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à tous deux la faveur de mon art. Mais les préfens du prince Iphicrate, & les promesses qu'il m'a faites, l'emportent de beaucoup fur tout ce qu'a pû faire l'autre. Ainfi ce fera lui qui recevra les effets favorables de tous les refforts que je fais jouer ; &, comme fon ambition me devra toute chofe, voilà, mon fils, notre fortune faite. Je vais prendre mon tems pour affermir dans son erreur l'esprit de la princesse, pour la mieux prévenir encore par le rapport que je lui fe rai voir adroitement des paroles de Vénus, avec les prédictions des figures céleftes que je lui dis que j'ai jettées. Va-t-en tenir la main au refte de l'ouvrage, préparer nos fix hommes à se bien cacher dans leur barque derriére le rocher, à pofément attendre le tems que la princeffe Ariftione vient tous les foirs se promener seule sur le rivage, à se jetter bien à propos fur elle, ainfi que des corfaires; & donner lieu au prince Iphicrate de lui apporter ce fecours, qui, fur les paroles du Ciel, doit mettre entre fes mains la princeffe Eriphile. Ce prince eft averti par moi; &, fur la foi de ma prédiction, il doit fe tenir dans ce petit bois qui borde le rivage. Mais fortons de cette grotte; je te dirai, en marchant, toutes les chofes qu'il faut bien observer, Voilà la princeffe Eriphile, évitons fa rencontre,

SCENE

XUSY 25

H

SCENE V.

ERIPHILE feule.

Elas! Quelle eft ma deftinée ! Et qu'ai-je fait aux
Dieux, pour mériter les foins qu'ils veulent prendre

de moi?

L

SCENE VI.

ERIPHILE, CLEONICE.

CLEONICE.

E voici, Madame, que j'ai trouvé; &, à vos pre'miers ordres, il n'a pas manqué de me fuivre.

ERIPHILE.

Qu'il approche, Cléonice; & qu'on nous laisse seuls un

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ERIPHILE.

Laiffons cela, Softrate. Je le fçais, je l'approuve; & vous permets de me le dire. Votre paffion a paru à mes yeux, accompagnée de tout le mérite qui me la pouvoit rendre agréable. Si ce n'étoit le rang où le Ciel m'a fait naître, je puis vous dire que cette paffion n'auroit pas été malheureufe; & que cent fois je lui ai fouhaité l'appui d'une fortune, qui pût mettre pour elle en pleine liberté les fecrets fentimens de mon ame. Ce n'eft pas, Softrate, que le mérite seul n'ait à mes yeux tout le prix qu'il peut avoir ; & que, dans mon cœur, je ne préfére les vertus qui font en vous, à tous les tâîtres magnifiques dont les autres font revêtus. Ce n'est pas même que la princeffe ma mere ne m'ait assez laissé la difpofition de mes voeux; & je ne doute point, je vous l'avoue, que mes priéres n'euffent pû tourner fon confentement du côté que j'aurois voulu. Mais il eft des états, Softrate, où il n'eft pas honnête de vouloir tout ce qu'on peut faire. Il y a des chagrins à fe mettre audeffus de toutes chofes ; & les bruits fâcheux de la renommée vous font trop acheter le plaifir que l'on trouve à con tenter fon inclination. C'est à quoi, Softrate, je ne me ferois jamais réfoluë; & j'ai crûî faire affez de fuir l'engaferois jamais résoluë; & j'ai créi gement dont j'étois follicitée. Mais enfin, les Dieux yeulent prendre eux-mêmes le foin de me donner un époux, & tous ces longs délais avec lefquels j'ai reculé mon mariage, & que les bontés de la princesse ma mere ont accordés à mes desirs, ces délais, dis-je, ne me font plus permis; & il me faut réfoudre à fubir cet arrêt du Ciel.

Soyez für, Softrate, que c'eft avec toutes les répugnances du monde que je m'abandonne à cet hyménée ; & que, fi j'avois pû être maîtresse de moi, ou j'aurois été à vous, ou je n'aurois été à perfonne. Voila, Softrate, ce que j'avois à vous dire. Voilà ce que j'ai crû devoir à votre mérite, & la confolation que toute ma tendresse peut donner à votre flâme.

SOSTRATE.

Ma

Ah! Madame, c'en eft trop pour un malheureux. Je no m'étois pas préparé à mourir avec tant de gloire; & je ceffe, dans ce moment, de me plaindre des destinées. Si elles m'ont fait naître dans un rang beaucoup moins élevé que mes defirs, elles m'ont fait naître affez heureux pour attirer quelque pitié du cœur d'une grande princesse; & eette pitié glorieufe yaut des fceptres & des couronnes vaut la fortune des plus grands princes de la terre. Oui, Madame, dès que j'ai ofé vous aimer, c'est vous, dame, qui voulez bien que je me ferve de ce mot téméraire ; dès que j'ai, dis-je, ofé vous aimer, j'ai condamné d'abord l'orgueil de mes désirs, je me fuis fait moimême la deftinée que je devois attendre. Le coup de mon trépas, Madame, n'aura rien qui me furprenne, puifque je m'y étois préparé; mais vos bontés le comblent d'un honneur que mon amour jamais n'eût osé espérer, & je m'en vais mourir, après cela, le plus content & le plus glorieux de tous les hommes. Si je puis encore fouhaiter quelque chofe, ce font deux graces, Madame, que je prends la hardiesse de vous demander à genoux, de vou

loir fouffrir ma présence jufqu'à cet heureux hyménée qui doit mettre fin à ma vie ; &, parmi cette grande gloire & ces longues prospérités que le Ciel promet à votre union, de vous fouvenir quelquefois de l'amoureux Softrate. Puisje, divine Princeffe, me promettre de vous cette précieuse faveur? xorno

ERIPHILE.

Allez, Softrate, fortez d'ici. Ce n'eft pas aimer mon repos, que de me demander que je me fouvienne de vous. SOSTRATE.

Ah! Madame, fi votre repos....

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Otez-vous, vous dis-je, Softrate. Epargnez ma foiblesse ; & ne m'expofez point à plus que je n'ai résolu.

SCENE VIII.

Baby ERIPHILE, CLEONICE.

M

CLEONICE.

Adame, je vous vois l'efprit tout chagrin; vous plaît-il que vos danfeurs, qui expriment si bien toutes les passions, vous donnent maintenant quelque preuve de leur adreffe?

ERIPHILE.HOME

Oui, Cléonice. Qu'ils faffent tout ce qu'ils voudront, pourvû qu'ils me laissent à mes pensées.

oup

Fin du quatriéme Acte.

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