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PREMIÈRE PÉRIODE,

OU

HISTOIRE DES TRAITÉS

DE STETTIN, DE KIWEROWA-HORKA, DE TEUSIN, DE SIOROD, DE STOLBOWA, DE DIWILINA, D'ALTMARK, DE WIASMA, DE STUMSDORF, DE BROMSEBRO, D'OLIVA, DE COPENHAGUE ET DE KARDIS.

1570-1661.

CHAPITRE XLII.

TRAITÉ DE PAIX DE STETTIN, entre la suÈDE ET LE DANEMARCK, CONCLU EN 1570.

Origine de la guerre entre la Suède et le Danemarck. Éric XIV avait succédé, en 1560, à son père Gustave Wasa sur le trône de Suède. Il se trouvait offensé de ce que Frédéric II, roi de Danemarck, employat dans ses armoiries l'écusson des trois couronnes, en souvenir de leur ancienne réunion; pour s'en venger, il ajouta aux armes de Suède celles du Danemarck et de la Norwége. Ce différend occasionna la guerre qui éclata en 1563, mais il n'en fut que le prétexte; le véritable motif des hostilités était la jalousie que ces deux puissances avaient conçue l'une envers l'autre au sujet de la Livonie, dont chacune d'elles espérait s'attribuer la souveraineté. Un événement, arrivé le 17 février 1563, accéléra la rupture. Éric, qui était d'un carac

tère bizarre, recherchait à la fois les mains d'Élisabeth, reine d'Angleterre, de Marie Stuart. et d'une fille du landgrave Philippe de Hesse. Des ambassadeurs chargés de se rendre auprès du landgrave débarquèrent à Copenhague et y furent arrêtés pendant quelques jours, sous prétexte qu'il leur fallait un passe-port signé par le roi lui-même. Steen Leionhufvud, chef de l'ambassade, impatienté de ce retard, voulut forcer la consigne donnée à la porte de la ville, et, n'y ayant pas réussi, se permit des injures contre le roi et la nation danoise. Frédéric le fit arrêter, ainsi que ses compagnons de voyage, et les enferma dans le château de Kallundborg, où ils devaient rester jusqu'à ce qu'Éric eût donné satisfaction de l'insulte faite à un souve

rain dans sa capitale. Le roi de Suède s'y refusa, parce qu'il prétendit être offensé par l'affront fait à son ambassadeur. Les deux cours négociaient encore pour arranger ce différend, lorsque l'amiral Bagge, conduisant une nouvelle ambassade à Rostock, rencontra, près de Bornholm, une escadre danoise commandée par l'amiral Brokkenhuus. Chacun des deux amiraux prétendit que l'autre lui devait le salut; les Danois tirèrent les premiers sur les Suédois, par suite d'un accident, à ce qu'ils assurèrent depuis. Les Suédois ripostèrent et s'emparèrent de trois vaisseaux danois. Ce combat eut lieu le 30 mai 1563; il fut le signal de la guerre.

Frédéric II se ligua avec le roi de Pologne et avec la ville de Lubeck, qui se plaignait de vexations que son commerce éprouvait, de la part des Suédois, dans la mer Baltique. Il confia le commandement de ses troupes à un capitaine très-renommé, Gonthier, comte de Schwarzbourg, et engagea à son service beaucoup de militaires allemands. Le 21 juillet 1563, il déclara la guerre à Éric XIV: celui-ci publia, le 26 août, un manifeste contre le Danemarck. Campagne de 1563.

Cette guerre est riche

en événements peu décisifs. La fortune favorisa alternativement les deux parties; mais, en général, la marine suédoise se montra supérieure à celle des Danois.

Les Danois entrèrent en Westrogothie, et s'emparèrent d'Elfsborg, position importante sur la mer. Cette invasion engagea le roi de Suède à se mettre à la tête de ses troupes, avec lesquelles il entra en Halland. Ayant échoué dans une entreprise sur Halmstad, il fut obligé de se retirer. Les Danois l'attaquèrent, le 10 novembre 1563, dans sa marche, près de Marekårr; la bataille fut sanglante sans être décisive. Campagne de 1564. En 1564, l'empereur offrit aux deux puissances sa médiation, et les invita à tenir un congrès à Rostock; mais le roi de Suède ne voulut pas y envoyer des ministres, prétendant qu'une paix entre les deux États devait être conclue dans une ville située sur la frontière. Les 28, 29 et 30 mai, la flotte suédoise livra des combats près d'Oeland à la flotte réunie danoise et lubeckoise; un vaisseau suédois de 200 canons, dont les alliés s'étaient déjà emparés, sauta en l'air. Ceux-ci remportérent la victoire. Claes Horn, amiral suédois, prit sa revanche, le 12 août, près d'Oeland.

Le 24 août, Éric XIV s'empara de Lyckeby, en Blekingie, et déclara cette province réunie à la Suède; mais le comte de Schwarzbourg la reprit au mois de septembre. Frédéric II ayant témoigné son mécontentement du peu d'activité que ce général avait montré pendant ces deux campagnes, il quitta le commandement et se retira en Allemagne.

En Livonie, les Suédois enlevèrent au duc Magnus les châteaux de Habsal, de Wike et de Leal.

Campagne de 1565. En 1565, la flotte suédoise maintint la supériorité. Elle se présenta le 27 mai devant Copenhague et menaça cette capitale; elle perçut le péage du Sund, et s'empara de beaucoup de bâtiments. Le 4 juin, elle défit, à la hauteur de Buchow, sur la côte de Mecklenbourg, la flotte combinée, dont l'amiral, Herluf Trolle, fut blessé à mort. Son successeur, Otto Rud, fut battu et fait prisonnier, le 7 juillet, dans un combat que l'amiral Horn lui livra entre Bornholm et Rügen. Outre le vaisseau amiral, les Danois perdirent dans cette journée six vaisseaux.

Par terre, les Danois remportèrent, le 28 octobre, une victoire brillante à Axtorna, en Halland. Ils étaient commandés par Daniel Ranzau; leur force n'était que de 4,000 hommes. Les Suédois, sous les ordres de Hastko, se montaient à 25,000, dont 5,000 périrent dans cette affaire; les Suédois perdirent aussi 30 canons.

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Campagne de 1567. En 1567, l'empereur Maximilien II, le roi de France et l'électeur Palatin ouvrirent à Stralsund un congrès de pacification; mais Éric XIV n'y envoya pas de plénipotentiaire, parce que, trompé par quelques aventuriers qui se donnaient pour des députés de la Norwége et de l'Islande, il espérait que les habitants de ces deux pays se soumettraient volontairement à son sceptre. Peu de temps après se manifesta la folie de ce prince, par suite de laquelle la Suède fut remplie de troubles. Les Danois en profitèrent. Ranzau entra, le 1er novembre, en Smaland, et, le 10, en Ostrogothie,

brûla Jönköping, Wadstena, Linkiöping et Söderkiöping, et pénétra jusqu'à Skenninge; mais le manque de subsistances et la défaite du général de Marswin, qui lui amenait des secours et des vivres, le réduisirent à la dernière extrémité. Dans cette situation désespérée il résolut de se frayer une route à travers l'armée suédoise, et de rentrer en Danemarck par les forêts et les défilés qui l'en séparaient. Il commença sa retraite le 15 janvier 1568, effectua son projet, et arriva, le 14 février, en Scanie, après avoir détruit un corps suédois qui s'était opposé à sa marche.

Traité de Roskild, du 18 novembre 1568. En 1568, les frères d'Éric XIV prirent les armes contre ce prince. Ils conclurent, le 14 août, avec le roi de Danemarck, un armistice pendant lequel un congrès fut ouvert à Roskild. La paix y fut conclue, le 18 novembre, aux conditions suivantes; savoir, que les deux monarques pourraient porter les trois couronnes dans leurs armes, sans préjudice; qu'ils renonceraient à leurs prétentions réciproques aux royaumes du Nord; que la Suède céderait au duc Magnus ses possessions en Livonie 1. Jean III, qui venait de détrôner son frère Éric XIV, refusa de ratifier ce traité, d'autant plus que les Suédois s'étaient emparés, au mois de juillet, de Sonnenbourg, principale forteresse danoise en Livonie.

Campagne de 1569. Le Danemarck commençait à se ressentir des améliorations que Pierre Oxe, ministre de Frédéric II, avait faites depuis 1566 dans ses finances et son armée. Malgré les échecs que la marine danoise avait essuyés dans les campagnes précédentes, une flotte de 30 vaisseaux mit en mer en 1569, et alla bombarder Revel, pendant qu'une armée de terre investit Warberg, en Halland, dont elle s'empara le 4 décembre.

Paix de Stettin. Cependant les deux puissanees belligérantes étaient lasses de la guerre qu'on avait cessé de se faire avec animosité depuis la mort d'Éric XIV. Un événement arrivé en Livonie augmenta leurs dispositions pacifiques. Magnus, pour les intérêts duquel on se battait depuis sept ans, se rendit, le 18 mai 1570,

à Moscou, où le czar Iwan IV Wasiliewitsch le proclama roi de Livonie, sous la protection de la Russie. Cette démarche fut désapprouvée par le roi de Danemarck, qui avait conféré la Livonie à son frère à titre d'apanage de sa couronne. Les ministres de l'empereur, du roi de France, du roi de Pologne et de l'électeur de Saxe, saisirent cette circonstance pour offrir leur médiation, et proposer la tenue d'un congrès à Stettin. Il fut ouvert le 1er juillet 1570; mais une discussion qui s'y éleva entre la Pologne et la Suède, faillit à le faire rompre. Le roi de Pologne demanda que le roi de Suède, son beaufrère, lui remit Revel. Les médiateurs terminèrent tous les débats en déclarant que leurs souverains prendraient fait et cause contre celui qui ferait manquer la conclusion de la paix. Elle fut signée le 13 décembre 1870, aux conditions suivantes.

La contestation relative à l'usage de l'écusson des trois couronnes sera vidée par des arbitres; savoir, l'empereur, l'électeur de Saxe, le duc Jules de Brunswick, l'électeur de Brandebourg; les délégués de ces princes s'assembleront à Rostock. En attendant leur décision, deux monarques pourront se servir de cet écusson. Art. 4. Cet arbitrage n'a jamais eu lieu, les deux parties l'ayant également éludé.

les

Le roi de Danemarck renonce, pour lui et ses successeurs, à toutes ses prétentions au royaume de Suède; le roi de Suède renonce, à son tour, à celles qu'il s'était réservées par le traité de 1541, sur la Norwége, la Halland, la Scanie, la Blekingie, et sur l'ile de Gottland. Art. 5. Par le traité de 1541, signé à Brömsebro, il avait été convenu que les droits de Gustave Ier Wasa et de la Suède, sur ces provinces, seraient examinés pendant la paix qui y fut conclue pour vingt ans 2.

Les nobles ayant des terres sous l'une ou l'autre domination, les conserveront, sans être troublés dans la possession de leurs priviléges. Art. 6.

Le Danemarck restitue la ville et le château d'Elfsborg; la Suède restitue au Danemarck la Iemptie et l'Heriédalie, comme dépendances de

1 Voy. SCHLEGEL, Gesch. der Kon. v. Danemark aus d. Oldenburg, Stamme, p. 260.

2 Le traité de 1541 se trouve dans ARILD HUITFELD,

Danmarkis regis Kronike; Copenhague, 1652, vol. II, p. 1517; et dans ERICI GEORG. TEGEL, Chron, Gustavi I; Stockh., 1620, p. 11.

la Norwége, ainsi que les vaisseaux et les munitions dont elle s'était emparée. Elle lui payera, en outre, 150,000 rixdales. Art. 8. Le payement de cette somme fut imposé à la Suède pour avoir rompu la trêve du 14 août 1568.

«Le roi de Suède n'ayant, en conquérant les évêchés d'Oesel et de Revel, ainsi que le couvent de Padis et la commanderie de Sonnenbourg, entendu léser les droits de qui que ce soit, et moins encore ceux de l'empereur et de l'Empire, auxquels le domaine direct de la Livonie appartient incontestablement, résignera ces évêchés et tout ce dont il s'est emparé en Livonie, entre les mains des plénipotentiaires de l'empereur et de l'Empire, qui, à cet effet, se rendront à Rostock le 24 mai 1571, à condition toutefois qu'on lui remboursera ses frais de guerre. Après cette résignation, ces terres seront conférées par l'empereur au roi de Danemarck.» Art. 9. L'article ne dit pas qui doit rembourser au roi de Suède les frais que la conquête de la Livonie lui avait coûtés, ni à combien ils se montaient; il en arriva qu'il resta en possession de tout ce qu'il tenait dans ce pays, et y étendit même ses conquêtes. Jean III somma plusieurs fois l'empereur de lui payer les frais de guerre, en annonçant qu'à défaut de ce payement il regarderait le traité comme rompu. Enfin, en 1579, il annonça formellement qu'il ne reconnaissait plus la suzeraineté de l'Empire sur la Livonie. Après quelques négociations,

la diète d'Augsbourg, de 1582, prit un conclusum, d'après lequel on laissa au roi de Suède ses possessions dans cette province jusqu'à l'époque où l'on pourrait lui rembourser ses frais.

Les Danois auront la liberté de faire le commerce en Suède, en Russie et à Narva; les Suédois ne seront pas empêchés de le faire en Danemarck, en Norwége et par le Sund. Art. 11. La stipulation relative à Narva ne fut pas exécutée; les Danois et les habitants des villes hanséatiques ayant continué d'amener des vivres aux Russes, à Narva, les Suédois interceptèrent ce commerce.

Si, à l'avenir, il s'élève quelque différend entre les deux parties, il sera jugé par arbitres; savoir, par six sénateurs de chaque royaume; et si ces douze sénateurs ne forment pas une majorité de voix, les deux monarques s'accorderont sur le choix d'un sur-arbitre; s'ils ne le peuvent pas, ils en nommeront chacun un, et de ces deux l'un sera éliminé par le sort. Art. 15 2.

Observation. Le traité de Stettin est la base des rapports qui ont subsisté jusqu'à ces derniers temps, ou qui subsistent encore entre la Suède et le Danemarck; il a consolidé la séparation des couronnes du Nord, et assuré, pendant plus de deux siècles, au Danemarck, la possession de la Norwége. Aussi verrons-nous qu'il a été renouvelé dans tous les traités suivants.

Voy. HÆBERLIN, Neueste deutsche Reichsgesch., vol. XII, p. 119; et les pièces dans J. W. HOFMANN, Samml.ungedr. Nachrichten;Halle, 1736, vol. I, p. 535.

2 On trouve le traité de paix de Stettin dans LUNIG, Reichs-archiv., P. spec., Cont. IV, tom. I, p. 1360. RESEN, Fred. II Kronike, p. 371.

CHAPITRE XLIII.

TRAITÉ DE PAIX DE KIWEROWA-HORKA, ENTRE LA POLOGNE ET LA RUSSIE, CONCLU EN 1582.

Guerre entre la Pologne et la Russie. — Après la paix de Stettin entre les Suédois et les Danois, la guerre continua, en Livonie, entre les Polonais et les Russes, et entre ces derniers et les Suédois. Les Polonais conclurent, en 1570, une trève de trois ans avec les Russes; mais les hostilités n'en continuèrent pas moins dans la Livonie.

Le czar Iwan IV Wasiliewitsch s'étant aperçu de l'éloignement des Livoniens pour sa domination, crut devoir leur accorder un prince particulier qui les gouvernât sous la protection de la Russie. Deux nobles Livoniens, qui se trouvaient prisonniers en Russie, Jean Taube et Elert Kruse, se laissèrent gagner par Iwan pour négocier un arrangement avec Magnus, prince de Danemarck. Celui-ci se rendit, en 1570, à Moscou, et, en conséquence, fut déclaré roi de Livonie, sous la protection de la Russie. Le czar lui donna en mariage la princesse Marie sa nièce, et arrêta que le nouveau royaume passerait aux descendants de ce prince, et, à leur défaut, à un autre prince de la maison de Danemarck ou de Holstein, sans qu'il pût jamais être conféré à un seigneur russe.

Le nouveau roi de Livonie, soutenu par les Russes, entreprit la même année le siége de Revel et y échoua. Il ne réussit pas mieux à conserver les bonnes grâces du czar. Les intelligences secrètes qu'il entretenait avec les Polo

nais étant parvenues à la connaissance d'Iwan, il le fit arrêter en 1577, et l'accabla de coups et d'injures. Magnus n'obtint sa liberté qu'en renonçant à ses possessions en Livonie, et protestant de vivre tranquille dans ses domaines de Karks et Oberpalen. Il se sauva de là en 1578 dans son évêché de Pilten ou Courlande, se soumit à la Pologne, renonça au titre de roi de Livonie, et mourut en 1583. Il ne laissa qu'une fille nommée Marie . Le roi de Danemarck se mit alors en possession de l'île d'Oesel, dans laquelle ce prince s'était maintenu, et de l'évêché de Pilten; mais, le 7 juin 1585, il céda à la Pologne, par un traité conclu à Cracovie, ses prétentions sur Pilten pour une somme de 30,000 rixdales. Le margrave George-Frédéric de Brandebourg, qui administrait la Prusse au nom du duc Albert-Frédéric, incapable de régner, avança ces 30,000 rixdales, et obtint l'évêché à titre de gage, malgré les protestations du duc de Courlande, auquel le prince Magnus avait anciennement cédé ses droits sur ce pays, en s'en réservant la jouissance sa vie durant.

La mort de Sigismond-Auguste, dernier roi de Pologne de la maison de Jagellon, arrivée en 1572; les interrègnes qui se succédèrent assez rapidement, et les élections orageuses des rois Henri de Valois et Étienne Batory, occasionnèrent des troubles intestins qui empêchérent les Polonais de surveiller les affaires de

1 Voy. Tables généalogiques des maisons souveraines du nord et de l'est de l'Europe, par косH; Paris, 1818, Table XXXIII.

2 La veuve de Magnus se laissa engager, en 1588, à se

rendre en Russie. Le czar Boris Godunow l'enferma dans un couvent, et fit mourir sa fille qui avait des droits au trône. Voy. MULLER, Samml. russ. Gesch., Bd. V. St. 1, p. 35.

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