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à ce fournisseur, à l'époque de la fourniture, que la construction avait lieu à forfait pour compte d'un tiers? (Rés. aff. )

(Portanier contre Bory.)

LB sieur Jacques Bory de Saint-Tropez cons

truisait un navire de 400 tonneaux environ.

Dans les mois d'août et de septembre 1825, le sieur Portanier de Toulon lui fournit à crédit des bois de construction pour la valeur de 2456 fr.

Le 3 juin 1826, avant que le navire fût en état d'être mis à flot, un jugement du tribunal de commerce de Saint-Tropez déclare la faillite du sieur Bory.

La créance du sieur Portanier est portée dans le bilan; elle est ensuite vérifiée et affirmée.

La coque du navire en construction formait la plus grande partie de l'actif de la faillite; mais la propriété en était revendiquée par les sieurs Mauric et Teissère, qui avaient commandé la construction au sieur Bory et lui en avaient même payé le prix.

Ces revendicans se prévalaient d'une convention sous seing privé passée entr'eux et le sieur Bory, à raison de cette construction, portant la date du 15 août 1825, et enregistrée seulement la veille de la faillite.

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Après avoir plaidé successivement devant le tribunal de commerce de Saint-Tropez et devant la cour royale d'Aix, les sieurs Mauric et Teissère sont, en définitive et par arrêt du 7 décembre 1826, reconnus propriétaires du navire en construction et autorisés à le faire parachever aux frais de la faillite (1).

En février 1827, le sieur Portanier les assigne devant le tribunal de commerce de Saint-Tropez, pour les faire condamner au paiement de la somme de 2456 fr., montant des fournitures par lui faites ausieur Bory, avec privilége sur la coque et le corps du navire.

Le 10 février, jugement qui fait droit à cette demande.

Appel, de la part des sieurs Mauric et Teissère.

Ils soutiennent, en premier lieu, premier lieu, que la créance da sieur Portanier est prescrite par le laps d'une année, aux termes de l'article 433 du code de

commerce;

Ea second lieu, que le privilége accordé par le tribunal de commerce de Saint-Tropez est contraire aux dispositions de la loi.

A l'appui de ce second grief et pour repousser Je privilége réclamé par les fournisseurs, les sieurs

(1) Voy. cet arrêt rapporté ci-devant, pag. 65.

Mauric et Teissère employaient les mêmes argumens que le sieur Weisbrod, dans l'affaire jugée par la cour de Rennes et rapportée dans ce Recueil (1).

Eu troisième lieu, les sieurs Mauric et Teissère soutenaient qu'il était de notoriété publique que le navire était construit par leur ordre, pour leur compte et à forfait : et subsidiairement ils offraient la preuve de cette notoriété.

ARRÊT.

<< Attendu que si, aux termes de l'article 433 du code de commerce, toutes actions pour fournitures sont prescrites un an après ces fournitures faites, il y a exception. à cette règle lorsqu'il y a cédule, obligation, arrêté de compte ou interpellation judiciaire; que, dans le cas actuel, Antoine Portanier s'est présenté, avant l'expiration de l'année, dans la faillite de Jacques Bory, pour réclamer le montant de sa créance; qu'ainsi, la prescription ne peut avoir lieu; qu'à la vérité l'année était révolue lorsque le sieur Portanier a introduit une action contre Mauric et Teissère; mais ceux-ci étant en procès avec Bory pour savoir à qui devait appartenir, en définitive, le navire qui était construit, le délai utile pour la prescription n'a pu courir jusqu'au moment où l'instance a été évacuée, et depuis cette dernière époque, on ne trouve pas un temps suffisant à prescrire ;

» Attendu, au fond, que la convention intervenue entre

(1) Voy. ce Recueil, tom. IV, 2me part., pag. 189, et un arrêt de Rouen, conforme à celui de Rennes, tome VII, me part., pag. 94.

Mauric et Teissère et Jacques Bory, pour la construction du navire dont il s'agit, est du 15 août 1825; que cette convention n'a été connue et enregistrée que long-temps après, et au moment où la faillite dudit Bory allait éclater; que cependant, dès les mois d'août et de septembre de la même année 1825, Portanier avait fait des fournitures de bois, qui sont entrées dans une partie de la construction du navire et pour lesquelles il réclame, en ce moment, privilége; qu'à l'époque de la livraison, rien n'indique, nj ne pouvait indiquer si la construction était faite à forfait; qu'ainsi Portanier a pu croire que c'était pour le compte de Bory que cette construction était faite, et que lui, Portanier, aurait un privilége, aux termes de l'article Igr dudit code de commerce; qu'il a pu le penser d'autant plus raisonnablement que Bory a compris lui-même le navire dont est question dans l'actif de sa faillite, et qu'il a fallu un arrêt de la cour pour décider qu'il était la propriété desdits Mauric et Teissère;

» Que ces diverses circonstances suffisent donc pour justifier le jugement dont est appel;

» Attendu que la preuve offerte, lors-même qu'elle serait rapportée, ne changerait pas la décision à intervenir, puisque Portanier est domicilié à Toulon, et que les faits dont on excipe pouvaient d'autant moins être connus de lui qu'il s'est écoulé un très court espace de temps entre la convention du 15 août 1825 et l'époque où les fournitures ont été faites;

» LA COUR confirme le jugement. »

Du 30 mai 1827.- Cour royale d'Aix. Prés. M. de la CHEZE-MUREL.

DEFOUGÈRES.

Plaid. MM. PERRIN et

NOTE.

L'arrêt que nous venons de recueillir, tout en admettant le privilége en faveur des fournisseurs, à la différence des cours de Rennes et de Rouen qui l'ont rejeté, ne se trouve pas cependant, quant aux principes, en contradiction avec les arrêts rendus par ces cours.

En effet, les motifs de l'arrêt de la cour d'Aix n'induisent point à penser que le privilége des fournisseurs doive indistinctement prévaloir sur les droits de celui qui a commandé la construction, et vice versd. Il est facile de voir que cette cour s'est rattachée aux circonstances particulières de la cause, et qu'elle s'est déterminée, à raison de ces circonstances, à concéder au sieur Portanier le privilége qu'il réclamait pour sa fourniture.

Cela démontre que la cour d'Aix, sans poser le principe, en thèse générale, a accueilli l'exception que la cour de Ronen elle-même a indiquée, lorsqu'après avoir rejeté le privilége réclamé sur le navire, contre celui qui en avait commandé la construction, en se fondant sur l'art. 1798 du code civil combiné avec l'art. 191, n° 8, du code de com→ merce, elle ajoute que « la règle de l'art. 1798 pourrait néanmoins fléchir si, par la dissimulation du tiers qui aurait mis l'entrepreneur en œuvre, ou si, par les autres circonstances, les fournisseurs et ouvriers avaient eu juste raison de croire que le constructeur les employait à sa propre chose, p

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