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ni l'ambition, ni les intrigues de la politique, ni les fureurs guerrières; ils n'offrent qu'un intérêt naïf et doux, qui plaît aux cœurs jeunes et purs. L'églogue est née chez les Grecs; il est naturel de penser que l'églogue dialoguée leur est due.

Avant le Tasse on avait fait quelques heureux essais du drame pastoral; le prince Coreggio, au quinzième siècle, avait composé Céphale et l'Aurore; le comte Castiglione, auteur d'un livre intitulé le Courtisan, avait fait réciter en stances mêlées de canzoni Tircis. La première pastorale qui offrit une action dramatique, fut composée par Tausillo, en Sicile, pour les fêtes que donna don Garcie de Tolède, en 1529, à Messine. Neuf ans après, l'Alberto Lollio fit représenter à Ferrare l'Arétusa. Enfin le Tasse perfectionna ce genre gracieux, et donna son Aminte, parfait modèle du genre pastoral; son plan principal est d'une grande simplicité, et d'autant plus simple que tout ce qui est action se passe en récits ou en dialogue. Les bergères sont les filles des fleuves ou des dieux champêtres, et les heureux bergers s'occupent plus de leurs sentimens que de leurs troupeaux; leur langage se ressent de leur divine origine. L'admiration, l'enthousiasme pour cet ouvrage furent générales; le style en est enchanteur; on n'a jamais déployé plus d'harmonie, de douceur et de grâce,

De faibles imitateurs n'offrirent que de fades pastorales: il n'appartenait qu'à Battisto Guarini d'égaler l'Aminte dans son Pastor fido (le berger fidèle), qu'il fit paraître en 1590, avec un succès universel.

Guarini, après une vie agitée par des causes

étrangères à son goût et à son génie, mourut à l'âge de soixante-quatorze ans, en 1612.

Le Pastor fido fut représenté à Ferrare, à Venise, à Mantoue; les éditions s'en multiplièrent à l'infini. Le sujet participe du tragique et du comique, de l'héroïque et du villageois. Ce genre n'est pas régulier, mais s'il suffit de plaire pour avoir bien fait, Guarini a fait mieux que tous les autres, malgré ce que peuvent lui reprocher la raison dans le plan, et le bon goût dans le style. L'Aminte est restée audessus du Pastor fido, parce qu'elle est un véritable drame pastoral, qu'elle renferme une suite de sentimens doux et champêtres, d'expressions heureuses, tandis que le Pastor fido est idéal et fantastique. Le drame pastoral est une richesse littéraire de plus, qui appartient en propre à l'Italie.

Nous finirons ce qui concerne le seizième siècle par citer Gabriel Chiabrica, né à Savonne en 1552, mort en 1637, et qui rendit à l'ode sa forme antique; Jean Marini, dont Rousseau rapporte souvent les vers dans le plus immoral et le plus dangereux de ses ouvrages. Marini corrompit le vrai goût italien, et s'engagea faussement dans des disputes mythologiques. Son Adonis, poème en vingt-deux chants, de trois cents à cinq cents octaves, est une espèce de poème héroïque et romantique. Le poète, plus empressé de peindre que de raconter, traite chacun de ses chants comme un petit poème, et lui donne un titre. En faisant le choix d'un tel sujet, le chevalier Marini (ce titre lui avait été donné par Emmanuel) se privait de tout intérêt, mais il voulait être le poète de l'esprit; aussi on y trouve les antithèses, les oppositions de mots, les images

brillantes, tout ce qui arrête, qui étonne, qu'on admire souvent avant de comprendre, et qu'on trouve faux après l'avoir compris.

Ce mauvais goût eut du succès chez toutes les nations, et Marini a joui long-temps d'une grande réputation; il fut même admiré en France, et y eut des imitateurs.

Parmi quelques poèmes héroï- comiques, on distingue celui de la Secchia rapita, d'Alexandre Tassoni, de Modène (le Seau enlevé). Pendant la guerre entre les Modénois et les Bolonais, au milieu du treizième siècle, quelques guerriers Modénois enlevèrent de la ville de Bologne le sceau d'un puits, qu'ils portèrent en triomphe dans leur ville, où ils le conservent encore aujourd'hui, sous plusieurs clefs, dans la cathédrale. Le dépit des Bolonais d'avoir laissé un tel trophée dans les mains de leurs ennemis, leurs efforts pour le retrouver, ont inspiré à Tassoni un poème épique burlesque, de douze chants. On ne peut refuser à ce poète de la gaîté et même de la grâce, quelquefois une noblesse épique et de brillantes couleurs. Le Scherno de gli Dei (la Moquerie des Dieux), de François Bracciolini de Pistoia, parut en même temps que la Secchia rapita; c'est un poème héroï-comique, dans lequel la mythologie est travestie, et les dieux parlent une langue basse et vulgaire. Il parut encore deux épopées burlesques, Malmantile raquistato de Lorenzo Lippi, et le Torracchione desolato de Paolo Minulli; le premier a pour sujet la conquête du château de Malmantie, et malgré son succès éphémère on ne peut en rien citer qui mérite de l'être; l'un et l'autre sont écrits dans le plus bas florentin. L'académie de la

Crusca travaillait alors à un dictionnaire, et s'était donné une peine infinie pour conserver ce bas langage; ce qui excitait des querelles littéraires entre les Toscans et tout le reste des littérateurs italiens.

ΤΟ

DIX-HUITIÈME SIÈCLE.

L'OPÉRA ET MÉTASTASE.

La naissance de l'opéra en Italie est un évènement qui contribua à la gloire du dix-septième siècle. L'éclat de la littérature et du dessin s'était évanoui. Michel-Ange était contemporain. de l'Arioste; ses élèves avaient fleuri avec le Tasse; le génie avait cessé de s'expliquer avec les uns et les autres. La musique vint remplacer les autres arts : une belle voix, une belle manière de chanter, est la seule chose qui tire aujourd'hui les Italiens de leur apathie.

Il est probable que dès le renouvellement de l'art dramatique, la musique fut souvent unie aux représentations théâtrales. Dans toutes les tragédies on avait introduit des chœurs à la manière des Grecs; les pastorales étaient mêlées de chants, mais jusquelà, la musique n'était qu'accessoire.

Les Italiens sont admirablement organisés pour la musique. En 1594, Octave Rinuccini, Florentin, s'associa avec trois musiciens, Péri, Jacob Corsi, et Caccini; de concert ils composèrent un drame mythologique, où tous les beaux-arts devaient se réunir; ils ne négligèrent point le prestige des décorations, des machines, de sorte que tous les sens furent frappés à-la-fois; ils unirent le récitaf au chant, et il n'y eut plus rien de parlé dans l'opéra.

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