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La circonstance d'un pareil chargement et de la construction d'une cabane sur couverte était assez grave pour influer, dans l'esprit des assureurs, sur l'opinion du risque. Elle n'aurait donc pas dû leur être dissimulée.

En second lieu, le capitaine Sardi a commis les fautes les plus lourdes et les plus graves, en négligeant les manœuvres nécessaires et qui étaient à sa portée pour sauver le navire.

Ce fait est prouvé par l'enquête prise, les 4, 5 et 6 avril 1826, par le cominandant de la marine à Mahon.

Le procès verbal de cette enquête contient les réponses affirmatives faites par le commandant et le portier du lazaret de Mahon, et par des marins qui faisaient partie de l'équipage de la chaloupe de secours, à seize questions que les assu

reurs leur avaient fait adresser.

Il résulte de ces réponses:

1° Que le capitaine Sardi, après avoir jeté l'ancre à l'entrée du port de Mahon, aurait pu, de cette situation et en allégeant le navire, mettre à la voile et se porter au sud de l'ile où il aurait été à l'abri du vent qui régnait, et aurait évité le naufrage.

2o Que les marins de la chaloupe de secours avaient remarqué que sur le pont du navire se trouvait une cabane où l'on avait logé huit ânes et les provisions pour leur nourriture;

3° Que ces marins avaient donné au capitaine

Şardi tous les secours qu'il demandait; qu'ils lui avaient indiqué le signal qu'il aurait à faire, en cas de nouvelle détresse, et que le capitaine avait abandonné le navire sans avoir donné le signal.

Or, cela étant, le capitaine a fait faute, en ne coupant pas les mâts et en ne débarrassant pas le pont de la cabane qui s'y trouvait, moyen sûr pour alléger le navire et le conduire sans danger audessus de la côte au sud de l'île.

Il a fait faute, en ne donnant pas le signal convenu aux pilotes du pays qui étaient prêts à lui porter de nouveaux secours.

Enfin il a fait faute et faute très grave, en abandonnant son navire, à trois heures de l'après midi, tandis que le naufrage n'a eu lieu qu'à neuf heures du soir; ce qui prouve qu'il a quitté le navire trop tôt et s'est mis dans l'impossibilité de faire les manœuvres qui auraient pu en opérer le salut.

Il est donc bien constant que ces fautes ont occasioné la perte du navire.

Dès-lors, les assureurs, affranchis par la police de toute responsabilité relative aux faits du capitaine, ne peuvent être tenus de cette perte. Le sieur Pagano répond:

L'enquête opposée par les assureurs est insignifiante.

Cette enquête a été faite dans une forme insolite au lieu d'interroger les déclarans sur ce qu'ils savaient de relatif au naufrage du navire

Saint-Joseph et de recevoir leurs dépositions en détail, le magistrat s'est borné à recevoir leurs réponses aux questions proposées au nom des assureurs, réponses pour la plupart purement et simplement affirmatives.

En outre, ces déclarations sont suspectes elles ont été dictées par le ressentiment qu'a dû inspirer aux marins de la chaloupe de secours la plainte portée contr'eux par le capitaine Sardi.

Enfin les attestations des assureurs sont combattues par des attestations contraires et qui sont : 1o Le rapport supplémentaire du capitaine Sardi novembre 1825.

du 29

2o Les déclarations faites, le 5 octobre 1826, devant le magistrat de Gênes par le charpentier et le calfat qui avaient construit la cabane établie sur le pont, et par deux marins de l'équipage du navire Saint-Joseph, déclarations qui établissent que la cabane ne donnait point prise au vent et ne gênait pas la manœuvre; que les provisions destinées à la nourriture des ânes étaient placées dans l'entrepont et non dans la cabane; que, dansun précédent voyage du navire Saint-Joseph en Amérique, le capitaine Sardi avait également transporté huit ânes et avait rapporté des chevaux; qu'enfin lorsque la chaloupe de secours s'approcha du navire, les gens qui la montaient résistèrent à toutes les sollicitations que le capitaine leur fit de venir à son bord pour en prendre la direction.

3o Les déclarations faites à Mahon, le 28 février 1826, par Messire Pons y Villalonga, prêtie; le 3 mars, par le sieur Camoin, et le 4 mars, par le sieur Antoine Pablo, portant que les déclarans ont entendu dire aux divers marins de la chaloupe de secours que le capitaine Sardi avait annoncé être dans la plus grande détresse, qu'il ne connaissait pas la côte et qu'il avait demandé tous les secours dont il avait besoin; qu'un pilote était monté à bord du navire Saint-Joseph pour en prendre la direction, mais soit par défaut d'ordres supérieurs, soit par d'autres motifs, on s'était borné à assurer le navire sur ses trois ancres et à annoncer au capitaine Sardi que, si le temps le permettait, on reviendrait plus tard pour faire entrer le navire dans le port.

que,

De tous ces documens, dit le sieur Pagano, il faut nécessairement inférer, d'une part, que l'existence d'une cabane sur le pont n'était point une circonstance tellement importante qu'elle dût nécessairement être déclarée aux assureurs, au moment de l'assurance, et d'autre part, que le capitaine Sardi ne s'est décidé à abandonner le navire qu'après délibération de son équipage et pour éviter un péril dont l'équipage et lui ont pu bien apprécier toute l'imminence.

seuls

Donc point de reticence, de la part de l'assuré; point de faute, de la part du capitaine, qui puisse affranchir les assureurs du paiement de la perte,

JUGEMENT,

« Attendu que, d'après l'art. 348 du code de commerce, pour qu'il y ait réticence capable de faire annuler l'assurance, il faut que l'assuré ait dissimulé quelque chose qui ait influé sur l'opinion du risque, dans l'esprit des assureurs, si elle leur eût été connue;

» Attendu que, dans l'espèce, les assureurs tirent celle dont ils excipent de ce que le sieur Pagano neveu ne leur a pas déclaré que, parmi les facultés assurées, se trouvaient huit ânes pour lesquels on avait construit sur le pont du navire une cabane qui pouvait donner plus de prise au vent, gêner la manœuvre et augmenter le danger, en cas de mauvais temps;

» Et sur ce, attendu que, d'une part, l'assuré justifie par les déclarations assermentées faites, le 5 octobre dernier, devant le magistrat de Gênes, par le charpentier et le calfat qui avaient construit la cabane et par deux matelots qui ont fait divers voyages à bord du navire le Saint-Joseph, que cette cabane était construite de manière qu'elle ne gênait aucunement la manœuvre et la circulation sur le pont, et que n'étant pas plus élevée que la cuisine et les batteries du navire, elle ne pouvait donner prise au vent; que, d'autre part, l'assuré justifie que lors d'un précédent voyage, le navire avait également porté huit ânes en Amérique et en avait rapporté des chevaux d'où il suit que le navire ayant été disposé pour de pareils transports, et les ayant effectués sans inconvénient, l'assuré n'a pas dû considérer cette cabane comme une chose extraordinaire dont il dût donner connaissance aux assureurs;

:

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» Attendu d'ailleurs que plusieurs navires, et plus particulièrement ceux du nord, ont sur le pont des dunettes élevées de plusieurs pieds au-dessus du bord du navire, sans que cela ait jamais été considéré comme capable d'occasioner le moindre inconvénient, et sans qu'on ait jamais

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