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du moulin de Saint-Laurent à Jean Galliot, aux mêmes conditions qu'en 1788. Nous trouvons dans cette pièce l'intéressant exposé qui suit : « Le citoyen Galliot seroit disposé à faire et payer le même fermage que celui qui est spécifié dans le bail ci-devant enoncé, et en outre de payer et acquitter la contribution foncière tant au principal et sous additionnels et charges locales, au moyen de quoi il demeureroit déchargé de rapporter les dixmes et tailles de 1790, qui ne sont pas aussi fortes que la contribution foncière, d'où il résulteroit réellement une augmentation de revenu au proffit des pauvres dudit hospice. » Prix du fermage: sept cents livres, « valeur métallique et non autrement, ce qui est de condition expresse ». On le voit, les citoyens municipaux de Cloyes n'avaient pas une confiance exagérée dans les assignats1.

Cette administration resta à la tête de l'hospice jusqu'au 4 février 1797. A cette date, et pour satisfaire à la loi du 16 vendémiaire an V, elle nomma une commission de cinq membres pris à Cloyes, Romilly, la Ferté et Charray. Ils furent installés le 20 février suivant et siégèrent désormais à la Ferté 2.

EXCES RÉVOLUTIONNAIRES.

Si l'on excepte la condamnation de M. Lornet, curé de Saint-Martin, à la déportation, nous n'avons à signaler aucune violence grave contre les personnes pendant le règne de la Terreur. Malheureusement, nous ne pouvons pas dire la même chose en ce qui concerne nos deux églises alors abandonnées. Les trois cloches, qui faisaient

1. Archives de l'Hospice, Registre des délibérations. 2. Ibid.

l'ornement du beffroi de l'église Saint-Martin, furent descendues, comme presque partout, pour servir à fondre des canons ou des gros sous. Afin d'abréger leur triste besogne, les révolutionnaires crevèrent la magnifique voûte de la tour, pour y faire passer les cloches. Le trou qu'ils y pratiquèrent est toujours béant, comme pour perpétuer le souvenir de la spoliation et accuser les profanateurs.

Dans le but d'effacer toute trace de l'ancien régime, on piocha jusqu'à la pierre la litre ou ceinture funèbre des seigneurs, qui régnait tout autour de l'église, et on la remplaça par un enduit de mortier. On craignait sans doute de la voir un jour réapparaître, si l'on s'était contenté de la badigeonner.

Mais ce qu'il y eut de plus horrible, ce fut l'envahissement de l'église par une bande d'impies forcenés, qui mit tout au pillage et se livra dans le lieu saint à des orgies immondes et sacrilèges. Le mobilier fut brisé en majeure partie; tous les ornements furent mis en pièces ou volés; on vit même des misérables qui n'eurent pas honte de s'en faire des vêtements. L'église Saint-Pierre fut également livrée au pillage et à la profanation.

Chose étrange! Tous les auteurs de ces démolitions et de ces excès abominables ont fait une fin effrayante ou ont été accablés de malheurs, qui sont presque inexplicables naturellement. L'imagination du peuple eut vite fait d'en trouver la cause: c'était, disait-on, la punition du sacrilège. Quoi qu'il en soit, il n'est inutile de rappepas ler aux générations futures le souvenir de la fin si terrible des profanateurs d'église. Certains n'y voudront voir que pur effet du hasard. Pour nous, eu égard à l'universalité de ces faits si extraordinaires, et d'accord en cela avec l'instinct populaire, qui a attribué ces morts mystérieuses

le

à la malédiction divine, nous ne pouvons nous empêcher d'y reconnaître un effet de la vengeance de Dieu et un juste retour des droits de sa Providence 1.

1. Nous avons tenu à glisser assez vite sur ces tristes événements, auxquels furent mêlés des membres de plusieurs familles très honorables. On comprendra parfaitement notre réserve.

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AR suite de l'avènement du régime nouveau, la Ferté avait perdu tout ce qui lui rappelait son importance passée. La suppression de la féodalité et des privilèges seigneuriaux fut pour elle le coup de la déchéance. Bien que fort ruinée par les guerres et réduite à n'avoir plus de

ville que le nom, elle avait néanmoins, jusqu'en 1789, conservé une partie de sa physionomie du Moyen-Age. Elle gardait ses audiences, sa pancarte des droits de péage, sa mesure particulière, ses droits sur les marchés et foires de plusieurs bourgs voisins, etc. La Révolution fit table rase de tout cela, et le peu qui restait à notre petite ville, comme témoignage de sa grandeur

d'autrefois, sombra dans le naufrage des institutions de la vieille France.

Une chose qui, au début du régime nouveau 1, frappe tout observateur impartial, c'est la diminution des prérogatives municipales. Jusqu'alors nous avons vu les diverses administrations, comme les paroisses, l'hospice, jouir d'une véritable autonomie et d'une liberté à peu près complète. Désormais, elles pourront prendre des délibérations sans doute, mais ne pourront les exécuter sans l'autorisation du préfet, étant placées sous la tutelle du Pouvoir central. C'est ce que fait ressortir un auteur judicieux « Si d'incontestables progrès ont été obtenus sous le rapport matériel, la liberté communale s'est-elle développée dans les agglomérations rurales? La tutelle administrative a-t-elle sensiblement diminué? Et si les paysans ont acquis des droits politiques qu'ils n'exercent qu'à des intervalles éloignés et sans connaître d'ordinaire les hommes qu'ils appellent à les représenter, ont-ils conservé le droit de délibérer directement sur leurs affaires communes et d'élire leurs principaux agents? 2 »

PROPRIÉTAIRES DIVERS DU DOMAINE DE la Ferté. ·

L'ancien domaine seigneurial de la Ferté, réuni à celui du Jonchet, vit en peu d'années se succéder plusieurs propriétaires. Le comte de Sourches mourut en 1805. Il avait institué légataire universelle sa cousine, la duchesse de

1. Il a été généralement admis jusqu'ici de clore en 1789 tout travail historique. Mais, si cette règle très sage était quasi-obligatoire il y a cinquante ans, il faut avouer qu'au XXe siècle elle n'est plus guère de mise. Aussi nous espérons qu'on nous pardonnera de poursuivre notre récit jusqu'en 1850, et qu'on pensera avec nous que les événements de la première moitié du XIXe siècle sont maintenant assez éloignés pour avoir le droit d'appartenir à l'histoire. 2. A. BABEAU, Le Village sous l'ancien régime, p. 376.

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