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En manteaux longs, en voiles redoublés,
Au discrétoire entrent neuf vénérables :
Figurez-vous neuf siècles assemblés.

Là, sans espoir d'aucun heureux suffrage,
Privé des sœurs qui plaideraient pour lui,
En plein parquet enchaîné dans sa cage,
Ver-Vert paraît sans gloire et sans appui.
On est aux voix : déjà deux des sibylles
En billets noirs ont crayonné sa mort;

Deux autres sœurs, un peu moins imbéciles,
Veulent qu'en proie à son malheureux sort
On le renvoie au rivage profane

Qui le vit naître avec le noir brachmane;

Mais de concert les cinq dernières voix
Du châtiment déterminent le choix :
On le condamne à deux mois d'abstinence,
Trois de retraite, et quatre de silence;
Jardin, toilette, alcôves et biscuit,
Pendant ce temps lui seront interdits.
Ce n'est point tout pour comble de misère,
On lui choisit pour garde, pour geôlière,
Pour entretien, l'Alecton du couvent,

Une converse, infante douairière,

Singe voilé, squelette octogénaire,

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CHANT IV.

Spectacle fait pour l'oeil d'un pénitent.
Malgré les soins de l'Argus inflexible,
Dans leurs loisirs souvent d'aimables sœurs,
Venant le plaindre avec un air sensible,

De son exil suspendaient les rigueurs.
Sœur Rosalie, au retour de matines,
Plus d'une fois lui porta des pralines ;
Mais, dans les fers, loin d'un libre destin,
Tous les bonbons ne sont que chicotin.

Couvert de honte, instruit par l'infortune,
Ou las de voir sa compagne importune,
L'oiseau contrit se reconnut enfin :
Il oublia les dragons et le moine,

Et, pleinement remis à l'unisson

Avec nos sœurs, pour l'air et pour le ton,
Il redevint plus dévot qu'un chanoine.
Quand on fut sûr de sa conversion,
Le vieux divan, désarmant sa vengeance,
De l'exilé borna la pénitence.

De son rappel, sans doute, l'heureux jour
Va pour ces lieux être un jour d'allégresse ;
Tous ses instants, donnés à la tendresse,

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Seront filés par la main de l'amour.
Que dis-je? hélas! ô plaisirs infidèles !
O vains attraits de délices mortelles!
Tous les dortoirs étaient jonchés de fleurs ;
Café parfait, chansons, course légère,
Tumulte aimable et liberté plénière;
Tout exprimait de charmantes ardeurs,
Rien n'annonçait de prochaines douleurs :
Mais, de nos sœurs ô largesse indiscrète!
Du sein des maux d'une longue diète
Passant trop tôt dans des flots de douceurs,
Bourré de sucre et brûlé de liqueurs,
Ver-Vert tombant sur un tas de dragées,
En noirs cyprès vit ses roses changées.
En vain les sœurs tâchaient de retenir,
Son âme errante et son dernier soupir ;
Ce doux excès hâtant sa destinée,
Du tendre amour victime fortunée,

Il expira dans le sein du plaisir.
On admirait ses paroles dernières.
Vénus enfin, lui fermant les paupières,
Dans l'Élysée et les sacrés bosquets

Le mène au rang des héros perroquets,

Près de celui dont l'amant de Corine

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A pleuré l'ombre et chanté la doctrine.

Qui peut narrer combien l'illustre mort
Fut regretté! la sœur dépositaire

En composa la lettre circulaire

D'où j'ai tiré l'histoire de son sort.
Pour le garder à la race future,
Son portrait fut tiré d'après nature.
Plus d'une main, conduite par l'amour,
Sut lui donner une seconde vie

Par les couleurs et par la broderie ;
Et la Douleur, travaillant à son tour,
Peignit, broda des larmes alentour.
On lui rendit tous les honneurs funèbres
Que l'Hélicon rend aux oiseaux célèbres.
Au pied d'un myrte on plaça le tombeau
Qui couvre encor le Mausole nouveau :
Là, par la main des tendres Artémises,
En lettres d'or ces rimes furent mises
Sur un porphyre environné de fleurs :
En les lisant on sent naître ses pleurs :

Novices, qui venez causer dans ces bocages

>> A l'insu de nos graves sœurs,

» Un instant, s'il se peut, suspendez vos ramages;

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>> Vous vous taisez si c'est trop vous contraindre,

))

:

Parlez, mais parlez pour nous plaindre ;

» Un mot vous instruira de nos tendres douleurs : >> Ci git Ver-Vert, ci gisent tous les cœurs. »

On dit pourtant (pour terminer ma glose
En peu de mots) que l'ombre de l'oiseau
Ne loge plus dans le susdit tombeau;
Que son esprit dans les nonnes repose,
Et qu'en tous temps par la métempsycose,
De sœurs en sœurs l'immortel perroquet
Transportera son âme et son caquet.

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