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Les lois faites dans l'objet de la perfection chrétienne furent surtout celles par lesquelles il ôta les peines des lois Pappiennes, et en exempta, tant ceux qui n'étoient point mariés, que ceux qui, étant mariés, n'avoient point d'enfants.

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« Ces lois avoient été établies, dit un historien 2 ecclésiastique, comme si la multiplication de l'espèce humaine pouvoit être un effet de nos <«< soins; au lieu de voir que ce nombre croît et << décroît selon l'ordre de la Providence. >>

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Les principes de la religion ont extrêmement influé sur la propagation de l'espèce humaine : tantôt ils l'ont encouragée, comme chez les juifs, les mahométans, les Guèbres, les Chinois; tantôt ils l'ont choquée, comme ils firent chez les Romains devenus chrétiens.

On ne cessa de prêcher partout la continence, c'est-à-dire cette vertu qui est plus parfaite, parce que, par sa nature, elle doit être pratiquée par très peu de gens.

Constantin n'avoit point ôté, les lois décimaires, qui donnoient une plus grande extension aux dons que le mari et la femme pouvoient se faire à proportion du nombre de leurs enfants. Théodose le jeune abrogea 3 encore ces lois.

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Leg. unic. cod. Theod. de infirm. pæn. cœlib. et orbit.

2 Sozom., lib. 1, cap. IX.

3 Leg. 11 et 111, cod. Theod. de jure lib.

I

Justinien déclara valables tous les mariages que les lois Pappiennes avoient défendus. Ces lois vouloient qu'on se remariât : Justinien accorda des avantages à ceux qui ne se remarieroient pas.

Par les lois anciennes, la faculté naturelle que chacun a de se marier et d'avoir des enfants ne pouvoit être ôtée. Ainsi, quand on recevoit un legs 3 à condition de ne point se marier, lorsqu'un patron faisoit jurer 4 son affranchi qu'il ne se marieroit point, et qu'il n'auroit point d'enfants, la loi Pappienne annuloit 5 et cette condition et ce serment. Les clauses, en gardant viduité, établies parmi nous, contredisent donc le droit ancien, et descendent des constitutions des empereurs, faites sur les idées de la perfection.

Il n'y a point de loi qui contienne une abrogation expresse des priviléges et des honneurs que les Romains païens avoient accordés aux mariages et au nombre des enfants: mais là où le célibat avoit la prééminence il ne pouvoit plus y avoir d'honneur pour le mariage; et puisque l'on put obliger les traitants à renoncer à tant de profits par l'abolition des peines, on sent qu'il fut encore plus aisé d'ôter les récompenses.

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3

Leg. Sancimus, cod. de nuptiis.

2 Nov. 127, chap. 111; nov. 118, chap. v.

Leg. LIV, ff. de condit. et demonst.

4 Leg. v, § 4, de jure patronat.

5 Paul, dans ses sentences, liv. III, tit. XII, § 15.

La même raison de spiritualité qui avoit fait permettre le célibat imposa bientôt la nécessité du célibat même. A Dieu ne plaise que je parle ici contre le célibat qu'a adopté la religion! mais qui pourroit se taire contre celui qu'a formé le libertinage, celui où les deux sexes, se corrompant par les sentiments naturels mêmes, fuient une union qui doit lés rendre meilleurs, pour vivre dans celle qui les rend toujours pires?

C'est une règle tirée de la nature, que plus on diminue le nombre des mariages qui pourroient se faire, plus on corrompt ceux qui sont faits; moins il y a de gens mariés, moins il y a de fidélité dans les mariages; comme lorsqu'il y a plus de voleurs, il y a plus de vols.

CHAPITRE XXII.

De l'exposition des enfants.

Les premiers Romains eurent une assez bonne police sur l'exposition des enfants. Romulus, dit Denys d'Halicarnasse 1, imposa à tous les citoyens la nécessité d'élever tous les enfants mâles et les aînées des filles. Si les enfants étoient difformes et monstrueux, il permettoit de les exposer, après les avoir montrés à cinq des plus proches voisins.

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Romulus ne permit1 de tuer aucun enfant qui eût moins de trois ans : par là il concilioit la loi qui donnoit aux pères le droit de vie et de mort sur leurs enfants, et celle qui défendoit de les exposer.

On trouve encore dans Denys d'Halicarnasse 2 que la loi qui ordonnoit aux citoyens de se marier et d'élever tous leurs enfants étoit en vigueur l'an 277 de Rome: on voit que l'usage avoit restreint la loi de Romulus qui permettoit d'exposer les filles cadettes.

Nous n'avons de connoissance de ce que la loi des douze tables, donnée l'an de Rome 301, statua sur l'exposition des enfants, que par un passage de Cicéron 3, qui, parlant du tribunat du peuple, 'dit que d'abord après sa naissance, tel que l'enfant monstrueux de la loi des douze tables, il fut étouffé les enfants qui n'étoient pas monstrueux : 'étoient donc conservés, et la loi des douze tables ne changea rien aux institutions précédentes.

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« Les Germains 4, dit Tacite, n'exposent point << leurs enfants, et chez eux les bonnes mœurs << ont plus de force que n'ont ailleurs les bonnes «<lois. » Il y avoit donc chez les Romains des lois contre cet usage, et on ne les suivoit plus. On ne

1 Antiquités romaines, liv. 11.

Liv. IX.

3 Liv. 111, de legibus.

4 De moribus Germ.

trouve aucune loi1 romaine qui permette d'exposer les enfants : ce fut sans doute un abus introduit dans les derniers temps, lorsque le luxe ôta l'aisance, lorsque les richesses partagées furent appelées pauvreté, lorsque le père crut avoir perdu ce qu'il donna à sa famille, et qu'il distingua cette famille de sa propriété.

CHAPITRE XXIII.

De l'état de l'univers après la destruction des Romains.

Les règlements que firent les Romains pour augmenter le nombre de leurs citoyens eurent leur effet pendant que leur république, dans la force de son institution, n'eut à réparer que les pertes qu'elle faisoit par son courage, par son audace, par sa fermeté, par son amour pour la gloire, et par sa vertu même. Mais bientôt les lois les plus sages ne purent rétablir ce qu'une république mourante, ce qu'une anarchie générale, ce qu'un gouvernement militaire, ce qu'un empire dur, ce qu'un despotisme superbe, ce qu'une monarchie foible, ce qu'une cour stupide, idiote et superstitieuse, avoient successivement abattu: on eût dit qu'ils n'avoient conquis le monde que pour

'Il n'y a point de titre là dessus dans le Digeste : le titre du Code n'en dit rien, non plus que les Novelles.

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