Images de page
PDF
ePub
[blocks in formation]

L'absence de la déclaration prescrite par l'art. 379 du code de commerce emporte-t-elle la nullité de l'acte d'abandon? (Rés. nég.)

L'absence de cette déclaration n'a-t-elle d'autre que de suspendre la poursuite en paiement de la perte? (Rés, aff.)

effet

En matière d'assurance et lorsqu'il s'agit de sinistre majeur, le genre et le caractère des preuves sont-ils limitativement déterminés par la loi? (Rés. nég.)

Le

genre et le caractère des preuves sont-ils, au contraire, abandonnés à l'arbitrage et à la prudence des tribunaux? (Rés. aff.)

En conséquence, les assureurs doivent-ils être condamnés au paiement de la perie, nonobstant que le capitaine n'ait fait aucun consulat, au temps et au lieu du sinistre, si d'ailleurs il a fait postérieurement et en d'autres lieux des

consulats ou déclarations dont la véracité ne soit ou ne puisse être contestée? (Rés. aff.)

(Ruello contre Louis Despine et compagnie. ).

LE 8 avril 1819, police souscrite à Saint-Malo par laquelle la compagnie d'assurances de Louis

T. VIII. - 2me P.

6

Despine, établie à Marseille, assure au sieur Ruello une somme de 20,000 fr. sur facultés consistantes en toiles de Bretagne et en beurre, chargées à bord du navire la Victoire, capitaine Leverger, en destination pour Buenos-Ayres.

Le 1er mai, le navire part de Saint-Malo.
Le 2 juillet, il arrive à Rio Janeiro.

Le 4 août, il mouille à Sainte-Cathérine.
Le 10 août, il se dirige sur Montévideo.

Le 27,

il est jeté sur la barre de Rocha, rivière de la Plata, et il naufrage.

Le capitaine Leverger ne fait aucun consulat à Rocha.

Postérieurement et après un laps de trente-trois jours, le capitaine, avec le concours de l'équipage, rédige un acte déclaratif du sinistre à Maldonado, et, le 8 octobre, cette pièce y est légalisée par la chambre capitulaire.

Le 16 octobre, le capitaine fait un nouveau rapport au greffe du tribunal de commerce de Montévideo, et ce rapport est signé par quatre marins du bord.

Le 18 octobre, il annonce l'événement au sieur Ruello.

Le 4 mars 1820, délaissement est signifié à la compagnie d'assurances de Louis Despine.

Le 3 août, cette compagnie paie provisoirement une somme de 4000 fr.

Le 19 septembre 1821, des arbitres sont nommés pour statuer sur les contestations élevées entre l'assuré et la compagnie d'assurances.

Le 5 février 1823, les pouvoirs des arbitres sont renouvelés.

La compagnie de Louis Despine soutient que l'abandon est non-recevable, parce qu'il n'a pas été accompagné de la déclaration des autres assurances prises sur les facultés assurées par la police du 18 avril 1819.

Elle soutient, en outre, que le sinistre n'est pas suffisamment justifié, parce que le capitaine Leverger n'a fait aucun consulat à Rocha, lieu du naufrage allégué, et que les consulats postérieurement faits à Maldonado et à Montévideo sont tardifs, suspects et nuls.

JUGEMENT ARBITRAL.

[ocr errors]

<< Considérant que si le code de commerce, par son article 379, impose à l'assuré l'obligation de déclarer, en faisant le délaissement, toutes les assurances qu'il a faites ou fait faire, le défaut de cette déclaration n'eme porte point la nullité du délaissement et ne produit d'autre effet que de suspendre le délai dans lequel l'assuré peut exiger le paiement de la somme lui revenant, délai qui ne devient utile qu'au moment où il régularise et complette ce délaissement par la déclaration prescrite;

» Qu'effectivement déclarer nul l'acte d'abandon, en cette circonstance, ce serait ajouter à la sévérité de la loi et créer une nouvelle disposition pénale dont l'énormité serait hors de rapport avec la faute;

[ocr errors]

Que si la peine infligée à l'assuré lui cause préjudice,

en le privant des intérêts d'un capital non exigible, it dépend de lui de s'en affranchir en se conformant au vœu de la loi;

» Que la disposition finale de cet article, loin de contrarier cette interprétation, vient, au contraire, la confirmer; qu'il ressort véritablement de ses expressions que le législateur, après avoir fixé le délai dans lequel, suivant l'occurrence, l'assuré, devait effectuer le délaissement, à peine de déchéance, et avoir déterminé la forme de cet acte, avec les énonciations qu'il devait contenir, afin d'éclairer les assureurs sur leur position, dit à cet assuré que, quels que soient les lieux où il a fait commettre les assurances ou pris à la grosse, quelles que soient les difficaltés qu'il aurait à surmonter pour se procurer les renseignemens nécessaires, qu'en un mot, quels que soient les prétextes allégués, il ne pourra se prévaloir des obstacles qu'il rencontrerait pour obtenir une prorogation et excéder le délai imparti, relativement au voyage;

» Qu'en notifiant son délaissement, le 4 mars 1820, l'assuré Ruello a agi utilement, a opéré dans le cercle légal et a ainsi rendu valable au fond ce délaissement, quoiqu'incomplet dans la forme; qu'il n'a pu, à la vérité, exiger immédiatement le paiement de la somme à lui due; qu'il n'a 'pu, dès-lors, réclamer les intérêts de cette somme jusqu'à ce qu'il eût entièrement obéi à la loi, c'est-à-dire, qu'il eût donné la satisfaction exigée; que conséquemment les déclarations propres à régulariser le délaissement, dans la forme, n'ayant été faites que le 30 octobre 1821, date du mémoire remis à la compagnie contenant son récépissé équivalant à signification, ce n'est qu'à partir de ce jour, 30 octobre, qu'il s'est trouvé en mesure de réclamer utilement, que le délai du paiement s'est ouvert à son profit et que les intérêts ont cessé de courir ( sur les sommes versées par anticipation par la compagnie d'assurances );

Considérant que s'il est de l'essence du contrat d'assurance que Fassuré soit tenu de prouver la perte, on ne

peut raisonnablement exiger que les actes justificatifs de cette perte soient soumis à une forme particulière; qu'encore bien que la déclaration faite à l'autorité locale soit la plus régulière et que le capitaine qui, dans le cas de possibilité, néglige de la faire, rende sa conduite suspecte, néanmoins lorsqu'il n'existe aucun soupçon de fraude, l'absence de ce genre de preuve ne peut être efficacement invoquée, lorsqu'elle est suppléée par des documens propres à fixer sur la réalité de la perte;

» Que cette preuve, ainsi que l'atteste Emérigon, d'après divers auteurs qui ont traité la matière d'assurance, n'est assujétie à aucune forme nécessaire et de rigueur; qu'il suffit que la perte soit constatée d'une manière capable de convaincre tout homme raisonnable, sans qu'on ait absolument besoin de recourir à des formalités extrinsèques qui, par les circonstances des temps, des lieux et des personnes sont souvent impraticables;

Que si l'article 246 (du code de commerce) impose au capitaine naufragé l'obligation de faire son rapport devant le juge du lieu, cette disposition n'est point tellement rigoureuse que son inobservation puisse priver l'assuré de toute autre justification; qu'aussi le législateur n'a-t-il considéré comme incapable d'être admis et de faire foi que le rapport non vérifié, c'est-à-dire, attesté sincère par les gens de l'équipage; qu'ainsi, l'oubli ou la négligence du capitaine de faire un rapport à Rocha est sans influence, puisqu'aussitôt dégagé des embarras du sauvetage et de la vente et trente-trois jours après le sinistre, l'équipage, s'unissant à ce capitaine, concourut à la rédaction d'un acte déclaratif du sinistre, acte qui, le 8 octobre, fut soumis à la chambre capitulaire de Maldonado pour obtenir la légalisation des signatures y apposées; que cette décla ration, dont la véracité n'est pas contestée, suffirait seule pour attester le naufrage; que néanmoins et surabondamment le capitaine fit, le 16 du même mois, au greffe du tribunal de commerce de Montévideo, un nouveau rapport

« PrécédentContinuer »