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peut avoir la loi civile sur l'esprit et le cœur des hommes, quand le frein religieux n'existe plus?

Notons également que la natalité a un peu diminué de nos jours. Le XVIIIe siècle nous donne une moyenne annuelle de 14 naissances par 400 habitants, et le XIXe arrive à peine à 12, même avec les naissances illégitimes.

Contrairement à l'usage actuel, où beaucoup s'ingénient à trouver, pour leurs enfants, les noms les plus bizarres et les plus baroques, où très souvent ces noms sont empruntés à quelques héros de romanfeuilleton, les noms de baptême d'autrefois étaient ceux des saints les plus célèbres, tels que : Étienne, François, Guillaume, Pierre, Jean, Jacques, Michel, Martin, Nicolas, Sébastien, etc., pour les hommes; et pour les femmes, sans compter les noms précédents, que l'on féminisait, Anne, Élisabeth, Marie, Marguerite, Madeleine, Catherine, etc. Au Moyen-Age, la forme classique de beaucoup de noms de baptême avait fait place à une forme plus populaire. Tels étaient les noms suivants: Asselin, Colin, Colas, Guillot, Macé, Perrin, Perrot, Micheau, Perrette, Thévenin, Robin, Pasquier, Marion, Mathery, Philippot, etc. Le nom de baptême de beaucoup le plus répandu dans notre contrée était celui de Jehan ou Jean, et son féminin Jehanne ou Jeanne1.

I. Sans nous arrêter aux noms de famille, qu'on nous permette cependant de signaler plusieurs familles de ce pays, au XVIIe siècle, portant les noms de Eguillanleu, Esguillanleu, Haguillanleu et Haguillaneu. Ces noms, assez curieux. pour mériter d'être remarqués, tirent évidemment leur origine du vieil adage : Au gui l'an neuf. On sait qu'à chaque renouvellement de l'année les Druides cueillaient avec solennité le gui sacré. Cet usage gaulois s'est perpétué presque jusqu'à nous, car au XVIe siècle on se livrait encore, au premier de l'an, à des fêtes qui rappelaient les observances druidiques. Ces fêtes, qui se nommaient Guillanleu, Aguilaneuf, furent prohibées par plusieurs conciles. Néanmoins, même de nos jours, les étrennes se nomment quelquefois, dans nos contrées, Aguilan ou Eguilan.

S III. Organisation religieuse.

PAROISSES.

Jusqu'à la Révolution, la Ferté a possédé ses deux paroisses, Saint-Pierre et Saint-Martin. Les seigneurs avaient sur les deux églises le droit de patronage, qui tirait son origine de la fondation des églises, attribuée aux seigneurs primitifs. Le droit de nomination aux deux cures appartenait à l'abbé de Pont-Levoy. Le Livre blanc, déjà cité, nous apprend qu'à la fin du XIe siècle, la cure de Saint-Martin était d'une valeur de 30 livres1. Pour la paroisse de SaintPierre, il porte cette mention: non valet, sans valeur. Ceci nous indique qu'alors les revenus de la paroisse de SaintPierre se confondaient avec ceux du prieuré, et que le prieur, ou un de ses moines, en était le curé effectif. En 16482, Saint-Martin valait 326 livres 3 et Saint-Pierre 348 4. Le pouillé Blésois, du milieu du XVIIIe siècles, attribue à la cure de Saint-Martin 700 livres de revenu et à la fabrique 200 livres 7; à la cure de Saint-Pierre, 350 livres et à la fabrique 50 9. Mais ces chiffres, du moins pour les fabriques, sont inexacts. En effet, les comptes

1. Plus de 3.000 fr. de notre monnaie.

2. Pouillé du diocèse de Chartres.
3. Environ 1.300 fr. de notre monnaie.
4. 1.400 fr.

5. Pièces justif., no LI.

6. 1.400 fr.

7. 400 fr.

8. 700 fr.

9. 100 fr.

des gagers' nous montrent qu'en 1775 les recettes annuelles de la fabrique de Saint-Pierre étaient de 226 livres2 et les dépenses de 212 livres. Les recettes de la fabrique de Saint-Martin étaient, en 17834, de 583 livres, et les dépenses de 574 livres 6.

En 1787, la paroisse de Saint-Pierre possédait 6 livres 17 sols 6 deniers de revenu sur divers immeubles. En outre, elle était propriétaire de 5 maisons, de 2 bois, de 6 arpents 2 boisseaux de terres labourables ou plantées en vigne, d'un pré et de 14 planches de jardin. Elle avait à faire acquitter annuellement 13 grand'messes et 14 messes basses de fondation 7.

La paroisse de Saint-Martin, à la fin du xvre siècle, possédait 12 setiers 1 boisseau de blé, 14 boisseaux et demi de méteil, et 25 livres 4 sols 10 deniers de rentes sur plusieurs terres et maisons de la Ferté. Elle avait la charge de 113 messes de fondation pour les bienfaiteurs 8.

D'après un inventaire des donations faites dans le cours du XVIIe siècle exclusivement, la fabrique de SaintMartin, en plus des rentes ci-dessus signalées, possédait 12 livres 17 sols 6 deniers de revenu annuel, 7 maisons, II arpents 2 boisseaux de terre et un pré. Pour ces rentes, accumulées en un siècle, elle avait la charge de 19 grand'messes et de 19 messes basses 9.

1. Arch. d'Eure-et-Loir, G. 6576.

2. 452 fr.

3. 424 fr.

4. Arch. d'Eure-et-Loir, G. 6568.

5. 1.166 fr.

B. 1.148 fr. En 1901, le budget de la fabrique de la Ferté (Saint-Pierre et Saint-Martin réunis) se monte à 400 fr.

7. Pièces justif., no LVII.

8. Arch. Nat., P. 773 57.

9. Pièces justif., no XLIX.

PRIEURÉ.

Comme nous venons de le dire, l'église paroissiale de Saint-Pierre était en même temps monacale. Le prieuré dépendait de l'abbaye bénédictine de Pont-Levoy. Aucun document ne nous renseigne sur sa fondation. Nous savons seulement qu'au XIIe siècle il fut l'objet des largesses de la noble famille des Friaise, qui possédaient à la Ferté et à Charray de riches domaines et qui, peutêtre, en furent les fondateurs. Nous le voyons en pleine prospérité en 1170. Il semblait exister déjà en 1144. Il tomba en commende vers le milieu du xvIe siècle : il avait encore un prieur régulier en 1550. Au XVIIIe siècle, il était qualifié de prieuré simple. A cette époque, il l'était évidemment par la force des choses; mais, à l'origine, il était certainement conventuel, car alors il réunissait un certain nombre de moines, et à côté du prieur nous voyons le cellérier 2.

Du prieuré dépendait la métairie de Saint-Pierre, avec 190 arpents de terre situés tant à la Ferté qu'au Mée et à Ouzouer-le-Doyen. Le prieur percevait, en outre, une rente de 9 setiers de méteil sur le Moulin-Rouge et une autre de 3 setiers sur le Moulin d'Envau 3.

Les revenus du prieuré, qui étaient évalués à 1200

1. En vertu du Concordat de 1516, conclu entre le pape Léon X et François Ier, la nomination aux bénéfices, tels que abbayes et prieurés, était dévolue au roi. Au lieu d'être un des religieux du monastère élu par les moines, le titulaire était ou un ecclésiastique ou un laïque ami du roi. Il percevait les revenus du bénéfice, qui, ainsi administré, était dit mis en commende. Les établissements religieux souffrirent beaucoup de ce système si contraire à leurs traditions. 2. La maison située sur l'emplacement du monastère se nomme encore la Prieuré.

3. a) Arch. d'Eure-et-Loir, H. 2784;

b) Arch. de Loir-et-Cher.

I

livres en 16482, n'atteignaient plus que 580 livres 3 en 17484; mais, en 17885, ils étaient de 1150 livres 6.

Le prieur était gros décimateur de la paroisse et en cette qualité fournissait la portion congrue au curé de SaintPierre ; celui-ci n'était donc en réalité que vicaire perpétuel, tandis que le prieur était curé primitif de la paroisse 7.

En 1746, la grosse dîme de Saint-Pierre ne rapportait que 34 livres de revenu par an 9.

MAISON-DIEU.

Comme le prieuré, la Maison-Dieu était située sur la paroisse de Saint-Pierre. Selon la tradition, elle doit sa fondation à un comte de Blois nommé Thibault 10. Ce

I. 4.000 fr.

2. Pouillé du diocèse de Chartres.

3. 1.400 fr.

4. Minutes des notaires de la Ferté. 5. Arch. d'Eure-et-Loir, H. 2786. 6. 2.300 fr.

7. Lorsqu'une paroisse était unie à un bénéfice quelconque, soit prieuré, soit Hôtel-Dieu, c'était au titulaire dù bénéfice qu'appartenait le titre de cure primitif de cette paroisse; il en était le gros décimateur, c'est-à-dire qu'il en percevait les dimes et revenus. Il ne pouvait l'administrer au spirituel et devait en abandonner la direction à un prêtre, qui faisait les fonctions de curé, mais n'était en droit que vicaire perpétuel et ne pouvait être révoqué par le gros décimateur. Il recevait de lui une portion de revenu suffisante pour son entretien, appelée portion congrue. La portion congrue se payait en nature au MoyenAge. Charles IX la fixa à 120 l. (1.200 fr.). Par son édit du 29 février 1683, Louis XIV la porta à 300 1. (900 fr.) pour les curés et à 1501. (450 fr.) pour les vicaires. Louis XV, par son édit de mai 1758, la fixa à 500 1. (1.250 fr.), et enfin Louis XVI, en 1786, à 700 1. (1.400 fr.). Le gros décimateur était, en outre, obligé de faire les réparations du choeur de l'église paroissiale et de fournir au curé les vases sacrés et ornements nécessaires. Il devait payer au roi un impôt spécial, appelé décime. Exceptionnel dans le principe, cet impôt finit par devenir annuel.

8. 85 fr.

9. Minutes des notaires de la Ferté.

10. «Que ce soit le comte Tibaut qui l'ait fondé, ainsi que le croit le peuple de la Ferté, c'est une chose incertaine et je n'en trouve nul vestige. » (Mémorial de l'Hôtel-Dieu de Saint-Denis, mss. de l'abbé BOISGANIER. Arch. seign., H. 3.)

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