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d'habitants, elle a été admise; dans ceux où il y en a beaucoup, on l'a rejetée. On sent que toutes ces réflexions ne portent que sur la trop grande extension du célibat, et non sur le célibat même.

CHAPITRE V.

Des bornes que les lois doivent mettre aux richesses du clergé.

Les familles particulières peuvent périr; ainsi les biens n'y ont point une destination perpétuelle. Le clergé est une famille qui ne peut pas périr; les biens y sont donc attachés pour toujours, et n'en peuvent pas sortir.

Les familles particulières peuvent s'augmenter; il faut donc que leurs biens puissent croître aussi. Le clergé est une famille qui ne doit point s'augmenter; les biens doivent donc y être bornés.

Nous avons retenu les dispositions du Lévitique sur les biens du clergé, excepté celles qui regardent les bornes de ces biens: effectivement on ignorera toujours parmi nous quel est le terme après lequel il n'est plus permis à une communauté religieuse d'acquérir.

Ces acquisitions sans fin paroissent aux peuples si déraisonnables, que celui qui voudroit parler pour elles seroit regardé comme imbécille.

Les lois civiles trouvent quelquefois des ob

stacles à changer des abus établis, parce qu'ils sont liés à des choses qu'elles doivent respecter : dans ce cas, une disposition indirecte marque plus le bon esprit du législateur qu'une autre qui frapperoit sur la chose même. Au lieu de défendre les acquisitions du clergé, il faut chercher à l'en dégoûter lui-même; laisser le droit, et ôter le fait.

Dans quelques pays de l'Europe, la considération des droits des seigneurs a fait établir en leur faveur un droit d'indemnité sur les immeubles acquis par les gens de main-morte. L'intérêt du prince lui a fait exiger un droit d'amortissement dans le même cas. En Castille, où il n'y a point de droit pareil, le clergé a tout envahi. En Aragon, où il y a quelque droit d'amortissement, il a acquis moins. En France, où ce droit et celui d'indemnité sont établis, il a moins acquis encore; et l'on peut dire que la prospérité de cet état est due en partie à l'exercice de ces deux droits. Augmentezles, ces droits, et arrêtez la main-morte, s'il est possible.

Rendez sacré et inviolable l'ancien et nécessaire domaine du clergé; qu'il soit fixe et éternel comme lui: mais laissez sortir de ses mains les nouveaux domaines.

Permettez de violer la règle lorsque la règle est devenue un abus ; souffrez l'abus lorsqu'il rentre dans la règle.

On se souvient toujours à Rome d'un mémoire qui y fut envoyé à l'occasion de quelques démêlés avec le clergé. On y avoit mis cette maxime: «<Le

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clergé doit contribuer aux charges de l'état, « quoi qu'en dise l'ancien Testament. >> On en conclut que l'auteur du mémoire entendoit mieux le langage de la maltôte que celui de la religion.

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CHAPITRE VI.

Des monastères.

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Le moindre bon sens fait voir que ces corps qui se perpétuent sans fin ne doivent pas vendre leurs fonds à vie, ni faire des emprunts à vie, moins qu'on ne veuille qu'ils se rendent héritiers de tous ceux qui n'ont point de parents et de tous ceux qui n'en veulent point avoir. Ces gens jouent contre le peuple, mais ils tiennent la banque contre lui.

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<< Ceux-là sont impies envers les dieux, dit Pla<< ton', qui nient leur existence; ou qui l'ac<< cordent, mais soutiennent qu'ils ne se mêlent Des Lois, liv. x.

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< point des choses d'ici-bas; ou enfin qui pensent qu'on les apaise aisément par des sacrifices: << trois opinions également pernicieuses. >> Platon dit là tout ce que la lumière naturelle a jamais dit de plus sensé en matière de religion.

La magnificence du culte extérieur a beaucoup de rapport à la constitution de l'état. Dans les bonnes républiques on n'a pas seulement réprimé le luxe de la vanité, mais encore celui de la superstition; on a fait dans la religion des lois d'épargne. De ce nombre sont plusieurs lois de Solon, plusieurs lois de Platon sur les funérailles, que Cicéron a adoptées; enfin, quelques lois de Numa sur les sacrifices.

« Des oiseaux, dit Cicéron, et des peintures << faites en un jour, sont des dons très divins. Nous « offrons des choses communes, disoit un Spartiate, afin que nous ayons tous les jours le << moyen d'honorer les dieux. >>

Le soin que les hommes doivent avoir de rendre. un culte à la divinité est bien différent de la magnificence de ce culte.

<< Ne lui offrons point nos trésors si nous ne « voulons lui faire voir l'estime que nous faisons « des choses qu'elle veut que nous méprisions.: << Que doivent penser les dieux des dons des impies, dit admirablement Platon, puisqu'un

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1

Rogum vino ne respergito. Loi des douze tables.

DE L'ESPRIT DES LOIS. T. II.

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<«< homme de bien rougiroit de recevoir des pré<< sents d'un malhonnête homme ?>>

Il ne faut pas que la religion, sous prétexte de dons, exige des peuples ce que les nécessités de l'état leur ont laissé; et, comme dit Platon', des hommes chastes et pieux doivent offrir des dons qui leur ressemblent.

Il ne faudroit pas non plus que la religion encourageât les dépenses des funérailles. Qu'y a-t-il de plus naturel que d'ôter la différence des fortunes dans une chose et dans les moments qui égalisent toutes les fortunes?

CHAPITRE VIII.

Du pontificat.

Lorsque la religion a beaucoup de ministres, il est naturel qu'ils aient un chef, et que le pontificat y soit établi. Dans la monarchie, où l'on ne sauroit trop séparer les ordres de l'état, et où l'on ne doit point assembler sur une même tête toutes les puissances, il est bon que le pontificat soit séparé de l'empire. La même nécessité ne se rencontre pas dans le gouvernement despotique, dont la nature est de réunir sur une même tête tous les pouvoirs. Mais, dans ce cas, il pourroit arriver:

Des Lois, liv. 111.

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