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AU

JEUNE BARREAU

DE PARIS,

DANS LA PERSONNE

DE Me MÉRILHOU, AVOCAT.

Monsieur,

Ami des libertés publiques, et de tous les droits sacrés des citoyens, j'ai dû sentir le besoin d'adresser à leurs jeunes défenseurs une marque de reconnaissance spéciale pour leurs nobles et généreux efforts.

Non que j'aie à les remercier de talens déployés en ma faveur : je n'ai jamais encouru même un seul de ces jugemens correctionnels si communs de nos jours; mais les sentimens qui m'animent, et l'amitié qui me lie à plusieurs des écrivains dont la cause leur fut confiée, m'ont déterminé à leur dédier cet ou

vrage, fruit de recherches laborieuses, et que j'a pensé pouvoir être utile.

Peu connu du jeune Barreau à qui je désirais of frir l'hommage de ce Dictionnaire, j'ai cru devoir vous en exprimer particulièrement le vœu : l'estime et l'amitié que je fais gloire de professer pour vous réclamaient de ma part cette preuve d'attention et de déférence.

Ce Barreau illustré aujourd'hui par une grande élévation de savoir, d'humanité et de désintéressement, me saura gré sans doute de vous avoir placé, pour ainsi dire, comme en intermédiaire entre lui et moi.

Recevez, et transmettez, je vous en prie, à vos jeunes collègues et à leurs émules, l'expression d'une gratitude que leur persévérance dans des travaux difficiles et tout honorables justifie à de si justes titres!

Pour vous, Monsieur, puisse mon cœur être toujours entendu du vôtre! puisse encore mon empres

sement vous convaincre de la haute estime et de l'attachement sincère, avec lesquels je ne cesserai de me

dire,

Monsieur,

Votre très-dévoué serviteur,

B. SAINT-EDME.

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EN N se réunissant, les hommes ont nécessairement dû se créer des obligations réciproques; et la première, née du besoin des secours mutuels, fut sans doute de s'entr'aider. Si l'on admet que ce devoir a précédé tous les autres, il faut croire aussi que l'égoïsme parut être le crime unique dans ces sociétés primitives, pour lequel il est probable qu'elles infligèrent une peine quelconque, et il est naturel de déterminer que cette peine fut le bannissement du coupable.

Mû par ce grand principe de conservation personnelle, chaque corps social aura fait entrer dans le code des obligations générales, le respect aux possessions d'autrui; il aura établi, successivement et à mesure qu'il avançait dans la connaissance des passions humaines, des punitions conformes à l'idée qu'il pouvait avoir de la justice naturelle.

Il paraît juste de penser qu'après l'égoïs

me on considéra comme des délits graves l'intérêt commun commandait de pu nir, le vol, le rapt, la violence, le manqu

que

de courage.

Il paraît juste de penser encore que la r pression des délits fut d'abord modérée; qu le voleur et le ravisseur n'eurent d'autr peine à subir que la privation des objets vo lés ou ravis, et que le blâme public tint lie alors d'un plus grave châtiment.

Vinrent ensuite, quand la civilisation eu fait des progrès sensibles, l'adultère, l'aban don de l'épouse, celui des enfans, le viol l'assassinat, l'insubordination, la révolte, la trahison, la calomnie, les guerres de religion, et cette foule de crimes sous le poids desquels la nature semble gémir en silence.

Vint après, selon l'esprit des peuples, selon leurs habitudes, leurs usages, leurs mœurs, et les diverses circonstances des temps et des lieux, cette variété de punitions et de supplices qu'on dirait avoir été inventés par l'imagination la plus riche en barbarie.

Ce n'était point assez, pour des hommes civilisés, d'avoir appliqué des peines diffé

rentes et cruelles pour les différens crimes; il fallut abuser de la prévoyance, souvent horrible, des créateurs de ces peines.

Ceux qui jouirent du pouvoir, les vainqueurs dans les guerres, soit nationales, soit civiles, les dominateurs religieux, en firent des instrumens exécrables de vengeance.

Ce n'est pas tout. Une fois les prisons élevées sur le sol où les hommes naissent libres, on y entassa, non pas seulement des criminels, mais des victimes : les criminels subirent une longue détention avant d'être jugés, parce que l'insouciance ou la mauvaise volonté en retardait l'instant; les victimes y finirent une existence empoisonnée par la douleur.

Bientôt les prisons ne RASSASIÈRENT plus la férocité des plus forts; le bannissement, l'exil, sauvaient des innocens : on inventa les épreuves, la question, les tortures! car, alors, on voulut des coupables.

Partout des traces de cruauté, de recherches inouïes pour tourmenter le prévenu malheureux ou le condamné, pour ajouter une peine à sa peine, ou prolonger son affreuse agonie.

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