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DEUXIÈME PARTIE.

LEGISLATION FRANÇAISE SUR LES DROITS

D'AUTEURS.

Observations préliminaires.

La Révolution française, en proclamant la liberté de la presse, et en supprimant les corporations, détruisait les bases sur lesquelles l'ancienne législation sur la librairie s'était appuyée, et abolissait cette législation tout entière. Il n'entre pas dans le plan de cet ouvrage de montrer par combien de vicissitudes diverses les lois sur la presse ont dû passer avant d'arriver au régime actuel, qui consacre les droits de la liberté, en même temps qu'il place la société, les pouvoirs publics et les citoyens sous la protection d'une législation répressive des crimes et des délits. Nous n'avons pas à expliquer, non plus, comment les principes de libre concurrence ont prévalu en faveur du commerce de la librairie, et n'ont été que partiellement appliqués à l'imprimerie, qui demeure toujours soumise à une limitation du nombre des imprimeurs ; ni à donner notre avis sur ce qui resterait à faire pour régler cette partie, encore imparfaite, de notre organisation sociale.

Nous n'avons pas à nous occuper de ce qui concerne l'établissement des théâtres; à rechercher dans quelle mesure la liberté doit leur appartenir, ni à quelle police ils doivent être soumis. Il a fallu toucher à toutes ces questions pour faire connaître l'état de notre ancien droit, qui les mêlait toutes; arrivés maintenant à la partie de notre travail qui a pour objet d'exposer la législation actuelle de la France, nous n'aurons plus à faire que de rares excursions hors de ce qui concerne spécialement les droits des auteurs.

L'Assemblée constituante et l'Assemblée législative ne se' sont occupées que des auteurs dramatiques. C'est la Conven tion nationale qui par le décret du 19 juillet 1793 a réglé les droits des auteurs d'écrits en tous genres, et a posé les bases de la législation qui nous régit encore aujourd'hui.

En ne s'arrêtant point aux lois de détail, dont quelquesunes néanmoins ont de l'importance, telle, notamment que les deux décrets de germinal en XIII sur les ouvrages posthumes et sur les livres d'église, il faut aller jusqu'au décret impérial du 5 février 1810 pour trouver un changement notable dans la législation.

La loi de 1793 donne aux auteurs droit sur leurs ouvrages pendant toute leur vie, et à leurs représentans pour dix années après la mort des auteurs. Le décret de 1810 étend, mais pour certains cas seulement, ce droit à toute la vie des veuves, et à vingt années après la mort soit des auteurs soit de leurs veuves.

Sous la restauration, et depuis la charte de 1830, on s'est, à plusieurs reprises, occupé de préparer une loi nouvelle. C'est surtout dans l'intérêt des auteurs, et pour étendre la durée des droits de leurs représentans que l'on a sollicité des modifications. On ne s'est occupé que transitoirement de l'importante question de savoir s'il ne conviendrait pas de codifier les dispositions éparses dans nos diverses lois sur la matière, et de régler, à cette occasion, les nombreuses difficultés de détails que l'expérience a signalées.

Je me réserve d'exposer, plus tard, mes idées sur une loi nouvelle ; mais je ne le ferai qu'après avoir, dans la quatrième partie de ce traité, recherché la solution que, dans l'état actuel de nos lois et de la jurisprudence, on doit donner aux questions que présente cette matière.

L'objet que je me propose, dans cette seconde partie, est de donner le texte de toutes les dispositions législatives rendues en France depuis 1791.

Plusieurs des lois que je vais citer ont, en tout ou en partie, cessé d'être en vigueur. C'est dans la partie consacrée à la discussion de chaque question spéciale que je signalerai plus particulièrement ce qui est encore en vigueur et ce qui a été abrogé.

Je n'ai pas voulu me contenter de donner le texte des lois et décrets : j'ai pensé que pour en mieux comprendre l'esprit et la portée, il serait utile de connaître les discussions qui les ont précédés et les motifs pour lesquels ils ont été rendus.

Cette partie sera subdivisée en autant d'articles distincts qu'il y a eu de lois, d'ordonnances, ou de décrets sur la matière.

SIer.

Loi du 13-19 janvier 1791, relative aux spectacles.

Dès les premiers jours de la Révolution française, la liberté des théâtres fut très vivement réclamée. Une grand nombre d'écrits et d'articles de journaux se succédèrent sans relâche. Le 24 août 1790, une députation des auteurs dramatiques vint à la barre de l'assemblée contituante, présenter une pétition. La Harpe porta la parole (1). Son discours, quelque peu dé

(1) OEuvres de Laharpe, édition de 1820, tome v,

Adresse des auteurs

clamatoire, ne contient que des généralités où je ne trouve rien de fort utile à extraire. La pétition porte les signatures suivantes : de La Harpe, J. Sédaine, Cailhava, Ducis, Fenouillot, Lemierre, Laujon, Marie-Joseph Chénier, Mercier, Palissot, Fabre d'Eglantine, Framery, André de Murville, Forgeot, de Sauvigny, de Maisonneuve, Vigée, Chamfort, Fallet, etc., etc. Vigée réclama contre l'apposition de sa signature.

Après quelques considérations générales, la pétition s'élève contre les règlemens qui gouvernaient la comédie. « On ne sera pas surpris que; dans un temps où les abus s'étendaient sur tout, ils prévalussent encore davantage dans le régime de la comédie, gouvernée par des gentilshommes de la chambre. Le titre de comédiens du roi entretenus par Sa Majesté, comme il était écrit sur le frontispice de leur hôtel, était un titre abusif... Personne n'ignore que si les comédiens avaient été réduits à ce qu'ils recevaient du roi, ils seraient à-peuprès morts de faim; ou plutôt la comédie n'aurait pu exister. Ils étaient véritablement les comédiens du public, puisque c'était le public qui les faisait vivre........... On sait que dans le siècle dernier, à l'époque des chefs-d'œuvre de Corneille, de Racine et de Molière, il y avait à Paris trois troupes de comédiens français, et aucune ne prenait encore le titre de troupe du roi..... Racine fit jouer successivement son Alexandre par la troupe du Palais-Royal et par celle de l'hôtel de Bourgogne et cet exemple n'est pas le seul du même temps.,. . . . . Les gentilshommes de la chambre introduisirent aisément dans l'administration de la comédie le despotisme de la cour. Les

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dramatiques à l'assemblée nationale, p. 303 à 311. Pétition des auteurs dramatiques, p. 312 à 336.—Supplément, p. 337 à 342.—On n'a point réimprimé dans les œuvres de Laharpe le discours prononcé par lui à la Société des amis de la constitution, le 17 décembre 1790: un exemplaire de ce discours est à la collection des archives du royaume (no 738).-On n'a pas réimprimé non plus la Réponse aux observations pour les Comédiens français, (archives, no 839).

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