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MEMOIRE HISTORIQUE

SUR

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LE PALAIS DE JUSTICE DE POITIERS

(VIENNE)

Par M. PALLU, membre titulaire

Vice-Président du tribunal de première instance du Mans.

(Extrait du Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe.)

Le Palais de Justice de Poitiers est situé au centre de cette ville, et sur le sommet de la colline qui sépare le Clain de la petite rivière la Boivre. Dans le principe, il était placé près de l'enceinte gallo-romaine, sur laquelle une partie de l'édifice actuel repose encore; et il n'y a pas de doute que, dès les temps de sa première construction, il n'ait été le lieu où siégeaient la curie et les autres magistrats de Limonum, l'antique capitale des Poitevins.

Il se compose d'une grande salle, qui fut celle des gardes des comtes du Poitou, et qui porte de nos jours le nom plus vulgaire de salle des Pas-Perdus. Autour de cette salle viennent se grouper les prétoires des divers tribunaux, qui se trouvent ainsi réunis dans l'enceinte générale avec leurs dépendances, telles que les vestiaires, les parquets, les chambres du conseil, les greffes, la bibliothèque et les chambres des avocats, des avoués, des huissiers et des notaires. On y trouve également les salles d'audience des justices de paix des deux cantons de Poitiers et leurs accessoires. Enfin elle est flanquée au midi par le donjon de Maubergeon, avec ses quatre tours ornées de statues; donjon d'où relevaient autrefois tous les fiefs du comté de Poitou.

La salle des Pas-Perdus forme un parallélogramme de 49 mètres 50 centimètres de longueur, sur 17 mètres de lar1

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geur. Ses vastes proportions se prêtent merveilleusement aux cérémonies publiques, qui y ont souvent déployé leurs pompes et leur magnificence. Décorée à l'intérieur, sur trois des côtés de son rez-de-chaussée, par un rang d'arcades feintes où se trouvent mélangées les formes de l'ogive et du plein eintre, elle est éclairée à l'orient et à l'occident par un rang de fenêtres du même style, tandis que son pignon septentrional l'est par une fenêtre géminée en plein cintre; celui du côté opposé a trois fenêtres ogivales ornées de meneaux, de statuettes et de frises élégamment fouillées. Trois vastes cheminées, qui servaient autrefois à réchauffer cet immense appartement, audessus desquelles règne une galerie dans toute la largeur de la salle, avec des frises et des écussons aux armes des rois de France et des comtes de Poitou, s'élèvent encore jusqu'au faîte de l'édifice, traversant d'une manière bizarre les légères ogives des fenêtres. La statue de Guillaume-le-Grand, comte de Poitou, se dressait, dit-on, sur celle du milieu; renversée dans la tourmente de 1793: nous l'avons vue, étant encore bien jeune, momentanément remplacée par un drapeau surmonté d'une pique et d'un bonnet pbrygien; puis, celui-ci ayant disparu, la place resta vacante jusqu'en 1823, qu'on y installa les appareils d'un télégraphe aérien, correspondant de Paris en Espagne, qui, vaincu à son tour par son rival le télégraphe électrique, n'a point encore eu de successeur sur ce poste élevé. Des tours cylindriques, renfermant chacune un escalier en spirale, ayant de nombreuses ouvertures intérieures et extérieures, et terminées par des cônes en pierre de taille, flanquent les deux angles du pignon. Un large perron, élevé sur plusieurs marches, règne au-dessus du sol de la salle, au niveau des trois cheminées et dans toute leur largeur. Enfin, cette salle n'a point d'autre plafond que sa belle charpente, dont l'immensité étonne.

Le Palais de Poitiers avait autrefois trois entrées, ouvrant toutes les trois sur la salle des Pas-Perdus. La première, formée par une porte en plein cintre avec trois colonnettes et archivoltes rentrants, existe encore dans son état primitif, entre

la salle d'audience de la deuxième chambre civile et celle des audiences solennelles. C'était la porte principale du Palais de ce côté ; elle communiquait, ainsi que cela est encore, avec la rue du Marché par un passage construit sur des arcades, autrefois encombré de vilaines et sales échoppes, détruites depuis environ un demi-siècle, et par l'escalier qu'on y voit encore, mais qui s'est beaucoup amélioré. Cette entrée se nomme depuis des siècles la Grande-Échelle du Palais, elle le devait sans doute à l'escalier dont nous venons de parler. Lorsqu'on reconstruisit, il y a près de cinquante ans, les maisons qui sont au bas de cet escalier, on trouva, près de là, une grande quantité de débris de marbre, de briques à rebords et de mosaïques ; il en fut de même lors des réparations qui ont eu lieu du côté de la place de Saint-Didier. Il est évident que ces débris étaient les restes de l'ancien palais gallo-romain.

Une petite et étroite porte, aujourd'hui supprimée, était à peu près dans l'endroit où se voit celle du parquet du procureur général; on y arrivait de la rue du Marché par une ruelle étroite et un petit escalier très-peu large et d'une pente rapide, qui était nommé la Petite-Échelle du Palais. Cette entrée était moderne, elle a été supprimée.

Enfin la troisième entrée avait lieu par une porte placée presqu'en face de cette dernière; elle conduisait à la place de Saint-Didier par un escalier en ruines et un passage couvert, bas, obscur et étroit. Ce passage, le long duquel régnaient des boutiques, a été remplacé par le péristyle actuel, dans les der nières années du règne de Louis XVIII, aux dépens de plusieurs maisons voisines. Ce péristyle a été construit au haut d'un perron élevé, il est composé de quatre colonnes supportant un fronton, le tout dans le style grec.

C'est sur la salle des Pas-Perdus, vrai vestibule du Palais, que s'ouvrent toutes les salles d'audiences nécessaires au service de la cour et des autres tribunaux. Au milieu, en face de l'entrée dont nous venons de parler, on voit la salle des audiences solennelles de la cour impériale, qui sert aussi à celles

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de la première chambre civile. C'était là que se trouvait jadis la salle d'audience des juges de paix des cantons de Poitiers, qui elle-même avait été établie dans l'ancienne chapelle du Palais, où les prisonniers de la conciergerie assistaient au service divin, dans une pièce fermée d'une grille semblable à celle du chœur d'une communauté religieuse. La cloche de cette chapelle était placée dans la fenêtre qui domine l'entrée de la salle d'audience.

A gauche de la porte de la Grande-Échelle, se trouve la salle d'audience de la seconde chambre civile et de la chambre des appels de police correctionnelle de la cour. C'était là que siégeaient autrefois les magistrats de la sénéchaussée et du présidial.

A droite de la salle des audiences solennelles, est la porte qui conduit au parquet du procureur général; ensuite vient immédiatement la salle de la cour d'assises et ses dépendances, qui fut jadis celle du bureau des finances de la généralité de Poitiers, dont les accessoires et les archives étaient dans la tour de Maubergeon. Après sa suppression, le bureau des finances fut remplacé par l'administration départementale. Enfin, de ce côté, dans l'angle de la salle des Pas-Perdus et près des cheminées, est l'escalier qui conduit à la salle et aux dépendances du tribunal de commerce, également placées dans la tour de Maubergeon.

Au côté septentrional de la salle des Pas-Perdus, sont les chambres des avoués, la bibliothèque et le greffe de la cour où fut autrefois la salle d'audience du tribunal de l'élection et ses dépendances.

Enfin, du côté occidental, à gauche de la porte d'entrée, se trouvent la salle d'audience des juges de paix et la chambre des avocats, et à droite le tribunal de première instance, nouvellement construit sur l'emplacement de l'ancienne juridiction des eaux et forêts, et de quelques autres bâtiments.

Il existait aussi autrefois, près de la salle actuelle de la cour d'assises, une prison malsaine, appelée la Conciergerie du

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