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tuées, évidemment avec les atiributions qu'elles avaient, et à plus forte raison avec celles qui leur sont données par la Constitution elle-même, continueront à fonctionner jusqu'à ce que les lois organiques qui devront les régler d'une manière spéciale soient intervenues. — Ainsi,

nullement mis en cause dans l'incident qui sieurs, les conseils généraux, bien que la loi vous est soumis; les accusés ne sont pas dis- organique qui doit déterminer lear compositraits de leurs juges naturels ; les faits incrimi- tion et les constituer, n'ait pas encore été nés sont postérieurs à l'institution de la Hau- présentée et par conséquent promulguée, comte-Cour, à l'élection des hauts-jurés. Laissons me toutes les autorités constituées demeurent donc de côté ces principes élémentaires de no- en exercice, elles fonctionnent et remplissent tre droit criminel, et ne nous occupons que de les attributions qui leur sont déférées par la ce qui fait l'objet du débat. La seule question loi. Mais, dit-on, la loi en vertu de laest de savoir si les hauts-jurés ont reçu de la quelle les conseils généraux existent ne leur Joi mission de juger les accusés; en un mot, donnait pas cette attribution extraordinaire de si légalement ils peuvent remplir la fonction de fournir un jury à la Haute-Cour de justice, juges. L'art. 83 de la Constitution pose d'intervenir, soit directement, soit indirected'une manière générale ce principe, que le ju- ment, dans l'administration de la justice crimiry est le seul juge des crimes politiques; mais nelle! Soit; mais prenez bien garde : il y a une cet article n'organise pas le jury, il le prend loi qui, apparemment, à vos yeux comme aux tel qu'il a été institué par les lois antérieures. miens, est supérieure à la loi de 1833, si je De même, après l'art. 90 de la Constitu- ne me trompe, qui avait organisé les con-tion, qui crée un tribunal spécial pour cer-seils généraux : c'est la Constitution. C'est la tains faits déterminés, prend place l'art. 92, Constitution qui dit d'abord que les conseils qui attribue les fonctions de hauts-jurés aux généraux existeront, ensuite que les jurés de membres des conseils généraux, tels qu'ils la Haute-Cour seront pris dans leur sein, et sont institués par les lois antérieures.-Qu'on enfin qui, en terminant, dit, par une dispone dise pas que la création de ce haut tribu-sition transitoire, que les autorités constinal, institué par la Constitution, prive les accusés de leurs juges naturels; elle ne leur enlève aucune des garanties que leur accorde le droit commun; elle ajoute même à ces garanties. Ainsi, au lieu de trois conseillers de Cour d'appel qui composent les Cours d'assises ordinaires, la Constitution appelle cinq magis-vous le voyez, c'est en grande et parfaite contrats d'un ordre plus élevé, cinq conseillers à la Cour de cassation, pour former la Haute-Cour. Quant au jury, au lieu de douze jurés pris au hasard parmi tous les citoyens, vous voyez trente-six jurés qui ont reçu une première fois la consécration du suffrage universel, qui ont été choisis, élus, pour trancher les plus hau-raient pris les jurés qui devraient concourir à tes questions, pour veiller aux intérêts les plus prochains de leurs concitoyens. Ainsi, nous devons le répéter, devant la Haute-Cour, les accusés ont toutes les garanties que leur accorde le droit commun, ils ont même davantage. »Dans le système qui vient d'être présenté, la Constitution serait paralysée dans l'une de ses parties les plus importantes; ce serait une lettre morte quant à ce qui concerne d'institution de la Haute-Cour, tant qu'une des lois organiques, à l'existence desquelles, veuillez le remarquer, l'Assemblée nationale constituante n'a pas subordonné la mise en vigueur de la Constitution, n'aura pas été promulguée; ainsi, un des éléments les plus essentiels de la Constitution, la Haute-Cour de justice n'existerait pas, ne pourrait pas exister, tant que la loi organique n'aurait pas été promulguée.

naissance de cause, en se plaçant sous les yeux les différents articles que nous venons de vous rappeler, que les auteurs de la Constitution ont tout à la fois confirmé les conseils généraux, organisé la Haute-Cour de justice, et déclaré que dans les conseils généraux se

la formation de la Haute Cour de justice. -Il est donc impossible de prétendre qu'en vertu de ce texte constitutionnel les membres du conseil général ne soient pas aujourd'hui, dans l'état de la législation, habiles à devenir jurés près la Haute-Cour; car une loi, je le répète, supérieure à toutes les lois, la Constitution, les a pris dans la situation où ils se trouvaient alors; non seulement elle a maintenu cette situation, mais elle a ajouté une attribution, et en même temps qu'elle ajoutait cette attribution, elle ne subordounait pas l'exercice de cette attri bution à une élection nouvelle, à une organisation nouvelle car, au contraire, elle disait expressément dans l'art. 143 que les autorités constituées continueraient à fonctionner; et parmi les autorités constituées, il est impossible de ne pas compter les conseils généraux.

Messieurs, est-ce que cela est possible? Est-il besoin de faire observer que la comest-ce qu'il est possible de supposer que les position du haut-jury, son origine, sont un rédacteurs de la Constitution, que les mem- gage d'impartialité, d'indépendance politique. bres de l'Assemblée nationale constituante, En effet, les membres des conseils généraux après avoir ainsi créé, et immédiatement créé sont choisis en dehors des préoccupations pocette haute juridiction entourée de tant de ga- litiques; leur élection n'est déterminée que ranties, aient voulu la laisser pendant un par des considérations d'estime personnelle, temps plus ou moins long à l'état de théorie, fondée aussi bien sur leur caractère que sur à l'état de principe non applicable? Non, Mes- leur intelligence et leur savoir. Félicitezsieurs, et l'art. 113, dont on a cherché à écar- vous donc d'avoir pour juges des hommes imter l'application à la cause, suffit pour faire partiaux que ne préoccupe aucune mission rejeter l'exception proposée. Toutes les auto- politique; d'avoir des jurés qui ne sont accesDrités constituées, porte cet article, demeurent sibles qu'à des sentiments de vérité, de haute Den exercice jusqu'à la promulgation des lois justice, qui n'ont en vue que les intérêts géorganiques qui les concernent.-Ainsi, Mes-néraux du pays. Voilà pour ies accusés de vé:

JOURNAL DU PALAIS. 340 ritables et de sérieuses garanties. Et de quoi pouvez-vous donc vous plaindre?

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ges, et c'est sur ces motifs que nous nous fon-
dons pour conclure à ce que la Haute-Cour
rejette l'exception proposée au nom des ac-

cusés..

M Michel (de Bourges) a répliqué à M. Ie procureur général.

On a protesté contre l'absence, parmi les membres du haut-jury, des membres du conseil général de la Seine: on y a vu une irréVous savez gularité, une cause de nullité. Le droit de juger, a-t-il dit, appartient au Messieurs, que les membres de la commission administrative du département de la Seine peuple. Dans toute démocratie le peuple n'a pas le droit de renoncer à deux choses: le sont dans une position exceptionnelle. Ils ne droit de faire les lois, et le droit de les applisont pas issus de l'élection, et, par un scruquer. Partout où il y a abdication de ces pule honorable qui sera compris, aucun memLe droit de jubre de ce conseil n'a été appelé à concourir à droits, il manque beaucoup de choses, et il la formation du haut-jury. Est-ce là une cau- n'y a plus de démocratie. ger a été consacré dans la Constitution histoPour dé se de nullité ? L'art. 80 de la Constitution nous semble prouver le contraire. Il donne en effet riquement et philosophiquement. montrer que ce droit est consacré historiqueau pouvoir exécutif le droit de dissoudre, dans des conditions déterminées, l'un des conseils ment, M Michel (de Bourges) remonte jusgénéraux de la France. Or, il peut arriver qu'aux Romains, dont il examine l'organisaqu'une pareille dissolution soit prononcée tion judiciaire, puis il ajoute : M. le procureur général a fait tout à l'heure l'éloge des avant la formation du haut-jury, et qu'ainsi un département ne soit pas représenté dans ce jurés qui sont appelés pour nous juger. Je n'ai jury. Or, nous sommes dans une situation, si- pas à contredire sur ce point; j'espère que, non identique, au moins analogue. L'absence dans quelques instants, M. le procureur géné. du membre de la commission départementale ral n'oubliera pas cette apologie. Je ne trouve pas, dans notre langue judiciaire, de de la Seine est un nouvel hommage rendu au mot qui exprime notre situation judiciaire. suffrage universel. La position anormale de cette commission n'est pas une raison pour Vous parlez de conspiration, et vous allez trop bas; je parle de nullité, et je dis peut-être que la Constitution soit tenue en échec et qu'on suspende indéfiniment l'exercice de l'u- trop. Votre arrêt, citoyens magistrats, doit ne de ses plus belles institutions, celle de la beaucoup vous préoccuper. Il ne s'agit pas ici d'une question judiciaire; il s'agit d'une queHaute-Cour. -Le défenseur termine en reAinsi disparaissent les moyens d'incompé-stion de justice politique où tout se règle par tence en présence du texte de la Constitution, la bonne foi. et sans qu'il soit besoin d'autre considération prenant et en reproduisant les arguments déjà présentés et développés par M Madier de pour les faire écarter. Montjau.

» Il reste cependant une objection à combattre. On a prétendu que l'existence, la convocation de la Haute Cour était un empiétement du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. Empiétement! Mais par quel acte du pouvoir exécutif aurait-il été commis? Ne sait-on pas qu'elle a été saisie de la connaissance de ce procès par un décret de l'Assemblée législative, qui a renvoyé les prévenus du 13 juin devant le le haut-jury, sans qu'aucun de ses membres, même ceux dont les sympathies politiques étaient favorables aux accusés, aient songé à protester, sans que la question d'irrégularité ait été soulevée ? Ainsi l'Assemblée a renvoyé la connaissance des faits incriminés à la HauteCour, telle qu'elle était composée, avec les mêmes éléments qui la constituaient à l'époque où le décret a été rendu. On peut dire dès lors que la composition du haut jury a été approuvée par une loi. Il y a plus : l'Assemblée constituante elle-même a été appelée, après un débat approfondi, long, solennel, à interpréter son œuvre lorsqu'elle a renvoyé à la HauteCour la connaissance de l'affaire du 15 mai 1848, sans ordonner une nouvelle élection des Ainsi voilà deux fois que conseils généraux. le pouvoir constituant et le pouvoir législatif interprètent le texte de la Constitution. Il n'est donc pas permis de dire que dans la formation du haut-jury, la Constitution a été violée, car c'est derrière elle que nous voulons nous retrancher, et pour cette exception et dans touNous termites les circonstances du procès. nons en rappelant à la Haute-Cour les motifs du premier arrêt rendu dans l'affaire de Bour

Du 13 OCTOBRE 1849, arrêt Haute-Cour de justice, MM. Béranger prés., Baroche proc. gén., Madier de Montjau aîné et Michel (de Bourges) av.

Attendu, en ce

LA HAUTE-COUR; qui concerne la juridiction, qu'elle n'est qu'un mode d'exercice de la puissance publique; que, le législateur étant toujours le maître de modifier cet exercice suivant le besoin des temps, restreindre à des conditions qu'il n'a pas déterminées l'effet des changements qu'il y apporte, ce serait entraver dans sa sphère d'action la souveraineté nationale qu'il représente, et arrêter le cours de la justice; - Attendu, quant à la capacité légale du haut jury, que l'Assemblée constituante, appelée par le suffrage universel à organiser les pouvoirs publics, a saisi du droit de statuer sur les faits spéciaux, par elle définis, les membres des conseils généraux de France; —Que l'art. 113 de la Constitution a virtuellement maintenu l'existence et la composition de ces conseils;

Attendu qu'en vertu du mandat général et absolu dont elle était investie, il lui appartenait de ne subordonner l'exercice de l'attribution qu'elle leur conférait, ni à une élection nouvelle, ni à une réorganisation ultérieure;

Attendu qu'il n'est pas permis au juge de distinguer là où la loi fondamentale ne distingue pas, et de paralyser ainsi, pendant un temps indéterminé, l'action d'une juridiction légalement constituée; — Par ces motifs, RE

JETTE le déclinatoire proposé, et ORDONNE qu'il sera passé outre au tirage du haut-jury.

TH. G.

HAUTE-COUR DE JUSTICE.

(10 novembre 1849.)

DÉFENSE, LIBERTÉ, VIOLATION DE LA CONSTITUTION, DROIT D'INSURRECTION.

Le droit de libre défense n'autorise point à plaider devant un tribunal que toute violation de la Constitution de la part du pouvoir législatif donne naissance au droit d'insurrection.

En effet, s'il ne peut être interdit à la défense de se prévaloir de toutes les circonstances de la cause qui lui paraîtraient propres à établir des exceptions de bonne foi personnelles aux accusés, sans en excepter la croyance où ils auraient été que la Constitution aurait été violée, elle excéderait ses limites en faisant dériver de cette violation par elle alléguée, et sur laquelle s'est irrévocablement prononcée l'Assemblée nationale, seule autorité competente, le droit à l'insurrection.

Là où sont ouvertes les voies de droit, les voies de fait sont virtuellement interdiles.

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de l'homme, et dont l'exercice n'a rien d'inconciliable avec le principe d'ordre déclaré, par l'art. 4, l'une des bases de la République. Constit. 3 nov. 1848, art. 3 et 4 du préambule.

L'art. 110, en confiant le dépôt des institulions constitutionnelles à la garde et au patriotisme de tous les Français, a entendu seulement appeler autour de la loi fondamentale du pays l'affection et le dévoúment de tous, mais non la mettre à la discrétion de chacun. Constitution de 1848, art. 110.

GAMBON, GUINARD, FORESTIER

ET AUTRES.

(Affaire dite du 13 juin.)

Après l'audition des témoins, terminée, de. vant la Haute-Cour de justice siégeant à Ver. sailles, dans l'audience du 6 novembre, et les réquisitoires prononcés par MM. les avocats généraux de Royer et Suin, dans les audiences des 7, 8, 9 et 10, la parole a été donnée à Me Michel (de Bourges), défenseur de l'un des accusés.

Après avoir tracé son plan de défense, l'atoute violation de la Constitution entraîne le vocat annonce qu'il se propose d'établir que droit d'insurrection. Mais il est interrompu par M. le président de la Haute-Cour, en ces

termes :

La Constitution a, d'ailleurs, pourvu par des textes formels au danger de sa violation, el, dans aucun de ces textes, elle n'autorise le mode de résistance au moyen duquel une fraction du peuple, tumultueusement conMaitre Michel, je suis obligé de vous arvoquée sur la voie publique, s'y attribue- rêter ici. Dès le début de ces débats, j'ai fait rait le pouvoir supréme de juger les que-fense toute la liberté compatible avec les intéconnaitre que la Haute-Cour laisserait à la déstions constitutionnelles et d'exécuter elle-rêts des accusés; que cette défense n'aurait même son jugement (1). d'autres limites que celles du respect dû à nos lois, à la justice, à nos institutions et aux pouvoirs établis par la Constitution. Voilà quelles sont les limites dans lesquelles la défense Le recours à l'insurrection est, au contraire, doit s'arrêter. Vous annoncez que vous voulez repoussé par l'art. 1 du préambule de la plaider le droit à l'insurrection dans certains Constitution, dans lequel elle déclare forcas. La conscience publique se révolterait, si mellement que « le but des institutions doctrine pareille fût plaidée devant lui. Vous un tribunal, quel qu'il soit, permettait qu'une qu'elle consacre est de faire parvenir par avez, ce me semble, une autre mission à remleur action successive el constante, et plir: sans dépasser vos devoirs et en vous y sans nouvelle commotion, tous les ci- renfermant, vous pouvez embrasser, dans son toyens à un degré toujours plus élevé de ensemble et toute son étendue, la défense des moralité, de lumières et de bien-étre » (2). accusés; il vous est libre de soulever telle auConstit. 3 nov. 1848, art. 1 du préam-tre question, d'entrer dans telle autre discusbule. sion que je n'ai pas à vous indiquer, et qui Les droits présentés par l'art. 3 du même pourrait être de nature, sinon à justifier enpreambule comme « antérieurs et supe-l'on pourrait avoir de la criminalité des faits tièrement, au moins à modifier l'opinion que rieurs aux lois positives » ne sont autres, en effet, que les droits inhérents à la nature

(1) On peut encore invoquer contre la doctrine du droit à l'insurrection l'art. 1er de la Constitution qui porte: « La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens français..., aucun individu, aucune fraction du peuple, ne peut❘ s'en attribuer l'exercice.»

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mis à la charge des accusés. Mais que la défense puisse plaider le droit d'insurrection, droit qui n'est pas dans notre Constitution, droit qui serait le renversement de la société, droit qui ne permettrait à aucun peuple civilisé de vivre en paix à l'abri de ses lois, je déclare que je ne puis le permettre. Si vous insistez, prenez des conclusions, la Cour statuera.

Sur ces observations, Me Michel (de Bour

ges) a posé les conclusions suivantes : « Plaise à la Cour nous permettre de développer devant elle cette proposition de droit, que toute violation de la Constitution de la part du pouvoir législatif donne naissance au droit : 1° d'insurrection; 2o de résistance à l'oppression; 3° de protestation.

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jours dire dans les journaux que la Constitution est absurde, qu'elle n'a pas le sens commun, qu'il faut la modifier)! Eh bien, supposez un pareil projet ! N'est-il pas vrai qu'à l'instant même le pouvoir législatif, usant du pouvoir que la loi lui donne, enverrait devant vous les ministres prévaricateurs qui violeraient la Constitution? Mais admettez pour l'instant qu'il ne le fit pas. Qu'arrivera-t-il avec cette théorie nouvelle que depuis quelque temps on législatif est souverain ? Vous l'avez dit ici. J'ai eu beaucoup de peine à me contenir en entendant ces paroles. C'est qu'en effet, le mot souverain est complexe. Souverain, oui, sous l'abri tutélaire de la Constitution, et là seulement; en sorte que, selon moi, quand nous arrivons à la violation de la Constitution, il n'y a plus de majorité ; et si vous voulez que je traduise ma pensée d'une manière plus clai. re, quand j'entre dans l'Assemblée, je me dis que les 750 représantants qui sont là n'ont pas plus de pouvoir contre la Constitution, fussent

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Je présente, a-t-il dit, des conclusions formelles pour que la Cour me permette de plaider devant elle ce principe, conforme à la raison, à la tradition, à la science, à la civilisa-jette dans l'air, qui consiste à dire que le corps tion, et, ce qui vaut mieux, à la Constitution, à savoir que quiconque en France, président de la République ou garde champêtre, magistrat ou huissier, se permet de porter la main sur la Constitution, de la violer dans son esprit et dans sa lettre, est un criminel de lèsemajesté populaire, et qu'à l'instant même le droit d'insurrection, le droit de protestation et le droit de résistance sont ouverts. Je dis que cela est conforme à la raison ; je n'ai pas le temps de le démontrer, et je l'indique seulement. Je ne veux pas aller contre les arrêts de la Cour, et sous le prétexte de justifier mails unanimes, que le garde national qui mondemande, plaider une question qu'elle ne te la garde aux portes du palais, que le dervoudrait pas laisser aborder. Je dis qu'à mon nier de nos huissiers. - Je dis que, lorsque point de vue, le droit que je proclame est jus nous arrivons à la violation de la Constitution tifié par la raison, par la science, par la ira- (c'est un fait à démontrer, quod est demondition et par la Constitution. Je m'arrête à strandum), nous trouvons en face le droit d'in. ce mot. La Constitution, en effet, a prévu surrection. Mais plaider la violation de la Conprécisément tous les cas possibles. La vio-stitution pour ne pas arriver à cela n'est pas lation de la Constitution peut procéder, non dans ma nature, ce n'est pas dans la logique. pas du peuple: quant à lui, il ne viole jamais Il faut que je sache pourquoi vous voulez que la Constitution, elle est son œuvre, elle lui je plaide devant vous. Il faut plaider ici pour appartient, il la prend et il la donne: Deus la science, la doctrine, le peuple; il faut sadedit, Deus abstulit! à lui seul la sou- voir ce que nous voulons. Et je maintiens, pour veraineté ; mais elle peut procéder des su- moi, que, toutes les fois que vous arrivez à ce jets. C'est ici seulement que le mot de sujet point que la majorité s'entend avec le pouvoir est glorieux; autrefois il flétrissait, aujour- exécutif, dont elle doit ployer, courber la tête d'hui il honore: sujets de la loi, comme l'a si sous la Constitution, à l'instant même le pacte bien dit M. l'avocat général, c'est le joug que est rompu..... Je dis à la Cour que, dans nous sommes tous fiers de porter, à la condition sa science et dans sa règle, elle va établir ce de ne porter que celui-là ! — Parmi les sujets que signifie l'art. 440. Je dis qu'il signifie ceci de la Constitution se trouvent les pouvoirs éta- (ou bien il faut l'effacer, lorsqu'en définitive le blis, et le pouvoir judiciaire en fait partie. La cas suprême est arrivé): lorsque le pouvoir pensée de violer la Constitution ne peut pas exécutif, au lieu d'être ramené à la Constituvous venir dans l'esprit, à vous ! Vous êtes ses tion, à son respect, par le pouvoir législatif, esclaves. Mais si les pouvoirs publics pro- trouve en lui un complice, alors le fait prend prements dits, si le pouvoir exécutif, si les la place du droit, alors la Constitution est ministres, si le président du conseil, violaient confiée à la garde et au patriotisme de toutes la Constitution, et (pour me placer à un point les classes de citoyens. de vue pratique facile à saisir), si, par exemple, anjourd'hui, avec cette idée que la durée du pouvoir est nécessaire à l'ordre, qu'un pouvoir de quatre ans est très court, qu'il ne permet pas de faire tout le bien désirable, qu'il faut l'allonger un peu, d'une nouvelle pério de de quatre ans, par exemple; s'il plaisait, je ne dis pas que cela se puisse, mais s'il plaisait aux ministres de présenter un projet de loi à l'Assemblée dans lequel on dirait : « La durée » du pouvoir présidentiel est de huit ans » ; si ce projet était présenté au nom du pouvoir présidentiel, le corps législatif, ouvrant la loi des lois, l'évangile constitutionnel, leur répondrait, je l'espère, en les envoyant devant vous... Je veux plaider, et l'art. 110 est le cas que je veux plaider devant vous. En effet, pour revenir à ma thèse, qui est très simple, je dis que, si par malheur il arrivait... (vous entendez tous les

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A ces considérations, M. l'avocat général de Royer a répondu :

Messieurs de la Haute-Cour, la question est nettement, franchement posée: on a demandé à plaider le droit d'insurrection; on a placé la tente de la défense, pour me servir d'une expression du défenseur, sous l'abri de l'interprétation que l'on veut donner à l'art. 110 de la Constitution. Avec la logique qui lui appartient, le défenseur qui vient de présenter cette thèse a bien compris que cet art. 110 et que le droit d'insurrection qu'il en fait rêsulter supposent ici, comme préliminaire indispensable, comme prémisses posées, le fait de la violation de la Constitution; il vous a dit que, la Constitution ayant été violée, le droit d'insurrection était ouvert. Je le répète, la question est nettement, franchement posée; elle demande une réponse franche nette, ca

tégorique nous allons la faire.

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elle les sépare; elle définit, dans son chap. 4, tout ce qui tient au pouvoir législatif; elle prévoit, dans son art. 111, remarquez-le bien, le cas de la révision de la Constitution. Qu'on ne vienne pas dire alors qu'il peut plaire à une majorité et à une Chambre de défaire impunément la Constitution; qu'on ne vienne pas dire qu'un ministère peut présenter, ce qui serait une atteinte à une disposition fondamentale de la Constitution, la prorogation, par exemple, des années et de la durée de la présidence. Non, l'art. 111 répond. Je vous défie, permettez-moi l'expression, de ne pas trouver là encore la consécration du pouvoir que nous établissons et que nous revendiquons pour l'Assemblée nationale. Comment cette révision de la Constitution est-elle possible? Comment la Constitution elle-même règle-telle cette prévision qu'elle prévoit, et qu'elle ouvre devant les progrès incessants de l'huma

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semblée nationale exprime trois fois le vœu que cette révision est nécessaire. Oui, pour qu'une Assemblée de révision puisse être convoquée, il faut que l'Assemblée, expression unique de la volonté populaire, de la souvetrois fois, de mois en mois, elle ait émis son væu. C'est alors seulement que la Constitution peut être révisée, que l'Assemblée qui doit la réviser peut être convoquée; et chacune de ces trois délibérations doit être prise à la majorité des trois quarts des suffrages exprimés. - Le cas prévu de la révision de la Constitution vient donc encore, vous le voyez, justi

La question de violation de la Constitution n'a pas de juges ici; le juge, le seul juge de la violation de la Constitution, quand le cas se présente, c'est l'Assemblée nationale; ce n'est pas nous qui le disons: c'est la Constitution de 1848 qui l'a dit. A propos de la théorie exposée par nous l'autre jour, que la majorité de l'Assemblée nationale, dans les décisions prononcées par elle, était l'expression de la souveraineté de la nation, on nous disait tout à l'heure que celte souveraineté ne devait s'entendre que sous la réserve des principes fondamentaux de la Constitution de 1848. Eh bien oui, nous acceptons ce terrain et cette position; c'est dans la Constitution de 1848 seule, dans la Constitution sous laquelle nous vivons, que nous trouvons les règles que nous devons maintenir et au nom desquelles nous devons précisément protester contre le plau de défense qu'a interrompu l'avertissement de M. le pré-nité et des mœurs politiques? Il faut que l'Assident. L'art. 20 de la Constitution dit en termes formels : Le peuple français délègue le >pouvoir législatif à une assemblée unique.» La base de notre Constitution de 1848, n'équivoquons pas, c'est la souveraineté du peuple complète; mais l'exercice de cette souveraineté populaire, ait parlé trois fois; que raineté est réglé, organisé par la Constitution; il est réglé comme il doit l'être dans toute Constitution appelée à vivre et à durer. — La souveraineté du peuple a pour première expression le suffrage universel, les conseils électoraux; et quand les conseils électoraux ont prononcé, s'applique alors l'art. 20, que nous venons de lire. Il institue une Assemblée unique qui reçoit du peuple souverain la déléga-fier la souveraineté de cette délégation déposée tion de sa souveraineté. — Voilà ce qui est dans les mains de l'Assemblée par le peuple vrai; voilà ce qui est dit dans la Constitution. souverain. J'avais raison de dire que la souCette Assemblée est élue pour trois ans ; cette veraineté, dans le texte et dans l'esprit de la Assemblée est permanente, et tous les actes Constitution, appartient à l'Assemblée. Je di, du pouvoir législatif lui sont exclusivement dé- sais qu'indépendamment de ce qu'elle distinférés, en vertu de l'article que nous venons de guait les pouvoirs, la Constitution les a scruciter. Voilà les principes, voilà l'organisation puleusement séparés. Après avoir établi le pou de la souveraineté du peuple; voilà ce qui voir législatif, elle établit le pouvoir judiciaire, existe et arrive, par voie de délégation, jus- - Mais que dit-elle avant, dant son art. 19? qu'à une Assemblée qui est la représentation «La séparation des pouvoirs est la première quique et permanente, pendant trois ans, de condition d'un gouvernement libre. » Elle a celte souveraineté inalienable, imprescripti- des chapitres distincts pour les pouvoirs d'une ble, qui appartient à l'universalité des ci-même origine. La justice, sous le régime où toyens, mais qu'il n'est jamais permis de pla-nous vivons, est rendue au nom du peuple: cer et d'isoler dans une fraction quelconque du peuple. C'est l'art. 4er qui le pose en principe et en règle. Aiusi, soit que l'on considère la transmission de la souveraineté par voie de délégation, soit que l'on considère la restriction de l'article dans lequel nous lisons ceci : « Aucun individu, aucune fraction du >peuple ne peut s'attribuer l'exercice de la Souveraineté, on arrive à voir et à conclure que l'Assemblée nationale est seule investie, par délégation, du droit de représenter la souveraineté du peuple en tout ce qui touche au pouvoir législatif. Encore une fois, ce n'est pas nous qui le disons, c'est la Constitution, ce sont les articles que nous avons cités, et nous n'avons ici, en aucune façon, l'intention de nous placer en dehors de ce terrain sacré de la Constitution.

»Maintenant, que ait encore cette Constitution? Elle définit les pouvoirs, elle les règle,

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l'Assemblée émane du peuple, qui lui délègue le pouvoir législatif. Ce sont là des pouvoirs qui ont une même origine, mais qui se séparent dans leur développement et dans leur exercice; l'art. 19 ne permet pas qu'ils puissent jamais être confondus. Ainsi, tout ce qui tient au pouvoir législatif, et dans les actes de cette nature sont incontestablement rangés les interprétations de la Constitution, les cas de nécessité de la révision, tout cela, que Messieurs les hauts-jurés me permettent de le dire devant eux, ils ne peuvent pas en connaître; ils ont ici d'assez grands pouvoirs et une assez haute indépendance pour que nous puissions, la Constitution à la main, leur marquer la limite de leurs devoirs; ce qui est vrai, ce qui est incontestable, ce qui est l'interprétation de la Constitution, c'est que le haut-jury ne peut être, en principe, juge d'une question de vio lation de la Constitution; nous venons de l'é

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