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La position de l'église Saint-Martin en faisait un point. important pour la défense de la ville aussi l'énorme épaisseur de ses murailles nous montre-t-elle que, dans la pensée de ses constructeurs, elle avait un rôle secondaire à remplir, le rôle de fort et de bastion en cas de guerre. Ce rôle, elle l'a vaillamment rempli, comme le prouvent les nombreuses blessures que, de nos jours encore, hélas! elle montre à tous les yeux. Au Xive siècle, on l'appelait l'église-fort de la Ferté. Pendant les guerres des deux siècles suivants, elle portait le nom de fort Saint-Martin. En 1747, dans une réparation mal entendue, on supprima les créneaux qui couronnaient le rondpoint.

A la même époque, en nettoyant la fontaine. que l'on voit encore sous le chevet de l'église, on en retira beaucoup de boulets, de sabres, d'épées et d'autres armes1. La position extraordinaire de cette fontaine permettrait de supposer que nous sommes en présence d'une fontaine sacrée, de Gaulois. On sait qu'aux premiers siècles de l'Église, les prédicateurs de l'Évangile ne cherchaient pas à heurter de front les coutumes superstitieuses des païens: c'est ainsi qu'au lieu de détruire les lieux consacrés aux idoles, ils ne faisaient bien souvent que les purifier, pour les dédier ensuite au vrai Dieu. D'un autre côté, cette fontaine, qui primitivement avait une ouverture dans l'église, était indispensable pour l'approvisionnement de la garnison en cas de siège.

1. BORDAS, II, 94. A différentes reprises, des boulets de pierre ont été trouvés autour de l'église Saint-Martin, de même qu'autour du château. En mars 1889, une dizaine de ces boulets furent encore trouvés dans les jardins qui avoisinent l'église. Ces gros boulets de pierre, assez grossièrement arrondis, proviennent de la guerre de Cent Ans.

2. Sur les fontaines sacrées, voy. Mémoires de la Soc. arch. d'Eure-et-Loir, I, 342.

CHAPELLES.

Un autre monument intéressant existait encore à la Ferté nous voulons parler de la chapelle de la MaisonDieu, dédiée à saint Denis. Cette chapelle a été démolie en 1892, pour faire place à la cour du nouvel Hôtel-Dieu. Depuis un siècle, elle servait de bûcher. On y remarquait encore plusieurs sculptures curieuses, entre autres quelques piliers, avec leurs colonnettes groupées en faisceaux et couronnées de chapiteaux du style le plus pur. Ces colonnes et leurs chapiteaux portent le cachet des premières années du XIIIe siècle 1.

N'oublions pas la chapelle de la léproserie de SaintLaurent, qui existe encore à peu près en son entier. La grande fenêtre ogivale à triple lancette, qui en orne le chevet, a le caractère de l'architecture de transition du XIIe siècle. Sous la cour de la léproserie, on remarquait, avant 1870, d'immenses caves, aujourd'hui comblées, dont les voûtes étaient soutenues par des colonnes avec chapiteaux romans 2.

CIMETIÈRES.

La ville de la Ferté possédait quatre cimetières le cimetière de Saint-Martin, qui entourait l'église de ce nom et qui a existé jusqu'en 1837; le cimetière de SaintPierre, qui se trouvait du côté gauche de l'église ; le cimetière de la Maison-Dieu, ou cimetière des pauvres, situé en dehors de la ville, à droite du chemin de Blois et au dessus du Moulin-Neuf ou Moulin-Girault; il a été aban

1. Grâce à la bienveillance éclairée de Messieurs les administrateurs de l'Hospice, ces belles sculptures ont pu être sauvées des ruines: elles sont maintenant en sûreté dans la cour du presbytère.

2. Archives de la mairie de Charray.

donné au XVIIe siècle; et enfin le cimetière des lépreux, situé au nord de la léproserie, à côté de la chapelle.

Mais les cimetières n'étaient pas les seuls endroits où se faisaient autrefois les inhumations. A plusieurs reprises, en effet, à l'occasion de certains travaux, on a découvert des ossements dans les deux églises de la Ferté. C'est qu'autrefois les inhumations dans les églises étaient fréquentes.

Jusqu'en l'année 1778, où une ordonnance royale interdit les inhumations dans les églises, beaucoup de personnes demandaient à y être inhumées. De droit, les prêtres attachés à une église étaient inhumés dans le. chœur de celle-ci ou au pied du crucifix. En 1694, François Renvoysé et, en 1726, Jean Lemaistre, tous deux curés de Saint-Martin, furent inhumés au pied du crucifix. En 1771, Geoffroy Boudier fut inhumé dans le choeur 1.

Les personnages marquants, les religieux ou religieuses, tous ceux qui faisaient de grands dons à l'église, avaient également droit à l'inhumation dans cette église. Ils en faisaient même une clause de leur testament: «.... Veulent et ordonnent lesdictz testateurs leurs corps estre inhumez et ensépulturez dedans l'églize Monseigneur Sainct Martin de ladicte Ferté, près leurs parens et amys, et pour ce faire ont donné et donnent à ladicte églize chacun vingt solz tournois pour une fois paiez seullement......2 »

LIEUX-DITS.

Il ne sera pas sans intérêt de passer en revue quelquesuns des lieux-dits de l'ancienne Ferté, dont plusieurs n'ont subi aucun changement. Commençons par les rues, qui

1. Registres paroissiaux de Saint-Martin.

2. Archives des notaires de Cloyes: testament de Drouet Rimbault, 1549. Vingt sols tournois d'alors valaient trente francs d'aujourd'hui.

tiraient leur nom soit de leur position ou de leur attribution, soit d'un fait historique local. Nous avions la Rue de Blois, la Rue Chartraine, la Rue de Patay, la Rue des Arcis1, la Rue de la Poterne, dont le prolongement, en dehors des murs, se nommait Rue du Jeu de Paume et plus tard Rue du Jeu de Boule, la Vieille Rue ou Chemin de Beaugency, la Rue de la Boucherie, la Ruelle du Paradis, la Ruelle des Morts, la Rue de la Breguinière, la Rue du Marché, la Ruelle des Vignes blanches, etc.

Un certain nombre de maisons avaient des noms caractérisant leur situation ou leur destination. Citons la Ferrière, la Fauconnerie, la Baillyverie, la Baroyserie, le Pressoir, le Désert, la Butte, le Vieux-Moulin, Château-Gaillard, le Pavillon, etc.

Plusieurs lieux-dits avaient rapport à la place-forte: tels étaient le Grand Champ-fort, le Petit Champ-fort et la Gendarmerie; d'autres rappelaient la justice: de ce nombre était la Potence. Cet endroit, encore ainsi nommé, est situé à environ cinq cents mètres du bourg, sur l'ancien chemin de Châteaudun. Vers 1875, on y a trouvé un tas de pierres grossièrement ébauchées: c'étaient évidemment les pierres qui servaient à sceller les fourches patibulaires. Signalons encore les lieux-dits suivants, qui rappellent des objets ayant existé autrefois : le Moulin-à-vent, Pont-pierre2, la Boissière, anciennement riche clos d'arbres fruitiers. Il importe de remarquer que beaucoup de lieux-dits ont

1. Du latin arcisium, arsenal, grenier d'abondance. Il y a quelques années, la rue des Arcis existait encore à Paris; une rue du faubourg Saint-Jean, à Châteaudun, conserve le même nom.

2. Nous croyons nécessaire de protester contre la mutilation que beaucoup de noms de lieux-dits ont subie lors de la confection du cadastre. Ainsi, pour n'en donner qu'un exemple, Pontpierre, nom qui rappelle un pont de pierre, est devenu Pompiard!

3. La Boissière, Buxeria, de buxus, buis.

changé, au xve ou au XVIe siècle, leur ancien nom en celui de leur propriétaire de l'époque. Ainsi, le MoulinNeuf est devenu le Moulin Girault, de Jean Girault; le Moulin d'Arset, Moulin Fromont, de Jean Fromont; une des garennes s'est appelée le Bois Baillet, de Macé Baillet, qui en était le garde au xve siècle, etc... Une croix, la Croix Boissée, a changé plusieurs fois de nom : au XVIIIe siècle, elle s'appelait la Croix Jacquine, et aujourd'hui c'est la Croix Rousseau, du nom de son dernier

restaurateur.

S II. Organisation civile.

SEIGNEURIE.

Afin que l'on puisse se rendre un compte exact de la physionomie que présentait notre pays au Moyen-Age, nous croyons utile de définir la Féodalité, d'après un auteur compétent 1.

Dans le régime féodal, le sol était découpé en grands. domaines, nommés seigneuries; sur chacun de ces domaines régnait un seigneur. Les hommes du domaine obéissaient à leur seigneur, ne payaient l'impôt qu'à lui et ne devaient. qu'à lui le service militaire.

Les seigneurs dépendaient les uns des autres. Cette dépendance venait de ce que chacun avait reçu sa seigneurie d'un autre : fait qu'il était obligé d'avouer à chaque génération. Ainsi, le petit propriétaire était assujetti au seigneur local, le seigneur local à un grand feudataire; quant à celui-ci, il relevait du roi.

I. FUSTEL DE COULANGES, Les Origines du système féodal, Introduction, p. XII.

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