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Pour éviter l'introduction de vieux navires et pour assurer une valeur réelle à la flotte commerciale, la loi refuse toute allocation aux navires qui, postérieurement à la présente loi, seront francisés après leur septième année accomplie (art. 6, § a); elle exige, en outre, qu'aux essais, les vapeurs réalisent au moins une vitesse de 12 nœuds; audessous de 12 nœuds, l'allocation est réduite de 5 %; au-dessous de 11 nœuds, l'allocation est réduite de 10% ; au-dessous de 10 na uds, toute allocation est refusée (art. 6 in fine).

III. Limitation des charges de l'État. A la différence de la législation antérieure, la loi nouvelle a limité les charges qu'elle imposait au trésor public.

En premier lieu, le tonnage admis à bénéficier des subventions, en sus du tonnage des navires français avant la promulgation de la loi, a été fixé au maximum de 500.000 tonneaux de navires à vapeur et de 100.000 tonneaux de voiliers, et dans le tonnage de 300.000 tonneaux pour les vapeurs, les navires construits à l'étranger ne seront admis que dans la proportion de deux cinquièmes et ceux de construction française dans la proportion de trois cinquièmes (art. 7).

En second lieu, le montant total des compensa'ions d'armement et des primes à la navigation, qui pourront être payées en exécution de la présente loi, a été limité au chiffre global maximum de 150 millions de francs dont 15 millions au plus pour les voiliers (art. 23); en outre, le montant total de la prime à la construction ne pourra pas dépasser 50 millions (art. 24).

IV. Retenues. Le subside alloué par l'État, soit aux constructeurs soit aux armateurs, ne leur profite pas en entier, mais est l'objet de retenues diverses: 5 % des primes à la navigation et de la compensation d'armement sont prélevés au profit des inscrits maritimes et versés à la caisse de prévoyance des marins (art. 4); 6 % des primes à la construction, des primes à la navigation et de la compensation d'arme‹nent sont prélevées au profit de la même caisse de prévoyance, de la caisse des invalides de la marine et d'autres institutions utiles aux marins (art. 21).

V. Modifications diverses à la législation maritime. En dehors de la question des primes, la loi du 7 avril 1902 touche à d'assez nombreuses questions de législation maritime, telles que les limites (15 francs par tonneau) jusqu'auxquelles il est permis, sauf le cas de nécessité dùment constatée, de faire réparer les navires à l'étranger sans leur faire perdre leur francisation (art. 15); l'établissement des péages locaux dans les ports maritimes (art. 16); la liberté plus grande accordée aux armateurs pour la composition des équipages des navires de com merce français pratiquant le cabotage colonial international (art. 17) ; l'enregistrement des marchés de construction, actes de vente ou mutations de propriété des navires, soumis désormais au droit fixe

de 3 francs. Enfin, la loi s'est occupée des bateaux de navigation intérieure pour les soumettre également à cette dernière disposition.

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LÉGISLATIONS ÉTRANGÈRES. Dans presque tous les pays maritimes le même problème de la protection de la marine marchande s'est posé. Nous ne saurions entrer ici dans l'examen, la comparaison et la critique des différents moyens employés (1). Bornons-nous à rappeler que le système des primes a été consacré dans divers pays. En Autriche, la loi du 27 décembre 1893 (2) a institué deux sortes de primes, les unes à l'armement (Betriebszuschuss), les autres à la navigation. Ces allocations, dont les premières présentent une certaine analogie avec la compensation d'armement de la nouvelle loi française, sont attribuées sans distinction de l'origine des navires, l'origine nationale donnant d'ailleurs droit à des surprimes. En Hongrie (3), le même régime a été introduit par la loi du 4 juillet 1894, et une loi du 20 juin 1895 y a en outre institué des primes à la construction. En Italie (4), les lois du 6 décembre 1885, 30 juin 1889 et 23 juillet 1896 ont successivement établi un régime de primes à la construction et à la navigation. Il en est de même au Japon depuis 1896. Aux États-Unis, la protection de la marine marine marchande a fait, à maintes reprises, l'objet des préoccupations du législateur (5); rappelons seulement que, en dernier lieu, le 6 février 1899, la question fut l'objet d'un projet de loi important, basé en partie sur le système des primes (6).

En Grande-Bretagne (7), jusqu'à présent, il n'a point été fait appel

(1) Sur ce sujet, le travail le plus récent et le plus complet, est celui de la commission spéciale parlementaire britannique, dont nous parlons ci-après. Sur les subsides payés annuellement par les différents gouvernements à leur marine marchande, soit à titre de primes (construction, navigation, pêches), soit à titre de subventions postales, primes d'amirauté ou autres allocations particulières, on consultera utilement, outre le rapport britannique ci-dessus, le Report of the Commissioner of Navigation des Etats Unis pour l'année 1901. (2) Ann. de législ. étrang., t. XXIII, p. 232.

(3) Ann. de législ. étrang., t. XXIII, p. 270; t, XXV, p. 330.

(4) Consulter l'enquête parlementaire, Inchiesta parlamentare sulla marina mercantile, etc..., 7 vol. in-fol., Rome, 1881-83, Beccari. Dei premi e delle sovvenzioni alla marina mercantile italiana, in-8°, 1881. Le texte des lois se trouve dans le recueil des lois maritimes italiennes de C. Bruno (Turin, 18981902); un nouveau projet de loi a été présenté en 1899, voir la revue Il diritto marittimo, année 1900, p. 108; 1901, p. 32.

(5) Voir Ann. de législ. étrang., t. XIII, p. 795; t. XIV, p. 763; t. XVI, p. 764; t. XXI, p. 890; t. XXII, p. 897.

(6) Bill to provide for Ocean mail service between the United States and foreign ports and the common defense, to promote commerce and to encourage the deep-sea fisheries» (S. 1348) présenté au Sénat par M. Frye le 6 février 1899; voir le rapport au Sénat des États-Unis (calendar no 220; report n° 201, 57° Congrès, ir session) du 20 janvier 1902.

(7) Au point de vue général, consulter Lindsay, History of Merchant shipping (vol. in-8°, 1874-1876); plus spécialement au sujet de l'abrogation du système protecteur maritime, J. L. Ricardo, The Anatomy of the Navigation Laws, in-8°, London, 1847.

au système des primes; il s'en faut cependant que le législateur ne s'en soit point préoccupé. Le 23 avril 1901, la Chambre des communes, préoccupée des effets que le système des primes, appliqué par les États étrangers, pouvait avoir sur le commerce et la marine britanni ques, décida de procéder, par une commission spéciale, à une enquête complète sur la matière (1). Les conclusions définitives du rapport déposé le 2 décembre 1902 ont peut-être dit la vérité sur cette difficile question de la protection de la marine marchande par voie de subsides financiers, en déclarant que « les subventions et primes sont seulement les facteurs secondaires du récent développement du commerce maritime de certains pays étrangers : l'habileté et l'activité commerciales en sont les facteurs principaux (2) ».

TITRE Ier.

Art. 1er. A titre de compensation des charges imposées à la marine marchande, il est accordé, à partir de la présente loi, une allocation qui prendra le nom, suivant les cas prévus aux articles ci-après, « de compensation d'armement » ou de « prime à la navigation »>.

La compensation d'armement et la prime à la navigation prévues aux articles 2 et 3 sont soumises aux conditions suivantes:

Les sociétés anonymes ou autres, propriétaires de bâtiments recevant l'une de ces allocations, devront avoir dans leur conseil d'administration ou de surveillance une majorité de citoyens français. Le président du conseil d'administration, l'administrateur délégué et le gérant devront être français.

Lorsqu'il sera établi que le propriétaire français, société ou individu bénéficiant des avantages de la loi, est une personne interposée et que le propriétaire réel est étranger, les primes seront immédiatement supprimées.

L'administration pourra exercer la répétition pour les sommes indûment perçues.

Art. 2. La compensation d'armement est attribuée à tout vapeur de mer de construction étrangère, en fer ou en acier, armé sous pavillon français pour le long cours ou le cabotage interna

(1) Voir Report from the select Committee on Steamships subsidies, together with the proceedings of the Committee, minutes of Evidence, Appendix and index (1er août 1901); id. (3 décembre 1902); 2 vol. gr. in-4°, London, Eyre et Spottiswoode, 1901-1902.

(2) Il a également été fait appel au système des primes en Portugal, voir Ann. de législ. étrang., t. V, p. 618; t. XX, p. 461; – au Chili, loi du 27 août 1898.

tional, jaugeant plus de 100 tonneaux bruts, appartenant à des particuliers français ou à des sociétés, conformément aux stipulations de l'article 1er et dans les conditions fixées aux articles suivants.

La compensation d'armement est fixée par jour d'armement administratif (1) et par tonneau de jauge brute totale pour la navigation au long cours, à:

5 centimes par chaque tonneau, jusqu'à 2.000 tonneaux;

4 centimes par chaque tonneau, de 2.000 à 3.000;

3 centimes par chaque tonneau, de 3.000 à 4.000;

2 centimes par chaque tonneau, au-dessus de 4.000;

La compensation d'armement à laquelle aurait droit un vapeur de plus de 7.000 tonneaux sera celle à laquelle aura droit un navire de 7.000 tonneaux.

Le nombre de jours d'armement administratif donnant lieu à la perception de la compensation est limité au maximum de 300 jours par an.

L'armement administratif sera compté à partir du jour et seulement pendant le temps où le rôle de l'équipage sera complet, sauf le cas de force majeure. Il cessera par le désarmement (2).

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Art. 3. La « prime de navigation » sous réserve des exceptions énumérées aux articles suivants, est accordée à tout navire de mer construit en France, jaugeant plus de 100 tonneaux bruts, naviguant sous pavillon français.

Cette prime est fixée comme suit pour la navigation au long cours par 1.000 milles parcourus et par tonneau de jauge brute totale :

a) Pour les vapeurs, le taux de la prime est de 1 fr. 70 (3) pour la première année, avec décroissance annuelle à partir de leur francisation, 4 centimes pendant la première période de quatre ans, de 8 centimes pendant la deuxième période de quatre ans, et de 16 centimes pendant la troisième période de quatre ans.

Toutefois, pour les vapeurs jaugeant plus de 3.000 tonneaux

(1) Par jour d'armement administratif il faut entendre « le temps qui s'écoule du jour de l'expédition du navire au jour du désarmement du rôle. » (Rapport Thierry à la Chambre).

(2) Ce dernier alinéa a pour but de rendre impossible l'armement fictif. Par ces mots rôle d'équipage complet, le législateur a entendu « le rôle d'équipage du navire tel qu'il est composé lorsque le vapeur est à la mer », et par désarmement, « le règlement des salaires des hommes d'équipage en présence de l'autorité maritime, au retour dans un port français » (Rapport Raynal au Sénat).

(3) Au lieu de 1 fr. 10 d'après la loi du 30 janvier 1893.

bruts, le taux de la prime initiale sera diminué sur l'ensemble de la jauge totale de 1 centime par 100 tonneaux ou fractions de 100 tonneaux, sans que le taux de la première année puisse descendre au-dessous de 1 fr. 50 par 7.000 tonneaux.

La prime pour les vapeurs de plus de 7.000 tonneaux sera celle à laquelle aurait droit un vapeur de 7.000 tonneaux.

b) Pour les navires à voile, le taux de la prime est de 1 fr. 70 pour la première année, avec décroissance annuelle à partir de leur francisation, de 2 centimes pendant la première période de quatre ans, de 4 centimes pendant la seconde période de quatre ans, et de 8 centimes pendant la troisième période de quatre

ans.

Toutefois, pour les voiliers jaugeant plus de 600 tonneaux bruts, le taux de la prime initiale sera diminué sur l'ensemble de la jauge totale de 10 centimes par 100 tonneaux ou fraction de 100 tonneaux au-dessus de 600 tonneaux jusqu'à 1.000 tonneaux.

La prime pour les voiliers d'un tonnage supérieur à 1.000 tonneaux sera celle à laquelle aurait droit un navire de 1.000 ton

neaux.

La prime de navigation sera payée pendant douze ans à partir de la francisation à tout navire construit en France pendant la durée de la présente loi.

Le nombre des milles parcourus est évalué d'après la distance comprise de port à port entre les points de départ et d'arrivée, mesurée sur la ligne maritime la plus directe suivant les méthodes de calcul déterminées par les règlements d'administration publique (1).

Art. 4.5% des primes accordées par la présente loi à la navigation et pour la compensation d'armement devront être prélevés au profit de tous les inscrits maritimes.

Les sommes provenant de ces prélèvements seront versées à la caisse de prévoyance des marins en vue de diminuer le montant des retenues imposées à ces derniers pour l'alimentation de cette caisse (2).

Art. 5. Les navires se livrant au cabotage international reçoivent seulement les deux tiers de la prime de navigation au long cours ou de la compensation d'armement calculées conformément aux dispositions précédentes.

(1) Voir le titre IV, art. 44 à 47, du décret du 9 septembre 1902.

(2) Voir le titre VII, art. 80 à 85, du décret du 9 septembre 1902, et ciaprès art. 21 de la loi.

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