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à l'effet de quoi, le courtier chargé de la vente constatera la qualité des huiles dont il s'agit.

Le sieur Lafont, de son côté, demande que les fins du sieur Guerrero soient rejetées tant par fin de non-recevoir que par défaut d'action.

Le développement donné aux motifs du jugement nous dispense de rapporter l'analyse de la discussion.

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« Les huiles du sieur Guerrero ont-elles éprouvé un dommage dans les piles du sieur Lafont?

» Ce dommage, s'il existe, doit-il être supporté par ce dernier?

Faut-il aussi lui faire supporter le déficit que le sieur Guerrero dit se trouver sur la quantité des huiles déposées? »Telles sont les questions du procès, d'après les conclusions des parties.

» Considérant, sur la première question, qu'on est forcé de reconnaître l'existence d'un dommage; il résulte des faits constatés par le rapport des experts:

» Les piles sous les n° 57 et 60, qui faisaient partie de celles louées au sieur Guerrero, n'avaient pas encore contenu de l'huile. Les parois de ces piles étaient intérieuremeut couvertes d'un enduit composé de chaux et de pozzolane (1), enduit utile, sans doute, puisqu'il est employé dans toutes les constructions de ce genre; cet enduit est tombé dans les deux piles dont il s'agit, par l'effet inévitable du séjour des huiles du sieur Guerrero, pendant plus de deux années; ce mélange de chaux et de pozzolane dans les huiles en a altéré la qualité; cette altération et la nécessité d'extraire l'huile, par l'effet

(1) Sable des environs de Pouzzol en Italie.

de l'ébullition, des matières étrangères qui s'en sont pénétrées, constituent le dommage;

» Ce dommage doit-il être mis à la charge du sieur Lafont?

» Considérant que cette question sera facile à résoudre, si on fait attention à la cause du dommage, aux usages du commerce, et même à des arrangemens antérieurs qui ont eu lieu entre les parties pour une autre location de piles;

» 1o La cause du dommage n'est point, il est vrai, dans un vice de construction: les experts nommés l'ont reconnu et ont déclaré que les piles sont aussi bien construites qu'elles pouvaient l'être; mais il n'en est pas moins reconnu qr e dommage a été causé par la chute de l'enduit, c' t-à-dire, par l'état dans lequel se trouvaient les piles 57 et 60;

» 2° L'événement qui donne lieu au procès n'est point nouveau; il est toujours arrivé, et il arrivera toujours que l'enduit qui couvre les parois tombera au bout d'un certain temps qu'on y aura renfermé des huiles, et que les huiles seront altérées par ce mélange. Or, que fait-on, en pareil cas, et quels sont les usages du commerce? Un arrangement facile a lieu entre les propriétaires des piles et celui des huiles; le premier consent toujours à un sacrifice qui n'est jamais bien considérable, parce qu'en effet le préjudice n'est jamais grand; l'huile, il est vrai, a reçu quelque altération, mais elle n'en est pas moins propre à la destination qu'on lui donne. Cette huile s'est confondue avec les matériaux de l'enduit, mais il est facile de l'en extraire par l'effet de l'ébullition. Ainsi, l'obligation de réparer le dommage résultant de la chute de l'enduit ́est ordinairement reconnue, de la part du propriétaire des piles; des contestations de ce genre sont rarement portées devant les tribunaux, et même ne le sont que pour fixer la quotité de la réparation;

3° De ce que des piles qui n'ont jamais contenu des

huiles perdent leur enduit, lorsque, pour la première fois, on y en dépose, et du préjudice que les huiles éprouvent par la chute de cet enduit, il doit s'ensuivre que la première location des piles doit être d'un prix moins élevé; et c'est, en effet, ce que le sieur Lafont a reconnu envers le sieur Guerrero lui-même, dans une location antérieure à celle dont il s'agit aujourd'hui; le prix fut fixé à 20 cent. la millérole par mois, prix réduit, porte le bail, attendu que les piles n'ont pas encore contenu de l'huile : le sieur Guerrero éprouva alors le même genre de préjudice dont il se plaint aujourd'hui, et, comme aujourd'hui, il prétendit une indemnité: des arbitres furent nommés, et l'indemnité fut refusée par le motif qu'elle se trouvait dans la réduction du prix;

» Le sieur Lafont reconnut donc, lors de cette première location, que, pour se soustraire à une réparation, il fallait prévenir le locataire du préjudice qu'il éprouverait, et attendu ce préjudice, réduire le prix de la location: pourquoi n'a-t-il pas fait de même pour la seconde location qu'il a faite au sieur Guerrero? Cet avertissement et cette réduction étaient d'autant plus nécessaires que les piles no 57 et 60 avaient été livrées au commerce depuis plus d'une année; qu'elles avaient eu deux locataires, les sieurs N..... et Tricon, et qu'on ne pouvait supposer. ce qui pourtant était vrai, que ces locataires ne s'étaient jamais servis de ces piles;

» Vainement il a été observé par le sieur Lafont que le prix de la seconde location étant beaucoup au-dessous de celui de la première, on devait croire que ce prix avait été ainsi réglé d'après l'état des piles. Un mot répond à cette observation. A l'époque de la seconde location, la rareté des huiles qui arrivaient de l'étranger avait fait considérablement baisser le loyer des piles, et celui convenu entre les parties ne fut pas au-dessous du cours; ce fait résulte des attestations qui ont été produites;

» Vainement encore le sieur Lafont a observé que le sieur Guerrero avait dû vérifier l'état des piles avant d'en consentir la location. Louer des piles sans vérifier leur état, ne serait qu'une imprudence. Donner des piles à loyer en laissant supposer qu'elles ont déjà contenu de l'huile, serait quelque chose de plus; et, à cet égard, il faut rendre justice au sieur Lafont: il partageait lui-même l'erreur du sieur Guerrero; de ce que ces piles avaient eu des locataires, il concluait, comme ce dernier, qu'elles avaient renfermé de l'huile. Son erreur durait encore lors de l'opération des experts. On le voit dans le rapport de ces experts. Il n'a été détrompé que par son concierge et il s'est empressé d'en faire la déclaration; il était donc, comme le sieur Guerrero, de bonne foi; s'il eût connu l'état des piles n° 57 et 60, il eût fait dans la seconde location ce qu'il avait fait lors de la première; il eût prévenu le sieur Guerrero; il eût traité avec lui pour une réduction des loyers; il se fût mis à l'abri d'une demande en réparation de dommage;

» Considérant que, d'après ces observations, il y a lieu d'ordonner la vente aux enchères, pour le compte du sieur Lafont, des huiles dont il s'agit, en le rendant responsable de la diminution du produit, d'après le cours des huiles de même qualité au jour où la demande a été formée en justice, et en déduisant sur la quantité, en faveur de l'adjudicataire, l'augmentation produite par la présence de corps étrangers, d'après l'évaluation qui en sera faite par deux jaugeurs publics;

» Considérant néanmoins qu'il est juste, en prononçant cette condamnation, de donner au sieur Lafont l'option de se charger lui-même desdites huiles, à la charge par lui de fournir au sienr Guerrero une même quantité d'huile, de la même qualité et au cours de la place, à l'époque de l'introduction de l'instance; qu'il ne peut en résulter pour le sieur Guerrero aucun préjudice; qu'il y trouvera

le même avantage que peut lui présenter la vente aux enchères, et qu'il a reconnu lui-même à l'audience la justice de cette option;

» Sur le second chef des conclusions du sieur Guerrero, tendant à faire prononcer la condamnation contre le sieur Lafont au paiement de la valeur de 27 milléroles et un escandal d'huile qu'il dit se trouver en déficit sur la quantité par lui déposée dans les piles no 5 et 60, considérant qu'il suffit d'exposer les faits pour apprécier cette demande;

Un propriétaire de piles n'est ni présent, ni appelé pour vérifier la quantité des huiles que le locataire dépose dans ces piles: ces piles sont voûtées et leur partie supérieure ne présente à l'introduction des huiles qu'un espace assez resserré, construction qui a l'avantage de rendre plus sensible la diminution qui peut s'opérer dans les huiles par une perte quelconque, et comme il importe de reconnaître cette perte aussitôt qu'elle existe, c'est un usage établi parmi les propriétaires des huiles de vérifier, une fois par semaine, si elles ont éprouvé quelque diminution, à l'effet d'en arrêter le cours, vérification qui a lieu au moyen d'un instrument qui rend sensible la moindre perte;

» Ces piles sont fermées par un cadenat à deux clefs, dont l'une est remise à la douane et l'autre reste au

propriétaire;

Dans cet état des choses, comment la diminution dont peut se plaindre le propriétaire des huiles pourrait-elle être mise à la charge du propriétaire des piles, lorsqu'il est constaté et reconnu que ces piles sont construites comme elles devaient l'être et que la prétendue perte ne peut provenir d'un vice de construction?

» Comment le propriétaire pourrait-il répondre d'une quantité qu'il n'est point appelé à vérifier?

>> Comment la perte, par son fait ou le fait de ses em ployés, serait-elle possible, lorsque les piles sont tou

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