Images de page
PDF
ePub

eeeee

୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪୪

[blocks in formation]

୪୪୪୪୪୪୪

Je vois tout le contraire, on le recherche, on l'aime;

Je voudrais que

chacun me détestât de même :

On se l'arrache au moins; je l'ai vu quelquefois

A des soupers divins retenu pour un mois ;
Quand il est à Paris il ne peut y suffire :

Me direz-vous qu'on hait un homme qu'on désire?

ARISTE.

Que dans ses procédés l'homme est inconséquent!
On recherche un esprit dont on hait le talent,
On applaudit aux traits du méchant qu'on abhorre ;
Et, loin de le proscrire, on l'encourage encore.
Mais convenez aussi qu'avec ce mauvais ton,

Tous ces gens, dont il est l'oracle ou le bouffon,
Craignent pour eux le sort des absents qu'il leur livre,
Et que tous avec lui seraient fâchés de vivre :
On le voit une fois, il peut être applaudi ;
Mais quelqu'un voudrait-il en faire son ami?

[blocks in formation]

lllillllllllllllll

Pour les esprits sensés est-il donc redoutable?
C'est ordinairement à de faibles rivaux

Qu'il adresse les traits de ses mauvais propos.
Quel honneur trouvez-vous à poursuivre, à confondre,
A désoler quelqu'un qui ne peut vous répondre?
Ce triomphe honteux de la méchanceté
Réunit la bassesse et l'inhumanité.

Quand sur l'esprit d'un autre on a quelque avantage,
N'est-il pas plus flatteur d'en mériter l'hommage,
De voiler, d'enhardir la faiblesse d'autrui,

Et d'en être à la fois et l'amour et l'appui?

VALÈRE.

Qu'elle soit un peu plus, un peu moins vertueuse,
Vous m'avouerez du moins que sa vie est heureuse.
On épuise bientôt une société;

On sait tout votre esprit, vous n'êtes plus fêté

Quand vous n'êtes plus neuf; il faut une autre scène
Et d'autres spectateurs : il passe, il se promène
Dans les cercles divers, sans gêne, sans lien;
Il a la fleur de tout, n'est esclave de rien...

ARISTE.

Vous le croyez heureux? Quelle âme méprisable!
Si c'est là son bonheur, c'est être misérable,

ееееееееееее

Étranger au milieu de la société,

Et partout fugitif, et partout rejeté.

Vous connaîtrez bientôt par votre expérience
Que le bonheur du cœur est dans la confiance.
Un commerce de suite avec les mêmes gens,
L'union des plaisirs, des goûts, des sentiments,
Une société peu nombreuse, et qui s'aime,

Où vous pensez tout haut, où vous êtes vous-même,
Sans lendemain, sans crainte, et sans malignité,
Dans le sein de la paix et de la sûreté :

Voilà le seul bonheur honorable et paisible

D'un esprit raisonnable, et d'un cœur né sensible.
Sans amis, sans repos, suspect et dangereux,
L'homme frivole et vague est déjà malheureux ;
Mais jugez avec moi combien l'est davantage
Un méchant affiché, dont on craint le passage;
Qui traînant avec lui les rapports, les horreurs,
L'esprit de fausseté, l'art affreux des noirceurs ;
Abhorré, méprisé, couvert de d'ignominie,
Chez les honnêtes gens demeure sans patrie.
Voilà le vrai proscrit, et vous le connaissez.

VALÈRE.

Je ne le verrais plus si ce que vous pensez

Allait m'être prouvé; mais on outre les choses;
C'est donner à des riens les plus horribles causes.
Quant à la probité, nul ne peut l'accuser;

Ce qu'il dit, ce qu'il fait n'est que pour s'amuser.

ARISTE.

S'amuser, dites-vous? Quelle erreur est la vôtre !
Quoi! vendre tour à tour, immoler l'une à l'autre
Chaque société, diviser les esprits,

Aigrir des gens brouillés, ou brouiller des amis,
Calomnier, flétrir des femmes estimables,

Faire du mal d'autrui ses plaisirs détestables;
Ce germe d'infamie et de perversité

Est-il dans la même âme avec la probité?

Et parmi vos amis vous souffrez qu'on le nomme?

VALÈRE.

Je ne le connais plus s'il n'est point honnête homme :

Mais il me reste un doute; avec trop de bonté

Je crains de me piquer de singularité :

Sans condamner l'avis de Cléon, ni le vôtre,

J'ai l'esprit de mon siècle, et je suis comme un autre. Tout le monde est méchant; et je serais partout

Ou dupe, ou ridicule avec un autre goût.

[merged small][ocr errors]

ARISTE.

Tout le monde est méchant? oui, ces cœurs haïssables,
Ce peuple d'hommes faux, de femmes, d'agréables,
Sans principes, sans mœurs, esprits bas et jaloux,
Qui se rendent justice en se méprisant tous.

En vain ce peuple affreux, sans frein et sans scrupule,
De la bonté du cœur veut faire un ridicule;
Pour chasser ce nuage, et voir avec clarté

Que l'homme n'est point fait pour la méchanceté,
Consultez, écoutez pour juges, pour oracles,

Les hommes rassemblés; voyez à nos spectacles,
Quand on peint quelque trait de candeur, de bonté,
Où brille en tout son jour la tendre humanité,
Tous les cœurs sont remplis d'une volupté pure,
Et c'est là qu'on entend le cri de la nature.

VALÈRE.

Vous me persuadez.

ARISTE.

Vous ne réussirez

Qu'en suivant ces conseils; soyez bon, vous plairez;
Si la raison ici vous a plu dans ma bouche,

Je le dois à mon cœur, que votre intérêt touche.

« PrécédentContinuer »