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garde-toi bien de lui rien dire de ma flâme. J'aimerois mieux mourir que de pouvoir être accusé par elle de la moindre témérité, & ce profond respect où fes charmes divins... CLITIDA S.

Taifons-nous. Voici tout le monde.

SCENE II.

ARISTIONE, IPHICRATE, TIMOCLES, SOSTRATE, ANAXARQUE, CLEON, CLITIDAS.

ARISTIONE à Iphicrate.

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Rince, je ne puis me laffer de le dire, il n'eft point de spectacle au monde qui puiffe le disputer en magnificence à celui que vous venez de nous donner. Cette fête a eu des ornemens qui l'emportent, fans doute, fur tout ce que l'on fçauroit voir, & elle vient de produire à nos yeux quelque chofe de fi noble, de fi grand, & de fi majestueux, que le Ciel même ne fçauroit aller au-delà; & je puis dire affûrément qu'il n'y a rien dans l'univers qui s'y puifle égalér.

TIMOCLES.

Ce font des ornemens dont on ne peut pas efpérer que toutes les fêtes foient embellies; & je dois fort trembler, madame, pour la fimplicité du petit divertiffement que je m'apprête à vous donner dans le bois de Diane.

ARISTIONE.

Je crois que nous n'y verrons rien que de fort agréable; &, certes, il faut avouer que la campagne a lieu de nous paroître belle, & que nous n'avons pas le tems de nous ennuyer dans cet agréable féjour qu'ont célébré tous les poëtes fous le nom de Tempé. Car enfin, fans parler des plaisirs de la chaffe que nous y prenons à toute heure, & de la folemnité des jeux pythiens que l'on y célébre tantôt, vous prenez foin l'un & l'autre de nous y combler de tous les divertissemens qui peuvent charmer les chagrins des plus mélancoliques. D'où vient, Softrate, qu'on ne vous a point vû dans notre promenade?

SOSTRATE.

Une petite indisposition, madame, m'a empêché de m'y

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Softrate eft de ces gens, madame, qui croyent qu'il ne fiéd pas bien d'être curieux comme les autres ; & il eft beau d'affecter de ne pas courir où tout le monde court.

SOSTRATE.

Seigneur, l'affectation n'a guéres de part à tout ce que je fais ; &, fans vous faire compliment, il y avoit des choses à voir dans cette fête, qui pouvoient m'attirer, fi quelqu'autre motif ne m'avoit retenu.

ARISTIONE.

Et Clitidas a-t-il vû cela?

CLITIDAS.

Oui, madame. Mais, du rivage.

ARISTIONE.

Et pourquoi du rivage?

CLITIDAS.

Ma foi, madame, j'ai craint quelqu'un de ces accidens qui arrivent d'ordinaire dans ces confusions. Cette nuit j'ai fongé de poisson mort, & d'œufs caffés; & j'ai appris du seigneur Anaxarque, que les œufs caffés, & le poiffon mort, signifient malencontre.

ANAXARQUE.

Je remarque une chofe, que Clitidas n'auroit rien à dire, s'il ne parloit de moi.

CLITIDAS.

C'eft qu'il y a tant de choses à dire de vous, qu'on n'en fçauroit parler affez..

ANAXARQUE.

Vous pourriez prendre d'autres matiéres, puisque je vous en ai prié.

CLITIDAS.

Le moyen? Ne dites-vous pas que l'ascendant est plus fort que tout; &, s'il eft écrit dans les aftres que je fois enclin à parler de vous, comment voulez-vous que je résiste à ma destinée?

ANAXARQUE.

Avec tout le respect, madame, que je vous dois, il y a une chose qui est fâcheuse dans votre cour, que tout le monde y prenne la liberté de parler, & que le plus honnête homme y foit expofé aux railleries du premier méchant plaisant.

CLITIDAS.

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ARISTIONE à Anaxarque.

Que vous êtes fou, de vous chagriner de ce qu'il dit!
CLITIDAS.

Avec tout le refpect que je dois à Madame, il y a une chose qui m'étonne dans l'astrologie, que des gens qui fçavent tous les fecrets des Dieux, & qui poffédent des connoiffances à fe mettre audeffus de tous les hommes, ayent besoin de faire leur cour, & de demander quelque chofe. ANAXARQUE.

Vous devriez gagner un peu mieux votre argent; & donner à madame de meilleures plaifanteries.

CLITIDAS.

Ma foi, on les donne telles qu'on peut. Vous en parlez fort à votre aife; & le métier de plaifant n'eft pas comme celui d'astrologue. Bien mentir & bien plaisanter, font deux chofes fort différentes; & il est bien plus facile de tromper les gens, que de les faire rire.

ARISTIONE.

Hé? Qu'est-ce donc que cela veut dire?

CLITIDAS fe parlant à lui-même.

Paix, impertinent que vous êtes. Ne fçavez-vous pas bien que l'aftrologie eft une affaire d'état, & qu'il ne faut point toucher à cette corde-là. Je vous l'ai dit plufieurs fois, vous vous émancipez trop, & vous prenez de certaines libertés qui vous joueront un mauvais tour; je vous en avertis. Vous verrez qu'un de ces jours on vous donnera du pied au cul, Tome V. Ddd

& qu'on vous chaffera comme un faquin. Taisez-vous, si vous êtes fage.

Où eft ma fille?

ARISTIONE.

TIMOCLES.

Madame, elle s'est écartée ; & je lui ai présenté une main qu'elle a refusé d'accepter.

ARISTIONE.

Princes, puifque l'amour que vous avez pour Eriphile, a bien voulu fe foumettre aux loix que j'ai voulu vous impofer, puifque j'ai fçû obtenir de vous que vous fuffiez rivaux fans devenir ennemis, & qu'avec pleine foumiffion aux fentimens de ma fille, vous attendez un choix dont je l'ai faite feule maîtreffe, ouvrez-moi tous deux le fond de votre ame, & me dites fincérement quel progrès vous croyez l'un & l'autre avoir fait fur fon cœur?

TIMOCLES.

Madame, je ne fuis point pour me flater, j'ai fait ce que j'ai pû pour toucher le cœur de la princesse Eriphile, & je m'y fuis pris, que je crois, de toutes les tendres maniéres dont un amant fe peut fervir. Je lui ai fait des hommages foumis de tous mes vœux, j'ai montré des affiduités, j'ai rendu des foins chaque jour, j'ai fait chanter ma paffion aux voix les plus touchantes, & l'ai fait exprimer en vers aux plumes les plus délicates, je me fuis plaint de mon martyre en des termes paffionnés, j'ai fait dire à mes yeux, 'bien qu'à ma bouche, le désespoir de mon amour, j'ai pouffé à fes pieds des foupirs languiffans, j'ai même répandu des

auffi

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