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CHAPITRE XIV.

Des lois du commerce qui emportent la confiscation des marchandises.

La grande chartre des Anglois défend de saisir et de confisquer, en cas de guerre, les marchandises des négociants étrangers, à moins que ce ne soit par représailles. Il est beau que la nation angloise ait fait de cela un des articles de sa liberté.

Dans la guerre que l'Espagne eut avec les Anglois en 1740, elle fit une loi qui punissoit de mort ceux qui introduiroient dans les états d'Espagne des marchandises d'Angleterre; elle infligeoit la même peine à ceux qui porteroient dans les états d'Angleterre des marchandises d'Espagne. Une ordonnance pareille ne peut, je crois, trouver de modèle que dans les lois du Japon. Elle choque nos mœurs, l'esprit du commerce, et l'harmonie qui doit être dans la proportion des peines; elle confond toutes les idées, faisant un crime d'état de ce qui n'est qu'une violation de police.

I Publiée à Cadix au mois de mars 1740.

CHAPITRE XV.

De la contrainte par corps.

Solon ordonna à Athènes qu'on n'obligeroit plus le corps pour dettes civiles. Il tira cette loi d'Égypte; Bocchoris l'avoit faite, et Sésostris l'avoit renouvelée.

Cette loi est très bonne pour les affaires 3 Civiles ordinaires; mais nous avons raison de ne point l'observer dans celles du commerce; car, les négociants étant obligés de confier de grandes sommes souvent fort fort courts, de les donner

pour

des temps et de les reprendre, il faut que le débiteur remplisse toujours au temps fixé ses engagements; ce qui suppose la contrainte pår corps.

Dans les affaires qui dérivent des contrats civils ordinaires, la loi ne doit point donner la contrainte par corps, parce qu'elle fait plus de cas de la liberté d'un citoyen que de l'aisance d'un autre. Mais, dans les conventions qui dérivent du commerce, la loi doit faire plus de cas de l'aisance publique que de la liberté d'un citoyen; ce qui n'empêche pas les restrictions et les limitations

■ Plutarque, au traité, Qu'il ne faut point emprunter à usure.

2 Diodore, liv. I, part. II, chap. III.

3 Les législateurs grecs étoient blâmables, qui avoient défendu de prendre en gage les armes et la charrue d'un homme, et permettoient de prendre l'homme même. Diodore, liv. 1, part. II,

ch.

III.

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La loi de Genève qui exclut des magistratures et même de l'entrée dans le grand conseil les enfants de ceux qui ont vécu ou qui sont morts insolvables, à moins qu'ils n'acquittent les dettes de leur père, est très bonne. Elle a cet effet, qu'elle donne de la confiance pour les négociants; elle en donne pour les magistrats; elle en donne pour la cité même. La foi particulière y a encore la force de la foi publique.

CHAPITRE XVII.

Loi de Rhodes.

Les Rhodiens allèrent plus loin. Sextus Empiricus dit que chez eux un fils ne pouvoit se dispenser de payer les dettes de son père en renonçant à sa succession. La loi de Rhodes étoit donnée à une république fondée sur le commerce: je crois que la raison du commerce même y

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devoit mettre cette limitation, que les dettes contractées par le père depuis que le fils avoit commencé à faire le commerce n'affecteroient point les biens acquis par celui-ci. Un négociant doit toujours connoître ses obligations, et se conduire à chaque instant suivant l'état de sa fortune.

CHAPITRE XVIII.

Des juges pour le commerce.

Xénophon, au livre des Revenus, voudroit qu'on donnât des récompenses à ceux des préfets du commerce qui expédient le plus vite les procès. Il sentoit le besoin de notre juridiction consulaire. Les affaires du commerce sont très peu susceptibles de formalités : ce sont des actions de chaque jour, que d'autres de même nature doivent suivre chaque jour; il faut donc qu'elles puissent être décidées chaque jour. Il en est autrement des actions de la vie qui influent beaucoup sur l'avenir, mais qui arrivent rarement. On ne se marie guère qu'une fois; on ne fait pas tous les jours des donations ou des testaments; on n'est majeur qu'une fois.

Platon' dit que, dans une ville où il n'y a point de commerce maritime, il faut la moitié moins Des Lois, liv. VIII.

de lois civiles; et cela est très vrai. Le commerce introduit dans le même pays différentes sortes de peuples, un grand nombre de conventions, d'espèces de biens, et de manières d'acquérir.

Ainsi, dans une ville commerçante, il y a moins de juges et plus de lois.

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CHAPITRE XIX.

Que le prince ne doit point faire le commerce.

Théophile, voyant un vaisseau où il y avoit des marchandises pour sa femme Théodora, le fit brûler. « Je suis empereur, lui dit-il, et vous me << faites patron de galère. En quoi les pauvres gens << pourront-ils gagner leur vie, si nous faisons << encore leur métier ? » Il auroit pu ajouter : Qui pourra nous réprimer si nous faisons des monopoles? Qui nous obligera de remplir nos engagements? Ce commerce que nous faisons, les courtisans voudront le faire; ils seront plus avides et plus injustes que nous. Le peuple a de la confiance en notre justice; il n'en a point en notre opulence: tant d'impôts qui font sa misère sont des preuves certaines de la nôtre.

1 Zonåre.

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