes. 3. Pièces justif., no XXXII.

4. Voir : a) la savante étude de M. l'abbé Marquis sur Le Dunois avant Jeanne d'Arc. (Bull. de la Soc. Dun., VI, 377); — b) Arch. d'Eure-et-Loir, E. 27152725.

depuis longtemps n'avait pas favorisé les Français, sembla de nouveau leur sourire. Plusieurs villes et forteresses furent reprises aux Bourguignons par les Dunois. Au mois de mars 1419, une poignée de braves, commandés par Bélot de Bérou, écuyer, vint attaquer la Ferté, qui était gouvernée par le capitaine bourguignon Thibault des Granges. Le succès répondit au courage des assiégeants: la ville tomba en leur pouvoir, et Thibault des Granges fut fait prisonnier dans la tour. Ce beau fait d'armes eut lieu dans les premiers jours de mars, car ce fut le 10 mars que Bélot de Bérou livra son prisonnier à Philippot Mauvoisin, gouverneur de Châteaudun en l'absence de Jean de Couttes 2.

PRISE DE LA FERTÉ PAR HENRI V.

Malheureusement pour notre pays, l'assassinat de Jeansans-Peur, à Montereau, jeta les Bourguignons dans les bras du roi d'Angleterre, qui n'attendait que l'occasion favorable pour reprendre les hostilités. Déchirée par les factions, et attaquée par un adversaire de la valeur d'Henri V, la France devait devenir anglaise.

Le roi d'Angleterre débarqua à Calais le 10 juin 1421, avec 4.000 hommes d'armes et 24.000 archers. En peu de temps, avec la complicité des Bourguignons, il fut le maître d'une partie de la France 3.

Cependant le dauphin Charles avait infligé aux Anglais une cruelle défaite près de Baugé, en Anjou, où le duc de Clarence, frère d'Henri V, fut tué. Il résolut de

1. Dans la tour de l'église-fort, sans doute.

2. Arch. d'Eure-et-Loir, E. 2717.

3. VALLET DE VIRIVILLE, Histoire de Charles VII, I, 271.

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