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Art. 1er. En matière de louage de services, si un patron, un employé ou un ouvrier est appelé sous les drapeaux comme réserviste ou territorial pour une période obligatoire d'instruction militaire, le contrat de travail ne peut être rompu à cause de ce fait (1-2-3).

Art. 2. Alors même que, pour une autre cause légitime, le contrat serait dénoncé par l'une des parties, la durée de la période militaire est exclue des délais impartis par l'usage pour la validité de la dénonciation, sauf toutefois dans le cas où le contrat de louage a pour objet une entreprise temporaire prenant fin pendant la période d'instruction militaire.

Art. 3. En cas de violation des articles précédents par l'une des parties, la partie lésée aura droit à des dommages-intérêts, qui seront arbitrés par le juge conformément aux indications de l'article 1780 du code civil (4).

(1) Il est à remarquer que l'intitulé de la loi n'est pas en harmonie avec le texte de l'article 1er. Les propositions de loi de M. Coutant et de M. Roche ne visaient que les employés et ouvriers, sans s'occuper des patrons, et ce fut dans cet esprit que la Chambre adopta la proposition de la commission, le 25 mars 1898. Mais la commission du Sénat insista très vivement pour que le principe de la réciprocité du traitement fût posé dans la loi; elle fit remarquer que les sept dixièmes des patrons employaient au plus quatre ou cinq ouvriers et qu'on pouvait craindre que ceux-ci cherchassent à abuser de la convocation du patron pour une période d'exercices pour exiger une élévation de salaires. Admise par le Sénat, la réciprocité fut rejetée de nouveau par la Chambre; rétablie par le Sénat en 1899, par l'adoption d'un contre-projet de M. Lelièvre, elle fut maintenue dans les votes ultérieurs.

(2) La loi ne s'applique qu'aux patrons, ouvriers et employés d'une entreprise industrielle, commerciale ou agricole. Les propositions de loi et les travaux préparatoires ne laissent subsister sur ce point aucun doute. Elle est donc étrangère au louage de services des domestiques.

(3) Dans le langage militaire, on entend par périodes obligatoires d'instruction les périodes imposées par la loi de 1889, aussi bien aux officiers des réserves qu'aux hommes de troupe. Il n'en est pas ainsi dans la loi du 18 juillet 1901. Malgré une énergique résistance du Sénat, la Chambre à persisté à refuser le bénéfice de la loi nouvelle aux officiers de réserve et de l'armée territoriale, en faisant observer qu'ils sont soumis à des appels tous les deux ans et que rien ne les oblige à passer l'examen d'officier. Cette exclusion paraît infiniment regrettable, au moment même où l'on se préoccupe de la difficulté d'assurer le recrutement des officiers des réserves (voy. le discours de M. Waddington au Sénat, 2 février 1899).

(4) M. Coutant ne fixait, dans sa proposition de loi, aucune base pour les dommages-intérêts. M. Roche, au contraire, accordait la valeur de trois semaines de salaires aux ouvriers et de trois mois d'appointements employés. Sans fixer de limite maxina à l'indemnité, la Chambre lui assigna un minimum obligatoire; un mois de salaires pour l'ouvrier, deux mois de traitement pour l'employé. Le Sénat estima que le magistrat devait rester seul juge de l'étendue du préjudice causé et de la quotité des dommages-intérêts à accorder.

Les tribunaux arbitreront ces dommages conformément aux indications de

Art. 4. Toute stipulation contraire aux dispositions qui précèdent est nulle de plein droit.

XVII.

LOI DU 19 JUILLET 1901, RENDANT APPLICABLE L'ARTICLE 463 DU CODE PÉNAL (RELATIF AUX CIRCONSTANCES ATTENUANTES) A TOUS LES CRIMES ET DÉLITS RÉPRIMÉS PAR LES CODES DE JUSTICE MILITAIRE DE L'ARMÉE DE TERRE ET DE L'ARMÉE DE MER (1).

Notice et notes, par M. Henri FROMAGEOT, avocat à la cour d'appel de Paris, docteur en droit.

Il est assez curieux de constater que le droit pénal militaire, qui jusqu'ici ne reconnaissait qu'exceptionnellement l'admission des circonstances atténuantes, fut cependant la matière où le système de la diminution légale des peines, en raison des circonstances, a fait sa première apparition dans notre droit. La loi du 2o jour complémentaire de l'an III, permettait en effet aux conseils de guerre de diminuer les peines militaires suivant les cas où les circonstances en atténueraient la gravité. On sait, au contraire, que le système des circonstances atténuantes ne fût définitivement consacré dans le droit pénal commun que par la grande loi de réforme du 28 avril 1832 au moyen de la disposition de l'article 463 du code pénal.

Lors de la confection des codes de justice militaire, sous le second Empire, la question s'était posée de savoir si on admettrait de même d'une façon absolue le principe des circonstances atténuantes ou si on le restreindrait à certains cas. C'est cette solution qui a été consacrée. Sauf pour les infractions de droit commun (2) et pour certains cas spé

l'article 1780 du code civil. M. Coutant, combattant la rédaction du Sénat, manifesta la crainte que le juge se trouvât ainsi autorisé à refuser toute indemnité. Mais le rapporteur du Sénat, M. Lelièvre, fit remarquer que le texte même comporte un droit à des dommages-intérêts et qu'il y a, par suite pour le juge, obligation et non pas simplement faculté de les accorder. (1) J. Off., 21 juillet 1901. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Sénat proposition de loi (Leydet) et exposé des motifs, doc. 1897, p. 475; rapport, ibid. 1899, p. 491; 1re délibération, adoption, février 1900; 2• délibération, adoption, 16 novembre 1900.- Chambre : texte transmis, doc. 1900, B. p. 136; proposition (Goujon), ibid. 1898, B. p. 503; rapport sur les deux précédents, ibid. 1901, p. 116; déclaration d'urgence, adoption (sans discussion), 14 mars 1901. Sénat: texte transmis, doc. 1901, p. 244; rapport, ibid. 1901, p. 280; déclaration d'urgence, adoption (sans discussion), 3 juillet 1901.

(2) V. Code de justice militaire pour l'armée de terre (1857), article 267; id. pour l'armée de mer (1858), article 364.

ciaux et dans certaines limites (1), il fut décidé que les juges militaires ne pourraient faire bénéficier l'accusé des circonstances atténuantes. On considéra que « toute disposition qui tendrait à donner au soldat la croyance qu'il peut compter sur l'indulgence ou la faiblesse des juges et qu'il ne sera puni que d'une peine amoindrie s'il commet tel ou tel crime ou tel ou tel délit, serait funeste à l'armée et à la discipline... C'est l'intimidation, a-t-on ajouté que l'on doit toujours avoir en vue parce qu'elle va droit au but et qu'elle seule peut produire de salutaires effets. »

D'accord avec l'administration de la guerre, le législateur a pensé que cette idée n'était plus exacte. La discipline, a-t-on dit, n'est et ne doit pas être uniquement basée sur l'intimidation et sur l'effroi; à côté des sanctions nécessaires, elle doit faire appel aux idées élevées de devoir, de patriotisme et de sacrifice, considérations qui ne sont au-dessus ni de l'intelligence ni du cœur du soldat.

Tels sont la base et le principe de la présente loi.

Il convient de remarquer que la plupart des codes militaires étrangers autorisent aujourd'hui l'adinission des circonstances atténuantes (2).

Art. 1. Tous les tribunaux militaires, tant de l'armée de terre que de l'armée de mer, pourront, à l'avenir, mais seulement en temps de paix, admettre des circonstances atténuantes en faveur des inculpés de crimes ou délits pour lesquels les codes de justice militaire, la loi du 15 juillet 1889 (3) sur le recrutement et celle du 24 décembre 1896 (4) sur l'inscription maritime ne les prévoient pas.

Si la peine prononcée par la loi est une de celles énumérées aux articles 7, 8 et 9 du code pénal, elle sera modifiée ainsi qu'il est spécifié à l'article 463 dudit code.

Les peines énumérées aux articles 7 et 8 emporteront, nonobstant toute réduction, la dégradation militaire (5).

Si la peine est celle de mort sans dégradation militaire (6), le

(1) V. Code de justice militaire pour l'armée de terre, articles 198, 202, 251, 255; id. pour l'armée de mer, articles 256, 260,

(2) V. en Autriche les articles 114 et 115 du code de justice militaire; en Italie, l'article 58 du code pénal militaire ; en Russie, les articles 90 et suivants du code de justice militaire; en Allemagne, voir l'article 97 du code pénal militaire du 2 octobre 1872 et l'article 312 du nouveau code de justice militaire.

(3) V. les articles 52, 79 et 80 de la loi des 15-17 juillet 1889 sur le recrutement de l'armée (Annuaire, t. IX, p. 150).

(4) V. les articles 56, 80 et 87 de la loi du 24 décembre 1896 sur l'inscription maritime (Annuaire, t. XVI, p. 114).

(5) En effet, dans le cas des articles 7 et 8, les peines étant infamantes, la dégradation militaire doit en être l'accessoire nécessaire. (Rapport au Sénat). (6) C'est ce qui a lieu lorsque la faute commise n'a pas le caractère désho

conseil de guerre appliquera la peine des travaux publics pour une durés de cinq à dix années.

Si le coupable est officier, la peine sera la destitution et un emprisonnement d'une durée de cinq ans.

Si la peine est celle de la dégradation militaire, le conseil de guerre appliquera un emprisonnement de trois mois à deux ans, et la destitution si le coupable est officier.

Si la peine est celle des travaux publics, le conseil de guerre appliquera un emprisonnement de deux mois à cinq ans.

Dans le cas où la peine de l'emprisonnement est prononcée par les codes de justice militaire et les lois militaires postérieures, le conseil de guerre est également autorisé à faire application de l'article 463 du code pénal, sans que toutefois la peine de l'emprisonnement puisse être remplacée par une amende (1).

Si la peine est une autre que celle ci-dessus spécifiée, les tribunaux pourront leur substituer l'une des peines inférieures autres que l'amende (2).

Nonobstant toute réduction de peine par suite de circonstances atténuantes, la peine de la destitution sera toujours appliquée par le conseil de guerre dans les cas où elle est prononcée par les codes de justice militaire.

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Art. 2. Sont abrogées dans les codes de justice militaire pour l'armée de terre et pour l'armée de mer, dans les lois des 15 juillet 1889 et 24 décembre 1896, toutes les dispositions contraires à celles de la présente loi.

norant, par exemple au cas de voies de fait envers un supérieur (article 222). La peine des traveux forcés à perpétuité ou à temps étant infamante, on a pensé qu'il convenait de prononcer seulement celle des travaux publics à laquelle la loi n'attache ni la dégradation civique ni l'interdiction légale. (Rapport au Sénat).

(1-2) Déjà l'article 193 du code de 1857 permettait au juge militaire, ayant à appliquer l'amende comme peine d'une infraction de droit commun, à la remplacer par l'emprisonnement de six jours à six mois. Le législateur a pensé que l'amende ne devait pas être une peine militaire et qu'il convenait, au cas d'application de l'article 463, de ne jamais prononcer une peine pécuniaire. (Rapport au Sénat).

XVIII.

LOI DU 20 JUILLET 1901, MODIFIANT L'ARTICLE 6 DE LA LOI DU 5 NOVEMBRE 1894, RELATIVE A LA CRÉATION DES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT AGRICOLE (1).

Notice et notes par M. J. BOULLAIRE, docteur en droit,

ancien magistrat.

La loi du 5 novembre 1894 (2) a créé, à l'usage des sociétés de crédit agricole mutuel, un type nouveau de sociétés anonymes sans actions, sans dividendes, d'où tout élément de spéculation est rigoureusement banni et où le capital social ne peut recevoir sous forme d'intérêts qu'une rémunération strictement limitée. Ces sociétés ont trouvé faveur dans le monde rural et ont contribué à fonder en France le véritable crédit agricole, c'est-à-dire le crédit personnel, celui qui repose sur la moralité, l'intelligence et la capacité professionnelle de l'emprunteur, plus que sur les ressources matérielles dont il dispose et les garanties pécuniaires qu'il peut donner.

La loi du 31 mars 1899 (3) qui a institué les caisses régionales de crédit agricole mutuel; pour assurer à l'agriculture les avances de la Banque de France que la loi du 17 novembre 1897 lui réservait, a eu pour effet de donner aux sociétés locales de crédit agricole mutuel du type de la loi du 5 novembre 1894, une importance nouvelle. Ces sociétés ont seules qualité, ainsi que les autres banques locales, qui ont pris la forme soit de sociétés anonymes à capital variable, soit de sociétés coopératives en nom collectif, pour recevoir des caisses régionales les fonds prêtés gratuitement par l'état et en faire profiter leurs adhérents. Les caisses régionales elles-mêmes, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 mars 1899 doivent être constituées d'après les dispositions de la loi du 5 novembre 1894, et sont soumises à l'ensemble de ses prescriptions.

Or, l'article 6 de cette loi renfermait une sanction pénale d'une extrême rigueur, qui avait soulevé de bonne heure les plus vives critiques. Cet article portait que les administrateurs de la société, non

(1) Journal officiel du 27 juillet 1901.

Chambre. Proposition d'initiative parlementaire de M. David, doc. 1900, p. 819; rapport par M. David, session extraordinaire, p. 146; adoption, urgence déclarée, le 17 décembre 1900.

Sénat.

Texte transmis, doc. 1900, p. 846; rapport par M. Lourties, 25 février 1901, doc. 1901, p. 334; adoption, urgence déclarée, sans discussion, le 3 juillet 1901.

(2) Voir notre notice sur la loi du 5 novembre 1894. Annuaire français, tome XIV, p. 80.

(3) Voir notre notice sur la loi du 31 mars 1899. Annuaire' français, tome IX, p. 73.

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