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Je le veux croire.

CLITANDRE.

Mr. DE SOTENVILLE.

Il m'a été rapporté, monfieur, que vous aimez & poursuivez une jeune personne, qui eft ma fille, pour laquelle je [montrant George Dandin.]

m'intéreffe, & pour l'homme que vous voyez, qui a l'honneur d'être mon gendre.

Qui? Moi?

CLITANDRE.

Mr, DE SOTENVILLE.

Oui; & je fuis bien aife de vous parler, pour tirer de vous, s'il vous plaît, un éclairciffement de cette affaire.

CLITANDRE.

Voilà une étrange médisance? Qui vous a dit cela, monfieur?

Mr. DE SOTENVILLE.

Quelqu'un qui croit le bien fçavoir.

CLITANDRE.

Ce quelqu'un-là en a menti. Je fuis honnête homme. Me croyez-vous capable, monfieur, d'une action aufli lâche que celle-là? Moi, aimer une jeune & belle perfonne, qui a l'honneur d'être la fille de monfieur le baron de Sotenville! Je vous révére trop pour cela, & fuis trop votre ferviteur. Quiconque vous l'a dit est un sot.

Mr. DE SOTENVILLE

Allons, mon gendre.

Quoi?

GEORGE DANDIN.

CLIT ANDRE.

C'est un coquin & un maraud.

Mr. DE SOTENVILLE à George Dandin.

Répondez.

GEORGE DANDIN.

Répondez vous-même.

CLITANDRE.

Si je fçavois qui ce peut être, je lui donnerois, en votre préfence, de l'épée dans le ventre.

Mr. DE SOTENVILLE à George Dandin. Soutenez donc la chofe.

GEORGE DANDIN.

Elle est toute foutenuë. Cela eft vray.

CLITANDRE.

Eft-ce votre gendre, monfieur, qui...

Mr. DE SOTENVILLE.

Oui, c'est lui-même qui s'en eft plaint à moi.

CLITANDRE.

Certes, il peut remercier l'avantage qu'il a de vous appartenir; &, fans cela, je lui apprendrois bien à tenir de pareils difcours d'une perfonne comme moi.

SCENE VI.

MONSIEUR DE SOTENVILLE MADAME DE SOTENVILLE, ANGELIQUE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN, CLAUDINE.

Po

Me. DE SOTENVILLE.

Our ce qui eft de cela, la jaloufie eft une étrange
chofe! J'améne ici fille
ma
éclaircir l'affaire en

présence de tout le monde.

pour

CLITANDRE à Angélique.

Eft-ce donc vous, madame, qui avez dit à votre mari, que je fuis amoureux de vous?

ANGELIQUE.

Moi? Hé, comment lui aurois-je dit? Eft-ce que cela eft? Je voudrois bien le voir, vrayment, que vous fuffiez amoureux de moi. Jouez-vous-y, je vous en prie, vous trouverez à qui parler; c'eft une chofe que je vous confeille de faire. Ayez recours, pour voir, à tous les détours des amans; essayez un peu, par plaifir, à m'envoyer des ambaffades, à m'écrire fecretement de petits billets doux, à épier les momens que mon mari n'y fera pas, ou le tems que je fortirai, pour me parler de votre amour; vous n'avez qu'à y venir, je vous promets que vous ferez reçû comme il faut.

CLITANDRE.

Hé, là, là, madame, tout doucement. Il n'eft pas néceffaire de me faire tant de leçons, & de vous tant fcandalifer. Qui vous dit que je fonge à vous aimer?

ANGELIQUE.

Que fçais-je, moi, ce qu'on me vient conter ici?
CLITANDRE.

On dira ce que l'on voudra ; mais vous fçavez fi je vous ai parlé d'amour, lorfque je vous ai rencontrée.

ANGELIQUE.

Vous n'aviez qu'à le faire, vous auriez été bien venu.
CLIT ANDRE.

Je vous affûre qu'avec moi vous n'avez rien à craindre, que je ne fuis point homme à donner du chagrin aux belles ; & que je vous respecte trop, & vous, & meffieurs vos parens, pour avoir la pensée d'être amoureux de vous.

Me. DE SOTENVILLE à George Dandin. Hé bien, vous le voyez.

Mr. DE SOTENVILLE.

Vous voilà fatisfait, mon gendre. Que dites-vous à cela? GEORGE DANDIN.

Je dis que ce font là des contes à dormir de bout; que je sçais bien ce que je sçais ; & que, tantôt, puisqu'il faut parler net, elle a reçû une ambassade de sa

Moi? J'ai reçû une ambassade?

ANGELIQUE.

CLITANDRE.

J'ai envoyé une ambassade?

part.

Claudine.

ANGELIQUE.

CLITANDRE à Claudine.

Eft-il vrai?

CLAUDINE.

Par ma foi, voilà une étrange fausseté.

GEORGE DANDIN.

Taifez-vous, carogne que vous êtes. Je fçais de vos nouvelles ; & c'est vous qui, tantôt, avez introduit le courier. CLAUDINE.

Qui? Moi?

GEORGE DANDIN.

Oui, vous. Ne faites point tant la fucrée.

CLAUDINE.

Hélas! Que le monde aujourd'hui eft rempli de méchanceté, de m'aller soupçonner ainfi, moi, qui fuis l'innocence même !

GEORGE DANDIN.

Taifez-vous, bonne piéce. Vous faites la fournoise, mais je vous connois il y a long-tems; & vous êtes une dessalée.

CLAUDINE à Angélique.

Madame, eft-ce que...

GEORGE DANDIN.

Taisez-vous, vous dis-je, vous pourriez bien porter la folle enchére de tous les autres; & vous n'avez point de pere gentil-homme.

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