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sociétés civiles que les sociétés commerciales. Les coulissiers ne sont pas visés expressément; ils n'en sont pas moins assujettis à la loi comme faisant partie de la catégorie des personnes désignées sous le nom de banquiers (rapport de M. Cordelet). D'ailleurs, il résulte du même rapport que la loi atteint toutes les sociétés et personnes qui, par la nature même de leur profession, sont en rapport habituel avec le public, pour le commerce des valeurs ou des capitaux et qui sont patentées à ce titre; mais elle ne s'applique pas aux simples particuliers.

Au cours de la discussion, il a été entendu que les établissements de crédit et les commerçants qui mettent en location des coffre-forts n'ont pas à aviser l'administration (1); comme l'a fait remarquer le ministre il n'y aurait aucune raison, dans la solution contraire, pour ne pas demander qu'au décès de toutes les personnes, on ouvre leur coffre-fort en présence d'un agent de l'administration.

L'avis donner est subordonné par la loi elle-même à la condition que les sociétés et autres dépositaires sachent que les titres et sommes dépendent d'une succession. La notoriété publique ou une information indirecte ne suffiraient pas; il faut que l'intéressé ait invoqué sa qualité d'héritier, ou se soit prévalu du décès (2). Ainsi les titres dépendant d'une communauté conjugale et que le mari aurait déposés à son propre nom dans une banque pourraient lui être remis, même après le décès de la femme, sans qu'il y ait lieu d'en informer l'administration, si cette remise lui était faite sur sa simple décharge, dans l'ignorance légale du décès (3) (4).

Les paragraphes 5 et 6 de l'article 15 contiennent des dispositions spéciales aux compagnies d'assurances sur la vie, mais qui ne s'appliquent pas aux assurances contractées au profit du conjoint survivant ou des successibles en ligne directe, c'est-à-dire à la presque totalité des polices.

MUTATIONS ENTRE VIFS (art. 18).

La loi a cherché à établir une corrélation entre les tarifs des droits de donation et ceux des successions tout en laissant les premiers proportionnels.

La Chambre avait considérablement majoré les premiers, dans la crainte que l'on n'éludât les droits de succession en faisant des donations si celles-ci n'étaient pas au moins taxées à un taux égal aux tranches les plus faibles. Un père de famille prévoyant sa fin prochaine

(1) A la Chambre, M. Bougère avait déposé un amendement en sens contraire.

(2) Explications de MM. Beauregard et Berteaux. Chambre 22 fév. 1901 et Instr. no 3051.

(3) Ibid.

(4) Il a été spécifié à la Chambre et au Sénat que la loi n'entraîne aucune extension du droit de communication en faveur de l'administration ni quant aux personnes assujetties, ni quant aux documents à représenter.

et voulant éviter que sa succession fût frappée par les tarifs progressifs d'un droit supérieur aux droits de donation, aurait pu recourir à une donation au lieu de laisser les choses suivre leur cours naturel.

Au Sénat, M. Cordelet a reconnu que l'argument pourrait s'appliquer, dans une certaine mesure, aux donations faites en dehors des contrats de mariage; mais si l'écart est peu considérable, s'il est de 2 ou 3 %, on ne fera pas de donation, parce qu'il en résulterait des frais qui combleraient presque la différence, et que, d'autre part, on se résout beaucoup plus difficilement à faire une donation qu'à faire un testament. Quant aux donations faites par contrat de mariage, il est évident qu'on ne se marie pas pour bénéficier d'une différence entre le droit de donation entre vifs et le droit de mutation par décès, et d'autre part, si les droits étaient exagérés, on aurait recours à des moyens détournés; c'est ainsi que, devant la commission du Sénat, le président de la chambre des notaires de Paris et le président du comité des notaires des départements ont exposé qu'on irait faire des contrats de mariage à l'étranger ou qu'on adopterait le régime de la séparation de biens, qui ne nécessite pas la déclaration des apports, mais qui n'est un régime conforme ni à nos mœurs, ni à notre état social. M. Cordelet a en conséquence proposé par amendement un tarif conforme à ces observations, et c'est celui qui a passé dans la loi, tarif qui d'ailleurs avait déjà été voté par le Sénat le 22 mars 1900.

Toutefois les partages d'ascendants ont été réduits au taux de 1.70 % au lieu de 2 % pour donner une demi-satisfaction à M. Dufoussat, qui proposait de les assimiler aux successions, c'est-à-dire de les faire bénéficier de la réduction des charges. Notons encore que, dans l'article voté par le Sénat, les donations entre parents du 6o au 12 degré étaient soumises à des tarifs plus réduits que les donations faites entre personnes non parentes. La Chambre a pensé que les parents au delà du 6e degré n'étant pas, en matière de successions, traités plus favorablement que les non-parents, il n'y avait pas lieu de maintenir cette distinction dans le régime des donations. Cette distinction a disparu lors du vote définitif par le Sénat.

Plusieurs des dispositions de la loi sont communes aux donations et aux successions, ce sont les articles 12 et 19, certaines dispositions de l'article 13, et l'article 14.

USUFRUIT ET NUE PROPRIÉTÉ (art. 13 et 14).

La loi de frimaire avait soumis les transmissions de nue propriété ou d'usufruit à des conditions très rigoureuses, en évaluant à forfait la valeur de l'usufruit à la moitié de la valeur de la propriété entière et d'autre part en taxant, lors du démembrement, la nue propriété comme la pleine propriété. En cas de vente d'immeubles avec réserve d'usufruit, la valeur de l'usufruit était fixée à moitié de la valeur de la toute propriété.

La loi de 1901 modifie ces règles et veut que la nue propriété et l'usufruit ne supportent plus l'impôt de mutation que sur leur valeur respective au moment de la transmission. Chacun de ces deux éléments doit être taxé de manière que le total des taxes payées par l'usufruitier et le nu-propriétaire égale l'impôt dû pour toute la propriété (rapport Monestier); notamment, dans les transmissions à titre gratuit, on tiendra compte de l'époque plus ou moins rapprochée à laquelle doit cesser l'usufruit (voir plus loin les notes sous l'art. 13).

Art. 2. Les droits de mutation par décès de biens, meubles ou immeubles, seront liquidés sur la part nette recueillie par chaque ayant droit. Ils sont perçus sans addition d'aucun décime, pour chacune des fractions de cette part suivant les tarifs portés au tableau ci-après :

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Sont abrogées les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 53 de la loi du 28 avril 1816, concernant l'époux survivant (1).

★ Modifié par la loi de budget du 30 mars 1902 (V. ci-après, p. 146).

(1) D'après la loi de 1816, l'époux survivant, lorsqu'il était appelé à la succession de son conjoint à défaut de parents au degré successible, était considéré, quant à la qualité du droit, comme personne non parente, et acquittait l'impôt au taux de 9 % (11,25 avec les décimes) alors qu'il ne payait que le droit de 3% sur les biens qui lui étaient dévolus ar l'effet d'une donation

Art. 3. Pour la liquidation et le payement des droits de mutation par décès seront déduites les dettes à la charge du défunt dont l'existence au jour de l'ouverture de la succession sera dûment justifiée par des titres susceptibles de faire preuve en justice contre le défunt.

S'il s'agit de dettes commerciales, l'administration pourra exiger, sous peine de rejet, la production des livres de commerce du défunt.

Ces livres seront déposés pendant cinq jours au bureau qui reçoit la déclaration, et ils seront, s'il y a lieu, communiqués une fois, sans déplacement, aux agents du service du contrôle, pendant les deux années qui suivront la déclaration, sous peine d'une amende égale aux droits qui n'auront pas été perçus par suite de la déduction du passif.

L'administration aura le droit de puiser dans les titres ou livres produits les renseignements permettant de contrôler la sincérité de la déclaration de l'actif dépendant de la succession, et, en cas d'instance, la production de ces titres ou livres ne pourra être refusée.

S'il s'agit d'une dette grevant une succession dévolue à une personne pour la nue propriété et à une autre pour l'usufruit, le droit de mutation sera perçu sur l'actif de la succession diminué du montant de la dette, dans les conditions de l'article 13 ci-après. Art. 4. Les dettes dont la déduction sera demandée seront détaillées, article par article, dans un inventaire sur papier non timbré, qui sera déposé au bureau lors de la déclaration de la succession et certifié par le déposant.

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A l'appui de leur demande en déduction, les héritiers ou leurs représentants devront indiquer soit la date de l'acte, le nom et la résidence de l'officier public qui l'a reçu, soit la date du jugement et la juridiction dont il émane, soit la date du jugement déclaratif de la faillite ou de la liquidation judiciaire, ainsi que la date du procès-verbal des opérations de vérification et d'affirmation de créances ou du règlement définitif de la distribution par contribution.

Ils devront représenter les autres titres ou en produire une copie collationnée.

Le créancier ne pourra, sous peine de dommages-intérêts, se

ou d'un testament. Désormais les tarifs applicables seront les mêmes pour tous les biens recueillis par le conjoint survivant.

D'une façon générale, l'assimilation entre les meubles et les immeubles est maintenue; les décimes sont supprimés.

refuser à communiquer le titre sous-récépissé ou à en laisser prendre sans déplacement une copie collationnée par un notaire ou le greffier de la justice de paix. Cette copie portera la mention de sa destination; elle sera dispensée du timbre et de l'enregistrement tant qu'il n'en sera pas fait usage soit par acte public, soit en justice ou devant toute autre autorité constituée. Elle ne rendra pas par elle-même obligatoire l'enregistrement du titre.

Art. 5. Toute dette au sujet de laquelle l'agent de l'administration aura jugé les justifications insuffisantes ne sera pas retranchée de l'actif de la succession pour la perception du droit, sauf aux parties à se pourvoir en restitution, s'il y a lieu, dans les deux années à compter du jour de la déclaration (1).

Néanmoins, toute dette constatée par acte authentique et non échue au jour de l'ouverture de la succession ne pourra être écartée par l'administration, tant que celle-ci n'aura pas fait juger qu'elle est simulée. L'action pour prouver la simulation sera prescrite après cinq ans à compter du jour de la déclaration.

Les héritiers ou légataires seront admis, dans le délai de deux ans à compter du jour de la déclaration, à réclamer, sous les justifications prescrites à l'article 4, la déduction des dettes établies par les opérations de la faillite ou de la liquidation judiciaire, ou par le règlement définitif de la distribution par contribution postérieurs à la déclaration et à obtenir le remboursement des droits qu'ils auraient payés en trop.

Art. 6. L'agent de l'administration aura dans tous les cas la faculté d'exiger de l'héritier la production de l'attestation du créancier certifiant l'existence de la dette à l'époque de l'ouverture de la succession. Cette attestation, qui sera sur papier non timbré, ne pourra être refusée, sous peine de dommages-intérêts, toutes les fois qu'elle sera légitimement réclamée (2).

Le créancier qui attestera l'existence d'une dette déclarera, par une mention expresse, connaître les dispositions de l'article 9 relatives aux peines en cas de fausse attestation.

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(1) Ce n'est là que l'application du principe générál établi par l'article 28, loi de frimaire, d'après laquelle les droits d'enregistrement doivent être payés immédiatement tels qu'ils sont liquidés par le receveur.

(2) L'attestation doit être produite par l'héritier, et non par le créancier auquel l'administration n'est pas autorisée à s'adresser directement. Le projet soumis au Sénat portait que toute déclaration d'existence de dettes, corroborée par l'attestation du créancier, vaudrait titre pour ce dernier; mais cette disposition a été supprimée comme contraire aux principes de la loi civile (Sénat 24 janvier 1901).

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