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c'est de se procurer une grande quantité d'espèces, et d'offrir à tous les particuliers leur remboursement, à moins qu'ils ne veuillent réduire l'intérêt. En effet, comme lorsque l'état emprunte ce sont les particuliers qui fixent le taux de l'intérêt, lorsque l'état veut payer c'est à lui à le fixer.

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Il ne suffit pas de réduire l'intérêt, il faut que le bénéfice de la réduction forme un fonds d'amortissement pour payer chaque année une partie des capitaux; opération d'autant plus heureuse que le succès en augmente tous les jours.

Lorsque le crédit de l'état n'est pas entier, c'est une nouvelle raison pour chercher à former un fonds d'amortissement, parce que ce fonds une fois établi rend bientôt la confiance.

1o Si l'état est une république dont le gouvernement comporte par sa nature que l'on y fasse des projets pour long-temps, le capital du fonds d'amortissement peut être peu considérable : il faut, dans une monarchie, que ce capital soit plus grand.

2o Les règlements doivent être tels que tous les citoyens de l'état portent le poids de l'établissement de ce fonds, parce qu'ils ont tout le poids de l'établissement de la dette; le créancier de l'état, par les sommes qu'il contribue, payant lui-même à lui-même.

3o Il y a quatre classes de gens qui paient les dettes de l'état; les propriétaires des fonds de terre, ceux qui exercent leur industrie par le négoce, les laboureurs et artisans, enfin les rentiers de l'état ou des particuliers. De ces quatre classes la dernière, dans un cas de nécessité, sembleroit devoir être la moins ménagée, parce que c'est une classe entièrement passive dans l'état, tandis que ce même état est soutenu par la force active des trois autres. Mais comme on ne peut la charger plus sans détruire la confiance publique dont l'état en général et ces trois classes en particulier ont un souverain besoin; comme la foi publique ne peut manquer à un certain nombre de citoyens sans paroître manquer à tous; comme la classe des créanciers est toujours la plus exposée aux projets des ministres, et qu'elle est toujours sous les yeux et sous la main, il faut que l'état lui accorde une singulière protection, et que la partie débitrice n'ait jamais le moindre avantage sur celle qui est créancière.

CHAPITRE XIX.

Des prêts à intérêt.

L'argent est le signe des valeurs. Il est clair que celui qui a besoin de ce signe doit le louer; comme il fait toutes les choses dont il peut avoir besoin. Toute la différence est que les autres choses peuvent ou se louer ou s'acheter; au lieu que l'argent, qui est le prix des choses, se loue, et ne s'achète pas1.

C'est bien une action très bonne de prêter à un autre son argent sans intérêt; mais on sent que ce ne peut être qu'un conseil de religion, et non une loi civile.

Pour que le commerce puisse se bien faire, il faut que l'argent ait un prix, mais que ce prix soit peu considérable. S'il est trop haut, le négociant, qui voit qu'il lui en coûteroit plus en intérêts qu'il ne pourroit gagner dans son commerce, n'entreprend rien; si l'argent n'a point de prix, personne n'en prête, et le négociant n'entreprend rien non plus.

Je me trompe quand je dis que personne n'en prête. Il faut toujours que les affaires de la société

On ne parle point des cas où l'or et l'argent sont considérés comme marchandises.

aillent; l'usure s'établit, mais avec les désordres que l'on a éprouvés dans tous les temps.

La loi de Mahomet confond l'usure avec le prêt à intérêt. L'usure augmente dans les pays mahométans à proportion de la sévérité de la défense : le prêteur s'indemnise du péril de la contravention. Dans ces pays d'orient, la plupart des hommes n'ont rien d'assuré; il n'y a presque point de rapport entre la possession actuelle d'une somme, et l'espérance de la ravoir après l'avoir prêtée: l'usure y augmente donc à proportion du péril de l'insolvabilité.

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1.

CHAPITRE XX.

Des usures maritimes.

La grandeur de l'usure maritime est fondée sur deux choses; le péril de la mer, qui fait qu'on ne s'expose à prêter son argent que pour en avoir beaucoup davantage, et la facilité que le commerce donne à l'emprunteur de faire promptement de grandes affaires et en grand nombre: au lieu que les usures de terre, n'étant fondées sur aucune de ces deux raisons, sont ou proscrites par les législateurs, ou, ce qui est plus sensé, réduites à de justes bornes.

CHAPITRE XXI.

Du prêt par contrat, et de l'usure chez les Romains.

Outre le prêt fait pour le commerce, il y a encore une espèce de prêt fait par un contrat civil, d'où résulte un intérêt ou usure.

Le peuple chez les Romains augmentant tous les jours sa puissance, les magistrats cherchèrent à le flatter, et à lui faire faire les lois qui lui étoient les plus agréables. Il retrancha les capitaux; il diminua les intérêts, il défendit d'en prendre il ôta les contraintes par corps; enfin l'abolition des dettes fut mise en question toutes les fois qu'un tribun voulut se rendre populaire.

Ces continuels changements, soit par des lois, soit par des plébiscites, naturalisèrent à Rome l'usure; car les créanciers, voyant le peuple leur débiteur, leur législateur et leur juge, n'eurent plus de confiance dans les contrats. Le peuple, comme un débiteur décrédité, ne tentoit à lui prêter que par de gros profits; d'autant plus que, si les lois ne venoient que de temps en temps, les plaintes du peuple étoient continuelles et ințimidoient toujours les créanciers. Cela fit que tous les moyens honnêtes de prêter et d'emprunter furent abolis à Rome, et qu'une usure affreuse, toujours

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