vue par un autre, une perspective par une autre. Aujourd'hui on commence à comprendre que ces perspectives diverses peuvent et doivent s'unir au lieu de s'opposer. Bien plus, l'histoire de la philosophie nous montre que, dans la réalité, cette union se produit. Si en effet nous nous rappelons les derniers résultats des recherches métaphysiques en Allemagne, en France et en Angleterre, nous voyons qu'on s'accorde de plus en plus sur deux points essentiels. En premier lieu, on reconnaît que le fond de l'existence, objet de la métaphysique, est le même pour tous les êtres, et que la différence des êtres est une simple différence de développement. En second lieu, on s'accorde à reconnaître que ce fond de toute existence est l'action. Mais en quoi consiste cette action, et quelle en est la véritable essence? C'est sur cette question finale que nous voyons encore s'opposer les deux grandes directions entre lesquelles se partage la métaphysique contemporaine. Selon les partisans de la nécessité universelle, l'action à laquelle toute existence se ramène est soumise à des lois fatales, et notre prétendue liberté n'est qu'une apparence trompeuse: la moralité de l'homme s'absorbe donc à leurs yeux dans le mécanisme de la nature. Au contraire, selon les partisans de la liberté universelle, c'est la nécessité qui est une apparence extérieure, une forme passagère du développement des êtres, un simple moment de leur progrès; le fond intérieur est la liberté, toujours présente, toujours agissante. Pour ceux-ci, la vraie essence de l'être est le moral, et le physique n'est qu'accidentel; pour les autres, le physique est l'essence, le moral est l'accident. Selon la philosophie de la liberté, c'est seulement par le dehors que les êtres se font échec, luttent, s'imposent l'un à l'autre des contraintes et des nécessités, deviennent l'un pour l'autre des forces brutales; l'intérieur de chaque être est une volonté qui, après s'être suffisamment développée, ne peut manquer tôt ou tard de se mettre librement d'accord avec les autres volontés; la guerre universelle est donc transitoire; le terme final est la paix. Selon la philosophie de la nécessité, c'est par le dedans que les êtres se font obstacle: essentiellement ennemis, impénétrables l'un à l'autre, ils sont foncièrement égoïstes alors même qu'ils sympathisent à l'extérieur tout s'explique dans le monde par la lutte pour la vie, les lois morales elles-mêmes se ramènent aux lois mécaniques, et l'ordre social n'est que le meilleur moyen de satisfaire à la fois tous les égoïsmes. On le voit, les écoles rivales different par le rang qu'elles accordent aux deux éléments les plus essentiels du problème métaphysique la nécessité et la liberté. Les progrès à venir de la métaphysique et des sciences positives pourront sans cesse apporter de nouvelles lumières dans ce problème; mais, dès aujourd'hui, l'alternative où il se résume peut et doit être résolue pratiquement, sinon théoriquement. En effet, les deux systèmes qui demeurent en présence n'ont pas la même valeur morale, puisque l'un est l'acceptation et l'autre le rejet de la moralité même. La doctrine fataliste n'est qu'une simple spéculation de la pensée abstraite sur le possible; la doctrine de la liberté, au contraire, est une conséquence de l'obligation pratique que notre volonté s'impose à elle-même. Dès lors, qu'est-ce qui déterminera la direction que nous devons prendre? Le devoir même. Nous devons agir envers nous et envers les autres comme envers des êtres moraux; nous devons régler notre volonté et nos actions comme si la moralité libre était l'essence universelle qu'il dépend de nous de manifester, comme si la force fatale était un obstacle passager qu'il dépend de nous de détruire (1). Ainsi la volonté, en prenant conscience de sa dignité intérieure, peut seule trancher le problème relatif à l'absolu, que la pure logique n'est pas encore parvenue à résoudre. Cette décision de la volonté fait le fond de tout acte moral, et en même temps de toute affirmation vraiment métaphysique. A ce point de vue supérieur, où est le faux et le provisoire ? C'est dans la nécessité, et dans la lutte qu'elle engendre. Où est le vrai et le définitif? C'est dans la liberté, et dans l'union morale qu'elle prépare entre tous les êtres. 1. Voir nos Principes de philosophie. FIN. TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES PAR ORDRE HISTORIQUE. - INTRODUCTION. DE LA MÉTHODE DANS L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE. 1. UTILITÉ DE L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE POUR LA PHILOSOPHIE. 1° Que l'histoire de la philosophie fait partie de la philosophie même, parce qu'en réalité elle n'a point un objet différent de la philosophie: son objet est toujours l'esprit, réfléchissant sur sa propre nature, sur son principe et sur sa fin. -2° Que l'histoire de la philosophie corrige ou prévient l'erreur, confirme ou complète la vérité. II. — UTILITÉ DE L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE POUR L'histoire en L'histoire générale doit remonter des actions de l'humanité à leurs causes; ces causes sont les idées morales, religieuses et scientifiques; ces idées ont leur plus haute expression dans la philosophie. Le progrès de la spéculation dirige les autres progrès de l'humanité, si bien que les théories les plus élevées et les plus éloignées en appa- rence de la pratique en sont réellement les plus voisines. L'his- toire de la philosophie est l'histoire de la conscience réfléchie que Que l'historien doit 1o comprendre, 2o apprécier. Pour comprendre, il Pour apprécier, il faut corriger les erreurs et concilier les vérités. - perfectionne le système avec ses propres ressources. VI PREMIÈRE PARTIE PHILOSOPHIE ANCIENNE. CHAPITRE PREMIER DOCTRINES PHILOSOPHIQUES DES ANCIENS PEUPLES. - I. PHILOSOPHIE DE L'INDE. - Métaphysique des Indiens. - Polythéisme et panthéisme de la religion - 3 Morale de la religion brahmanique. Dévotion, humilité, modestie; - bien. Dans l'ordre social, elle consacre l'injustice des castes et 9 II. - DOCTRINES PHILOSOPHIQUES de la perse. - ZOROASTRE. 11 I. — L'idée qui domine la métaphysique de Zoroastre (660 ans avant III. -- DOCTRINES PHILOSOPHIQUES DES CELTES Et Gaulois. - 14 Les sages de la Gaule ou druides enseignaient déjà de hautes doctrines IV. - -LA PHILOSOPHIE EN CHINE. CONFUCIUS ET MENCIUS. I. L'esprit de la Chine est plus pratique que métaphysique. Les phi- |