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CLEANTE.

Quoi! Ne garder aucun reffentiment de toutes mes extravagances ?

HARPAGON.

C'est une chofe où tu m'obliges par la foumiffion & le refpect où tu te ranges.

CLEANTE.

Je vous promets, mon pere, que, jufques au tombeau, je conferverai, dans mon cœur, le fouvenir de vos bontés. HARPAGON.

Et moi, je te promets qu'il n'y aura aucune chose que tu n'obtiennes de moi.

CLEANTE.

Ah! Mon pere, je ne vous demande plus rien; & c'est m'avoir assez donné, que de me donner Mariane.

Comment?

HARPAGON.

CLEANTE.

Je dis, mon pere, que je fuis trop content de vous ; & que je trouve toutes choses dans la bonté que vous avez de

m'accorder Mariane.

HARPAGON.

Qui est-ce qui parle de t'accorder Mariane ?

CLEANTE.

Vous, mon pere.

HARPAGON.

Moi?

Sans doute.

CLEANTE.

HARPAGON.

Comment? C'est toi qui as promis d'y renoncer.

CLEANTE.

Moi, y renoncer?

HARPAGON.

Oui.

CLEANTE.

Point du tout.

HARPAGON.

Tu ne t'es pas départi d'y prétendre?

CLEANTE.

Au contraire, j'y fuis plus porté que jamais.

HARPAGON.

Quoi, pendard, de rechef?

CLEANTE.

Rien ne me peut changer.

HARPAGON.

Laiffe-moi faire, traître.

CLEANTE.

Faites tout ce qu'il vous plaira.

HARPAGON.

Je te défends de me jamais voir.

CLEANTE.

A la bonne heure.

HARPAGON.

Je t'abandonne.

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SCENE VI.

CLEANTE, LA FLECHE.

LA FLECHE fortant du jardin avec une caffette.
H! Monfieur, que je vous trouve à propos! Suivez-

A moi, vite.

Qu'y a-t-il ?

CLEANTE.

LA FLECHE.

Suivez-moi, vous dis-je, nous fommes bien.

Comment?

CLEANTE.

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Vous fçaurez tout. Sauvons-nous; je l'entends crier.

SCENE VII.

HARPAGON, criant au voleur dès le jardin.

A

U voleur, au voleur, à l'affaffin, au meurtrier. Juftice,

jufte Ciel! Je fuis perdu, je fuis affafliné ; on m’a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être? Qu'est-il devenu? Où eft-il? Où fe cache-t-il? Que ferai-je pour le trouver? Où courir? Où ne pas courir? N'eft-il point là? N'eft-il point ici? Qui eft-ce? Arrête. [à lui-même, fe prenant par le bras.] Ren-moi mon argent, coquin... Ah! C'est moi. Mon efprit eft troublé, & j'ignore où je fuis, qui je fuis, & ce que je fais. Hélas! Mon pau

vre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m'a privé de toi; &, puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma confolation, ma joye; tout eft fini pour moi, & je n'ai plus que faire au monde. Sans toi, il m'eft impoffible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus, je me meurs, je fuis mort, je fuis enterré. N'y a-t-il perfonne qui veuille me reffusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris? Hé? Que dites-vous? Ce n'eft perfonne. Il faut, qui que ce foit qui ait fait le coup, qu'avec beaucoup de foin on ait épié l'heure ; l'on a choisi justement le tems que je parlois à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller querir la justice, & faire donner la question à toute ma maison, à servantes, à valets, à fils, à fille; & à moi auffi. Que de gens affemblés ! Je ne jette mes regards fur perfonne qui ne me donne des foupçons, & tout me femble mon voleur. Hé? De quoi eft-ce qu'on parle là? De celui qui m'a dérobé? Quel bruit fait-on là-haut? Eft-ce mon voleur qui y eft? De grace, fi l'on fçait des nouvelles de mon voleur, je fupplie que l'on m'en dife. N'eft-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, & fe mettent à rire. Vous verrez qu'ils ont part fans doute au vol que l'on m'a fait. Allons vîte, des commiffaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, & des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde ; &, fi je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après.

Fin du quatriéme Ade.

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