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commerciales et sur les actes y relatifs? (Rés. aff.)

En conséquence, ces tribunaux sont-ils compétens pour juger un acte portant dissolution d'une société de commerce et cession à forfait de droits sociaux par un associé à son co-associé? (Rés. aff.)

E

(Mery contre Hardy.)

Le 1er décembre 1825, une société de commerce, en nom collectif, est contractée à Marseille, entre le sieur Mery aîné, les sieurs Hardy ainé et cadet, sous la raison Hardy atné Mery fils et compagnie, et pour un terme de cinq ans.

Le sieur Mery devait verser une somme de 50,000 fr. pour mise de fonds : le sieur Hardy aîné devait verser celle de 40,000 fr.: quant au sieur Hardy cadet, il ne devait fournir que son travail et il avait un intérêt de 12 et demi pour

cent.

Le 12 août 1826, les parties signent un acte portant que la société sera dissoute, advenant le 31 décembre, même année, et par lequel le sieur Mery cède à forfait aux sieurs Hardy frères tous ses droits dans la société et sur les facultés sociales alors existantes ou qui existeraient à l'époque du 31 décembre, qui était celle de la dissolution.

Cette cession est consentie par le sieur Mery

:

moyennant le remboursement des sommes par lui versées dans la société, soit à titre de mise de fonds, soit en compte courant; mais il est à remarquer que ces sommes ne sont point déterminées dans l'acte il est dit seulement qu'elles seront payées, le 31 décembre, sur l'actif de la société, et, à défaut, sur les biens personnels des sieurs Hardy, avec intérêts à 5 pour cent, et que le sieur Mery se réserve, jusques au remboursement, ses droits, priviléges et revendication sur les biens de la société.

Le 3 janvier 1827, le sieur Mery fait assigner les frères Hardy devant le tribunal de commerce de Marseille : il demande condamnation, 1° pour la somme de 48000 fr., montant des versemens par lui faits dans la société; 2° pour la somme de 2430 fr., montant des intérêts calculés jusques au 31 décembre 1826.

Les frères Hardy déclinent la juridiction du tribunal de commerce: ils soutiennent qu'il y a lieu de renvoyer les parties devant des arbitres : ils fondent leur exception sur l'art. 51 du code de commerce, qui porte:

<< Toute contestation entre associés, et pour raison de la société, sera jugée par des arbitres. »

La disposition de cet article, disent-ils, est générale autant qu'impérative: elle doit recevoir application dans l'espèce actuelle, puisque la réclamation est formée par un associé contre

ses co-associés, et à raison d'un versement effectué dans une société reconnue de part et

d'autre.

On objecte que l'acte du 12 août 1826 a opéré la dissolution et la liquidation de la société; que, par suite, il n'y a plus d'associés; que, par suite encore, il n'y a pas lieu d'instituer un tribunal arbitral.

Mais, en premier lieu, cet acte est le fruit de l'erreur à l'époque où il a été souscrit, la société avait éprouvé des pertes considérables : le fonds capital était absorbé et au delà : les associés n'avaient donc rien à recevoir. Le pacte qui alloue au sieur Mery son entière mise de fonds, plus les intérêts de cette mise, est donc un pacte léonin, et il ne saurait être maintenu.

En second lieu, ce pacte doit être jugé par des ar bitres; car, il est intervenu entre associés et à raison de la société.

En troisième lieu, la société n'a point cessé au 12 août 1826: elle a duré jusqu'au 31 décembre de la même année. Et la preuve, c'est que le sieur Mery a fait réserve de tous ses droits sur les facultés sociales jusques à son entier remboursement. La preuve encore, c'est qu'il a conservé le pouvoir de signer pour la société. La preuve enfin, c'est que l'acte porte textuellement que société sera dissoute, advenant le 31 décembre 1826.

la

Or, si le sieur Mery a continué d'ètre associé, malgré la cession à forfait, l'acte qui contient cette cession est privé de toute influence, en ce qui concerne la juridiction, et les parties demeurent soumises à l'empire de l'art. 51 du code de commerce. La conséquence est forcée.

En quatrième lien, si nous supposons même la validité de l'acte du 12 août 1826, nous arriverons au même résultat. En effet, la somme à rembourser au sieur Mery n'est pas déterminée. Les frères Hardy ont seulement pris l'engagement de lui payer le montant des sommes par lui versées dans la société. Ainsi, rien de liquide pour le sieur Mery il y a donc nécessité de recourir aux livres : sociaux, de dresser et d'apurer un compte. Et tout cela rentre dans le domaine de l'arbitrage. Et tout cela doit demeurer étranger aux tribunaux de commerce, soit parce qu'il s'agit d'une comptabilité à régler, soit parce que la publicité des audiences entraînerait la divulgation des affaires sociales, divulgation que le législateur a voulu proscrire en créant un tribunal de famille.

Le sieur Mery répond:

La cession à forfait de mes droits a fait cesser la société, et la somme que je réclame est le prix de la cession.

Il faut donc écarter toute idée de liquidation sociale, et, par conséquent, l'application de l'art. 51 du code de commerce.

Je conviens que l'acte du 12 août 1826 ne fixe pas la quotité précise de la somme qui doit m'être remboursée, et qu'il exprime simplement et généralement les sommes versées dans la société; mais toute incertitude est levée, à cet égard, 1° par un bordereau signé par le sieur Hardy; 2o par le compte établi au grand livre dont l'apport peut être ordonné.

L'attaque dirigée contre l'acte portant cession à forfait ne saurait motiver le renvoi devant arbitres. Cet acte subsiste tant qu'il n'est pas annulé, et l'annulation doit nécessairement précéder le renvoi.

Les réserves faites par le sieur Mery de ses droits et priviléges sur les facultés sociales, celle de signer pour la société jusques au 31 décembre 1826, enfin la continuation de la société jusques à la mème époque, sont autant de circonstances indifférentes et qui ne détruisent ni la cession, ni le forfait.

Enfin la société a bien continué jusques au 31 décembre, mais pour compte des frères Hardy, à leur profit, comme à leurs risques, péril et fortune.

JUGEMENT.

« Considérant que l'acte dont le sieur Mery réclame aujourd'hui l'exécution contient deux dispositions essentielles et distinctes, l'une desquelles dissout la société qui avait existéntre les parties, et l'autre procède à la liquidation de cette société;

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