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me, il était mis en liberté. Après l'abjuration, on lui donnait une croix qu'il devait porter à la main le long des grands chemins, jusqu'à ce qu'il fût hors des domaines du roi; on l'appelait la bannière de mère église. Mais l'abjuration déchut beaucoup dans la suite, et se réduisit à retenir toujours le prisonnier dans le sanctuaire, où il lui était permis de finir le reste de ses jours, après avoir abjuré sa liberté et sa libre habitation. Par le statut 21 de Jacques I, tout usage d'asile, et conséquemment d'abjuration, fut aboli.

L'abjuration se prend plus particulièrement pour la solennelle renonciation ou rétractation d'une doctrine ou d'une opinion regardée comme fausse et pernicieuse.

En Espagne ou en Portugal, lorsqu'un prétendu hérétique, retenu dans les prisons de l'inquisition, se déterminait, par la crainte du supplice, à faire abjuration de l'hérésie dont on l'accusait, les inquisiteurs faisaient annoncer au peuple qu'un tel jour, à telle heure, dans une telle église, un hérétique pénitent abjurerait ses erreurs, que cette abjuration serait précédée d'un sermon sur la foi, et que ceux qui s'y trouveraient présens, gagneraient des indulgences. Au jour marqué, il y avait ordinairement un grand concours du peuple dans l'église indiquée. Le prétendu coupable y paraissait placé sur une estrade élevée. On commençait par célébrer une messe. Après l'Évangile, l'inquisiteur, ou quelque autre prêtre, faisait un sermon contre l'hérésie en général, et particulièrement contre celle que le coupable devait abjurer. Le

sermon fini, le prédicateur disait au peuple : « Mes frères, celui que vous voyez là est tombé » dans l'hérésie contre laquelle je viens de vous » prêcher, comme vous le verrez par la lecture qu'on » va faire. >>

Alors un religieux, ou un clerc, faisait à haute voix la lecture d'une liste énonciative des erreurs dans lesquelles était tombé le pénitent.

L'inquisiteur, après cette lecture, demandait au coupable s'il avouerait avoir soutenu une pareille hérésie, et s'il était disposé à y renoncer. Sur sa réponse affirmative, on lui faisait faire une abjuration générale de toute hérésie, et une particulière de celle qu'il avait avouée. On exigeait aussi de lui une promesse de déférer au tribunal de l'inquisition, tous les hérétiques qu'il connaissait, et de se soumettre humblement à la pénitence que l'inquisiteur jugerait à propos de lui imposer.

Il y avait toujours un greffier qui dressait un procès-verbal très-exact de l'abjuration; et il avait grand soin d'y insérer que l'hérétique abjurait comme convaincu d'hérésie par sa propre confession, afin que, s'il retombait, il fût puni comme relaps, c'est-à-dire, brûlé sans miséricorde.

L'inquisiteur faisait ensuite à l'abjurant une exhortation charitable et vraiment paternelle, par laquelle il le conjurait d'éviter à l'avenir la moindre suspicion d'hérésie, faute de quoi il ne pourrait se dispenser, en conscience, quoique à regret, de le faire brûler tout vif; après quoi il l'absolvait

de l'excommunication majeure qu'il avait encourue; et pour réparation de la faute qu'il avait commise, il lui imposait une pénitence, et quelle pénitence! d'être exposé, pendant une demi-journée, aux regards du peuple, sur la porte d'une église, revêtu d'un scapulaire brun avec des croix jaunes devant et derrière, puis d'être enfermé toute la vie dans une affreuse prison, et nourri au pain et à l'eau. Il ne doit pas alors paraître surprenant que plusieurs hérétiques aient préféré le supplice du feu à une pareille pénitence!

Les inquisiteurs ne se contentaient pas d'exiger une abjuration formelle de ceux qui, de leur propre aveu, se reconnaissaient hérétiques; ils l'ordonnaient aussi à ceux qui étaient simplement soupçonnés d'hérésie, avec cette différence que la pénitence qui suivait l'abjuration était moins grave.

Au Japon, l'abjuration du christianisme est un acte solennel, nommé jefumi, dans lequel on foule aux pieds l'image de Jésus-Christ attaché à la croix, et celle de sa mère. Kompfer en rapporte ainsi les circonstances. Ceux qui sont chargés de cette infernale exécution commencent de deux côtés différens de la rue, et vont de maison en maison. Ils parcourent ainsi cinq à six rues par jour. Les officiers qui doivent être présens, sont l'ottona, ou le chef de la rue; le fitsia, ou le greffier; le nitsigosi, ou le messager; et deux monbans, c'est-à-dire, deux archers, qui portent les images. Ces figures sont de cuivre jaune, de la longueur d'un pied, et se gardent dans une boîte pour cet usage. Les in

quisiteurs, assis sur une natte, font appeler toutes les personnes dont la liste contient les noms, le chef de famille, sa femme, ses enfans, avec les domestiques de l'un et de l'autre sexe, tous les locataires de la maison, et quelquefois aussi les plus proches voisins, dont les maisons ne sont pas assez grandes pour la cérémonie. On place les images sur le plancher nu, après quoi le jefumi - tsie, qui est le secrétaire de l'inquisition, prend la liste, lit les noms, et somme chacun successivement, à mesure qu'il paraît, de mettre le pied sur les images. Les enfans qui ne sont pas en état de marcher sont soutenus par leurs mères, qui leur font toucher les images avec les pieds. Ensuite le chef de famille met son sceau sur la liste, pour servir de certificat, devant le gouverneur, que le jefumi a eu lieu dans sa maison. Lorsque les inquisiteurs ont parcouru toutes les maisons de la ville, ils foulent eux-mêmes aux pieds les images; et, se servant mutuellement de témoins, ils confirment leurs certificats respectifs en y apposant leur sceau. Si quelqu'un meurt dans le cours de l'année, sa famille doit prier ceux de qui dépend la maison d'assister à son lit de mort, pour rendre témoignage, non-seulement qu'il est mort naturellement, mais encore qu'il n'était pas chrétien. Ils examinent le corps. Ils cherchent également s'il n'y a point quelque signe de violence, ou quelque marque de la religion chrétienne, et les funérailles ne peuvent se faire qu'après qu'ils ont donné leur certificat accompagné de leur

sceau.

En France, les actes d'abjuration étaient reçus par les évêques ou leurs délégués (1).

Le premier roi qui ait abjuré est Clovis, et la première reine est Brunehaut.

Le dixième canon du concile d'Albe, tenu en 1254, fixa à quinze ans pour les hommes et à douze pour les femmes, l'âge auquel les hérétiques étaient admis à faire abjuration.

Les citoyens qui avaient fait abjuration de la religion réformée, ne pouvaient sortir du royaume sans permission (2).

Les religionnaires fugitifs ne pouvaient rentrer dans le royaume sans faire abjuration.

Pour y exercer les mêmes droits que les regnicoles, s'y marier, faire un commerce, hériter, remplir des fonctions administratives, tous ceux qui ne professaient point la religion romaine étaient obligés d'abjurer.

Depuis la révolution, l'abjuration n'y est plus qu'un acte de conscience libre, et pour satisfaire les nouvelles opinions religieuses de celui qui la fait (5).

Voy. INQUISITION, SERMENT.

(1) Déclaration du 10 octobre 1679, enregistrée au parlement le 20 novembre suivant.

(2) Déclaration du 11 février 1699.

(5) LA HARPE: Abrégé de l'Histoire générale des VoyaVELLY: Hist. de France.

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ges. Hist. des Papes, 5 vol. in-4°. 1753. Causes célèbres. -MORÉRI. Dictionnaire des Origines. - BLACKSTONE: Comm. sur le Code criminel d'Angleterre. - FANTIN: Dictionn. rais. du Gouv., etc. SAINT-EDME: Dict. de l'Histoire de France. pédies.

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