Images de page
PDF
ePub

TITRE III.

Des crimes et des délits contre la foi publique,

II

EXPOSÉ DES MOTIFS

ou Rapport fait, au nom de la commission du gouvernement, par M. J.-J. HAUS, et adressé à M. le ministre de la justice.

SOMMAIRE ANALYTIQUE.

1. Division du titre III. Justification de son intitulé.

CHAPITRE [er. DE LA FAUSSE MONNAIE.

20. Art. 196 et 197 (182 et 183 du code). Usage frauduleux des marques apposées par le bureau de garantie, des timbres contrefaits.

2. Sens du mot monnaie, dans le présent chapitre. Le papier- | 21. Art. 198 et 199 (184 et 185 du code). Contrefaçon des coumonnaie n'y est pas compris.

3. Conditions des crimes de contrefaçon ou d'altération des monnaies.

4. Tentative de ces crimes. Participation à l'émission.

5. Fraude dans le choix des échantillons destinés à la vérification du titre des monnaies.

6. Peines que comporte le crime de fausse monnaie. Idées erronés répandues sur ce crime.

7. Suite. Caractère de ce crime.

8. Suite. Dispositions des codes d'Allemagne.

9. Art. 179 (160 du code). Contrefaçon de monnaie. Conditions. 10. Art. 180 (161 du code). Altération de monnaies.

11. Art. 181 (162 et 163 du code). Contrefaçon et altération de monnaies d'autre métal que l'or et l'argent. Tentative de contrefaçon.

pons servant au transport des personnes ou des choses, des timbres ou marques d'une autorité ou d'un établissement privé, de banque, d'industrie, etc.

22. Art. 200, 201 et 202 (188, 189 et 190 du code). Contrefaçon et usage de timbres-poste contrefaits.

23. Art. 205 (191 du code). Usage frauduleux du nom d'un fabricant ou d'une raison commerciale.

Disposition commune aux trois chapitres précédents,

24. Art. 204 (192 du code). Impunité accordée aux révélateurs. CHAPITRE IV. DU FAUX COMMIS EN ÉCRITURES ET DANS LES DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES.

25. Art. 205 (195 du code). Conditions essentielles de la criminalité des faux en écritures.

12. Art. 182, 183, 184 (164, 165, 166 et 167 du code). Contrefaçon 26. Distinction entre les faux commis par les fonctionnaires et altération de monnaies qui n'ont pas cours légal en Belgique.

13. Art. 185 (168 du code). Participation à l'émission de monnaies contrefaites ou altérées.

14. Art. 186 (169 du code). Émission sans participation coupable avec les faussaires. Art. 187 (170 du code). Remise en circulation de pièces contrefaites reçues pour bonnes. Suppression des art. 156 et 137 du code pénal de 1810.

[blocks in formation]

publics dans l'exercice de leurs fonctions, et les faux commis par des particuliers. Pourquoi le législateur n'admet pas la distinction du code français, tirée de la nature des écritures.

27. Justification de la réduction des peines proposée pour les crimes de faux en écritures.

28. Quand le crime de faux en écritures est censé consommé. SECTION Ire. - Des faux en écritures authentiques et publiques, en écritures de commerce ou de banque et en écritures privées.

29. Art. 206 (194 du code). Faux commis par des fonctionnaires publics. Sens des termes désignant les moyens de faux, dans cet article. Art. 207 (195 du code). Suite. Suppression du mot frauduleusement, que le code de 1810 employait dans l'incrimination du faux intellectuel. Motifs. 30. Art. 208 (196 du code). Faux en écritures commis par des particuliers. Explication des termes désignant les moyens de faux compris dans cet article.

31. Art. 209 (n'a pas passé dans le code). Abus de blanc seing. 32. Art. 210 (197 du code). Usage de la pièce fausse. Crime distinct du faux.

18. Art. 191, 192, 193 (176, 177, 178 du code). Participation à
l'émission des effets émis par le trésor public. Émission SECTION II.
sans participation coupable. Remise en circulation d'effets
reçus comme bons.

CHAPITRE III. DE LA CONTREFAÇON OU FALSIFICATION DES SCEAUX,
TIMBRES, MARTEAUX, POINÇONS ET MARQUES.

Des faux commis dans les passe-parts, feuilles de route et certificats.

33. Pourquoi les faux compris dans cette section forment une catégorie particulière.

34. Art. 211 (198 du code). Falsification de passe-port, port d'armes, livret.

19. Art. 194 et 195 (179, 180 et 181 du code). Contrefaçon du sceau de l'État. Contrefaçon des timbres nationaux, poin- 35. Art. 212 et 213 (199 et 202 du code). Usurpation d'un nom supposé ou d'une fausse qualité dans un passe-port, etc.

cons, etc.

Délivrance coupable, par un fonctionnaire, d'un passeport, port d'armes ou livret.

36. Art. 214, 215 et 246 (200, 201 et 202 du code). Falsification d'une feuille de route. Usurpation d'un nom supposé ou d'une fausse qualité pour se faire délivrer une feuille de route. Délivrance coupable, par un fonctionnaire, d'une feuille de route.

37, Art. 217 et 218 (203 et 204 du code). Certificats de maladies ou d'infirmités. Fabrication. Délivrance coupable, par un médecin, chirurgien, etc.

38. Art. 219 (205 du code). Certificats de bonne conduite, d'indigence, etc. Fabrication sous le nom d'un fonctionnaire public.

39. Art. 220, 221, 222 et 225 (206, 207, 208 et 209 du code). Certificats de toute nature pouvant compromettre des intérêts publics ou privés. Falsification. Délivrance coupable. 40. Art. 224 (n'a pas passé dans le code). Certificat écrit frauduleusement sur un blanc seing. Art. 225 (210 du code). Logeurs et aubergistes. Inscriptions, sous des noms faux ou supposés, des personnes logées chez eux.

SECTION III.-Des faux commis dans les dépêches télégraphiques. 41. Art. 226 (211 et 212 du code). Fabrication ou falsification de dépêches télégraphiques. Art. 227 (n'a pas passé dans le code). Réserve de peines plus fortes en cas de faux en écritures commis par des employés du service télégraphique, dans l'exercice de leur emploi.

Dispositions communes aux quatre chapitres précédents.

42. Art. 228 (213 du code). Condition essentielle de la criminalité de l'usage des pièces, effets, etc., écrits, dépêches contrefaits, fabriqués ou falsifiés.

43. Art. 229 (214 du code). Amende applicable dans tous les cas de faux prévus aux quatre chapitres précédents.

CHAPITRE V. DU FAUX TÉMOIGNAGE, DU FAUX SERMENT ET DES FAUSSES EXCUSES ALLÉGUÉES POUR S'AFFRANCHIR D'UN Service du LÉGALEMENT.

44. Caractères généraux du faux témoignage et du faux serment. 45. Art. 230 et 251 (215 et 216 du code). Faux témoignage en matière criminelle.

46. Art. 232 (217 du code). Fausses déclarations faites par des personnes appelées en justice pour donner de simples renseignements.

47. Art. 233 (221 du code). Fausses déclarations données par des interprètes ou des experts.

48. Art. 254, 255, 236 et 257 (218, 219, 220 et 222 du code). Fau témoignages en matière correctionnelle et de police et en matière civile. Peine accessoire de l'interdiction.

49. Art. 238 (223 du code). Subornation de témoins. Caractère de ce fait.

50. Art. 239 (224 du code). Faux témoignage, fausses déclarations, accompagnés de dons ou de promesses.

51. Art. 240 (226 du code). Faux serment en matière civile. 52. Art. 241 (n'a pas passé dans le code). Refus d'un service dù légalement. CHAPITRE VI.

DE L'USURPATION DE FONCTIONS, DE TITRES OU
DE NOMS.

55. Art. 242 (227 du code). Immixtion dans des fonctions publiques, civiles ou militaires.

54. Art. 243 (228 du code). Port, sans droit, d'un costume, d'un uniforme, d'une décoration.

55. Art. 244 (229 du code). Port, sans autorisation, de la décoration d'un ordre étranger.

56. Art. 245 (230 du code). Attribution, sans droit, de titres de noblesse.

57. Art. 246 (231 du code). Usurpation de nom.

TITRE III.

TEXTE DU RAPPORT (1).

des crimes et des délits contre la foi publique.

1. Le présent titre, dont la rubrique est empruntée aux codes d'Italie, se divise en sept chapitres : Le premier traite de la fausse monnaie;

Le second est relatif à la contrefaçon des effets publics et des billets de banques autorisées par la loi;

Le troisième a pour objet la contrefaçon des sceaux, timbres, marteaux, poinçons et marques;

Le quatrième concerne le faux en écritures authentiques et publiques, en écritures de commerce ou de banque et en écritures privées;

Le cinquième comprend les faux commis dans les passe-ports, feuilles de route et certificats;

Le sixième réprime le faux témoignage, le faux serment et l'allégation de fausses excuses par les jurés ou les témoins;

Enfin, le septième chapitre punit l'usurpation de fonctions, de titres ou de noms.

Les faits dont il est question dans le présent titre sont généralement des crimes ou des délits contre la foi publique. Il est vrai que le faux en écriture privée n'a pas ce caractère; mais nous ne pouvions nous dispenser d'en parler ici, sans mutiler la matière qui fait l'objet du troisième chapitre. Si, en effet, sous le prétexte d'une régularité systématique, le législateur

(1) Annales parlementaires, 1857-1838, p. 646.

[blocks in formation]

2. Le crime réprimé par le présent chapitre a pour objet des monnaies, c'est-à-dire des pièces de métal frappées au coin de l'autorité souveraine, et destinées par la loi ou par l'usage à déterminer le prix des choses qui sont dans le commerce.

Les monnaies sont des pièces de métal. Il s'ensuit que ce qu'on appelle papier-monnaie, c'est-à-dire les billets du trésor, qui représentent la monnaie et qui ont cours, ne forment point l'objet du crime en question. La contrefaçon ou la falsification de ces sortes de billets constitue un crime sui generis, qui est puni par les art. 189 et 190 du présent titre (173 et 174 du code.)

Une pièce de métal n'est réputée monnaie que lorsqu'elle porte le coin ou l'empreinte, soit en tout, soit en partie, du souverain dont elle émane. Si elle n'a pas eu d'empreinte ou si elle n'offre plus de trace de l'empreinte qu'elle avait reçue, cette pièce n'a qu'une valeur intrinsèque. Il en résulte que celui qui aurait fabriqué des pièces fausses ayant la même dimension que les pièces véritables, mais ne portant aucune empreinte, ne se rendrait pas coupable du crime de fausse monnaie, quoiqu'il ait eu l'intention de les

faire passer pour des pièces usées par l'usage; il commettrait une escroquerie ou une tentative d'escroquerie, s'il les émettait ou tentait de les émettre (1). Par la même raison, on ne commet point le crime de fausse monnaie en contrefaisant ou en altérant des médailles, des jetons ou des monnaies de fantaisie, telles que les monnaies obsidionales, les monnaies qui circulent dans les prisons, etc.; quand même ces sortes de monnaies, ces jetons ou ces dailles seraient frappés au coin du souverain.

4. La tentative du crime de fausse monnaie doit être appréciée d'après les règles générales. Or, pour qu'il y ait tentative, il faut un commencement d'exécution des actes constitutifs du crime. En conséquence, la seule fabrication d'instruments destinés à contrefaire ou à altérer des monnaies ne forme pas une tentative du crime de fausse monnaie. A la vérité, le décret du 27 brumaire an I décide le contraire remé-lativement aux faux en papier-monnaie. Mais ce décret de la Convention a été abrogé par l'art. 484 du code pénal. On doit en dire autant du décret impérial du 24 avril 1808, qui assimile au crime de fausse monnaie l'établissement du balancier pour la fabrication de la monnaie du pays, fait ailleurs que dans l'hôtel des monnaies à Paris. D'ailleurs, ce décret inconstitutionnel est, en tout cas, aboli par suite de la séparation des provinces belges d'avec la France.

En effet, pour pouvoir être considérées comme monnaies, il faut que les pièces soient destinées à fixer le prix des choses qui sont dans le commerce, c'est-à-dire qu'elles aient cours, soit en vertu de la loi, soit par l'usage.

3. Celui qui a contrefait ou altéré des monnaies, nationales ou étrangères (2), ayant cours légal, c'està-dire cours forcé en Belgique, est puni conformément aux articles 179, 180 et 181 du projet (160, 161, 162 et 165 du code). La contrefaçon ou l'altération des monnaies, nationales (3) ou étrangères, qui n'ont pas cours légal dans le royaume, est réprimée par les articles 182, 185 et 184 du même projet (164, 165, 166 et 167 du code). Mais il faut toujours que la monnaie contrefaite ait cours en Belgique ou en pays étrangers, quand même elle serait adoptée seulement par l'usage, soit chez nous (4), soit ailleurs. Les pièces de monnaie qui n'ont pas cours sont des marchandises que l'on vend et que l'on achète; telles que les monnaies antiques, et généralement toutes les anciennes monnaies qu'on ne peut plus mettre en circulation, ni dans notre pays, ni à l'étranger. Celui qui fabrique de la fausse monnaie de cette espèce, et qui la vend ou tente de la vendre, commet une filouterie dont il sera question dans un autre titre.

L'acte qui constitue le crime dont nous parlons consiste à contrefaire ou altérer les monnaies (art. 179 à 184).

Notre projet, d'accord en cela avec le code actuel et avec la plupart des législations étrangères, n'exige, pour l'existence du crime dont il s'agit, que la contrefaçon ou l'altération des monnaies; ce crime est consommé dès qu'une pièce de monnaie est contrefaite, alors même que l'auteur ne l'aurait pas encore mise ou tenté de la mettre en circulation. La fausse monnaie est régulièrement émise aussitôt qu'elle est fabriquée ou altérée, et si l'émission n'a pas immédiatement suivi le fait constitutif du crime, c'est qu'elle a été empêchée par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur. Le défaut d'émission n'efface point le crime; il constitue une circonstance simplement atténuante, que le juge prendra en considération dans l'application de la peine; il diminue seulement la criminalité, non pas de l'intention, qui reste la même, mais de l'acte matériel, qui n'a pas encore produit le mal que l'agent avait en vue.

Du reste, la criminalité de l'intention n'a pas besoin d'être constatée par l'émission des pièces fausses; elle résulte prima facie du fait même de la fabrication ou de l'altération: res ipsa in se dolum habet. Voilà pourquoi la loi n'a pas besoin d'exprimer cette condition. On ne contrefait point, dans un but purement artistique, des monnaies ayant cours soit dans le pays, soit à l'étranger, et que chacun peut se procurer s'il a envie d'en garnir ses collections.

(1) Arrêt de la cour supérieure de Bruxelles du 28 nov. 1817. (2) Telles que les monnaies françaises d'argent.

(5) Telles que les pièces d'or ou d'argent, frappées pendant la réunion des provinces méridionales et septentrionales du royaume des Pays-Bas.

L'acte constitutif du crime de fausse monnaie consiste à contrefaire ou altérer les monnaies. Mais notre projet assimile à ce crime le fait de participer à l'émission des pièces contrefaites ou altérées, ou à leur introduction sur le territoire belge, lorsque cette participation a lieu par suite d'un concert formé avec les faussaires ou leurs complices. Le présent chapitre prévoit de plus le cas où, sans cette connivence, on remet en circulation de fausses pièces que l'on s'est procurées avec connaissance, ou que l'on a reçues pour bonnes.

5. La loi monétaire du 5 juin 1832 assimile au crime de fausse monnaie un autre fait. L'art. 33 de cette loi porte: « En cas de fraude dans le choix des échantillons, les auteurs et complices sont punis comme faux monnayeurs. » Pour comprendre cette disposition, il faut remarquer que les monnaies fabriquées ne peuvent être mises en circulation qu'après vérification de leur titre et de leur poids. Cette vérification se fait sous les yeux de l'administration des monnaies, immédiatement après l'arrivée des échantillons. Art. 29 de ladite loi. Quand une certaine quantité de monnaies vient d'être fabriquée, on prend six échantillons pour juger de la masse entière. Si un employé substitue aux échantillons de la masse six échantillons qui portent un bon titre, tandis que le titre de tout le reste est altéré, ce fait constitue le crime de fausse monnaie, qui est d'autant plus grave qu'il a été commis par des employés jouissant de la confiance du gouvernement. Nous avons transporté dans notre projet l'art. 33 de la loi monétaire, en le mettant en harmonie avec les autres dispositions du présent titre (art. 188).

6. Après avoir déterminé les caractères du crime dont il s'agit, voyons quelle peine il convient de lui appliquer.

Le code actuel punit de mort, des travaux forcés à perpétuité, ou des travaux forcés à temps, le crime de fausse monnaie, selon que ce crime a pour objet soit des monnaies d'or ou d'argent, soit des monnaies de cuivre ou de billon, ayant cours légal dans le royaume, ou que l'on a contrefait ou altéré des monnaies étrangères (5).

La loi du 5 juin 1832 a abaissé d'un degré ces trois pénalités (6).

Le projet de révision de 1854 n'a apporté, en cette matière, aux dispositions du code pénal, d'autres modifications que celles qui ont été introduites

(4) Telles que les monnaies d'or de France, des Pays-Bas, d'Angleterre.

· (5) Art. 132, 133, 134 du code pénal. (6) Art. 35 de la loi précitée.

par la loi monétaire. La justice réclame davantage. Le crime de fausse monnaie est grave, sans doute; il mérite d'être réprimé sévèrement. Mais la loi qui le réprime doit toujours être juste, et elle ne l'est plus lorsqu'elle frappe de la même peine, et d'une peine invariable, des faits dont la criminalité est fort différente.

D'où vient cette roide et inflexible sévérité de certaines lois pénales, quand il s'agit de frapper le crime de fausse monnaie? Des idées erronées que longtemps on s'était formées sur la nature de ce crime, le mal qu'il cause, l'alarme qu'il répand; idées qui sont encore en partie répandues aujourd'hui, et qui ont exercé une grande influence sur les dispositions du nouveau code français et du projet belge de 1834. D'abord, le droit de battre monnaie était générale

Ce reproche s'adresse surtout à la disposition de l'art. 132 du projet de 1834, et pour le justifier nous n'avons qu'à énumérer les faits que cet article placement considéré comme un droit de souveraineté, sur la même ligne, en les punissant tous de la même peine.

1. Contrefaçon des monnaies. On peut les contrefaire de diverses manières :

a. En fabriquant de la fausse monnaie au même titre et au même poids que la monnaie de l'Etat (1); b. En fabriquant de la fausse monnaie d'une valeur inférieure ;

c. En dorant des monnaies d'argent; d. En argentant des monnaies de cuivre (2). II. Altérer les monnaies veritables en les rognant ou perçant, ou en diminuant leur valeur de toute autre manière.

Arrêtons-nous un moment. Tous ces faits, qui sont loin de peser du même poids dans la balance de la justice, entraînent les travaux forcés à perpétuité.

Que le coupable soit un employé de l'hôtel des monnaies ou un particulier; qu'il ait contrefait ou altéré des pièces de 25 francs ou de 20 centimes; qu'il les ait contrefaites et émises, ou seulement opéré la contrefaçon sans les avoir encore mises en circulation; qu'il les ait contrefaites pour des sommes considérables, ou seulement pour la valeur de quelques francs; que les monnaies fausses imitent les véritables à s'y méprendre, ou qu'elles soient si grossièrement contrefaites que la fraude se révèle à la première vue; n'importe, la peine est toujours la même.

Ce n'est pas tout les individus qui ont participé à l'émission ou exposition des monnaies contrefaites ou altérées, ou à leur introduction sur le territoire belge, subissent la peine des faussaires.

Et quelle est cette peine? Les travaux forcés à perpétuité, pénalité qui n'admet pas de degrés, qu'il est, par conséquent, impossible de proportionner à la gravité relative de faits qui ne se ressemblent que par le nom et diffèrent par leur essence.

On nous parlera peut-être du système des circonstances atténuantes. Mais la mission du juge n'est point de corriger les défauts de la loi; dès que vous le chargerez de cette mission, il n'y aura plus de loi, et chaque arrêt sera une révision du code. Et des juges consciencieux peuvent-ils considérer la simple altération des monnaies comme une circonstance atténuante, tandis que ce fait est formellement puni, par l'article 132, de la peine des travaux perpétuels? Réformez vous-mêmes les lois, mais laissez leur application aux juges.

L'auteur du projet de 1854 n'a vu, dans l'art. 132 du code, d'autre défaut à corriger que la sanction pénale; il a pensé que la justice était satisfaite lorsqu'elle n'avait plus à prononcer que la peine des travaux forcés à perpétuité.

(1) C'est évidemment une contrefaçon. Arr. cass. du 26 février 1808.

(2) Sic judicatum. Arr. cass. des 3 juin 1808 et 4 juillet 1811; arr. cass. de France des 9 août 1833, 17 janvier et 13 août 1835, 17 octobre 1859, 6 mai 1841, 22 octobre 1842.

comme un pouvoir inhérent à la suprême puissance de l'Etat. Faire de la fausse monnaie était donc attenter au droit du souverain; c'était un crime de lèse-majesté (3), et ce crime se commettait également par celui qui contrefaisait les monnaies de l'Etat, en conservant le même titre et le même poids; « car, dit Muyart de Vouglans (4), c'est au roi seul qu'appartient le droit de battre monnaie dans son royaume. » La peine était partout et toujours la mort. Qui ne reconnaît pas que ces principes forment également la base des articles 132 et suivants du code pénal? Pour quel autre motif ces articles prononceraient-ils la même peine contre celui qui contrefait les monnaies en diminuant leur valeur, et contre celui qui les contrefait sans en changer le poids et le titre ? Le projet de révision de 1834 devait-il suivre ces errements?

Une autre raison de cette grande sévérité déployée contre les faux monnayeurs, consistait dans l'imperfection des anciennes monnaies et dans la grande facilité de les contrefaire. Ce crime était donc trèsdangereux; il pouvait causer un préjudice énorme à l'Etat et aux particuliers, et répandre l'alarme dans la nation tout entière.

A ces motifs, si l'on ajoute quelques considérations de la force de celle-ci : « La caverne du faux monnayeur est presque toujours l'antre où se réfugient toutes les espèces d'infamies; c'est souillé de la fange du libertinage, c'est après avoir consumé sa fortune au jeu, qu'il se retire dans l'ombre pour méditer et exécuter à loisir les moyens de dévorer, autant qu'il le pourra, la fortune publique; s'il ne vient pas, le fer à la main, conquérir la propriété des autres, c'est qu'il n'a pas même conservé le courage des brigands, etc., etc. (5), » et on s'expliquera aisément la rigueur dont le crime de fausse monnaie a été l'objet. On ne s'étonnera même plus quand on apprendra que le droit romain et, à son exemple, la constitution criminelle de Charles-Quint, punissaient ce crime de la peine du feu (6).

7. Il est temps de revenir à des idées plus saines sur la nature du crime de fausse monnaie, et d'éviter toute exagération relativement à la gravité de ce crime.

Le droit de battre monnaie, loin d'être un droit de souveraineté, un droit qui découle de l'essence même de la suprême puissance, n'est qu'un monopole accordé au gouvernement, monopole très-utile sans doute et très-nécessaire, mais qui n'est toujours qu'un monopole, ou, si l'on veut, un droit régalien.

Le particulier qui fait de la fausse monnaie ne commet pas plus un attentat à la souveraineté, un crime de lèse-majesté, que celui qui, sans autorisation, ouvre un bureau de poste aux lettres, ou établit une fabri-.

(4) Les lois criminelles de France, p. 141, nos 2 et 3.

(3) DestriveaUX, Essais, etc., p. 88. Ces raisonnements s'appliquent à tout faussaire, escroc, banqueroutier frauduleux, etc.

(6) L. 2, C., De falsa moneta (9, 24). Voyez encore L. 8, (3) Le crime de fausse monnaie est déjà déclaré crime de lèse- D., Ad Leg. Corn. de fals. (48, 10); PAULI Sentent. recept. majesté par la L. 2, C., De falsa moneta (9, 24).

L. V, tit. XXV, S 1. Art. 111 de la Caroline.

que de tabac dans un pays où le gouvernement s'est réservé ce monopole.

II, 8. «La meilleure garantie de la monnaie nationale, disait le rapporteur de la loi du 28 avril 1832, est dans sa perfection. Une contrefaçon faite avec quelque art et quelque étendue exigerait un appareil de fabrication qui rendrait la clandestinité impossible; une contrefaçon clandestine ne peut s'opérer qu'avec les procédés les plus imparfaits, et n'arriver qu'à des fabrications tellement grossières, que l'œil le moins exercé ne peut longtemps s'y méprendre. »

Le crime de fausse monnaie n'est qu'un vol ou une escroquerie commise à l'aide d'un faux, un vol ou une escroquerie qualifiée, et souvent il est l'un et l'autre. C'est un vol, commis à l'aide d'un faux, lorsqu'un particulier fait de la monnaie au titre et au poids de la monnaie légale. Il contrefait les poinçons, les marques et les empreintes de l'Etat, ou il fait sciemment usage de ces objets contrefaits, et par ce faux, que nous voudrions appeler extérieur, parce qu'il ne s'applique qu'à la forme, il soustrait à l'Etat les bénéfices du monnayage. Les particuliers n'y perdent rien.

C'est une escroquerie à l'aide d'un faux, lorsqu'un individu altère les monnaies de l'Etat ; il trompe les particuliers en leur donnant, en échange de leurs marchandises, des monnaies dont il a diminué la valeur intrinsèque et qu'il fait passer à leur valeur primitive. Enfin, c'est un vol fait à l'Etat et une escroquerie envers les particuliers, lorsque le coupable fabrique de la monnaie qui n'a pas le titre et le poids de la monnaie nationale.

8. En Allemagne, on a, depuis longtemps, considéré le crime de fausse monnaie sous son véritable point de vue. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à jeter un coup d'œil sur les codes d'Autriche, de Bavière et de Prusse.

Les dispositions du code autrichien de 1803 sont généralement fort modérées.

Après avoir énuméré, dans le § 103, les diverses manières dont le crime de fausse monnaie peut se commettre, le § 104 établit les pénalités. Ce crime est en général puni de la prison dure, de cinq à dix ans (2); s'il a été commis avec des circonstances très-aggravantes, il entraîne la prison dure de dix à vingt ans.

Néanmoins, si la fausse monnaie a le titre et le poids des monnaies véritables, ou si la contrefaçon a été tellement grossière qu'on ne pouvait s'y méprendre, la peine n'est que la prison dure d'un an à cinq ans.

Ceux qui, de concert avec les faux monnayeurs ou leurs complices, mettent en circulation les pièces de monnaie fausses ou altérées, sont condamnés à la in-prison dure pour un an à cinq ans; cette peine peut être élevée jusqu'à dix ans, si le préjudice causé a été considérable (§§ 105, 106).

Mais, de même que ce vol est un délit public, parce qu'il a été commis envers l'Etat, de même cette escroquerie a le caractère d'un délit contre la chose publique, parce que tous les particuliers, les citoyens et les étrangers peuvent en devenir victimes. En effet, dit un célèbre criminaliste (1), « le faux monnayeur commet une escroquerie au préjudice direct de celui qui, le premier, lui livre des valeurs supérieures à la valeur trinsèque de la fausse monnaie qu'il reçoit en échange. Mais les effets de ce délit peuvent s'étendre à un grand nombre d'autres personnes inconnues à l'escroc et à l'insu de celui qui a été trompé le premier. Le mal peut facilement se répéter, se propager. C'est le public pris en masse que le faux monnayeur atteint, plus encore que tel ou tel individu désigné. »

Ces considérations prouvent que le crime de fausse monnaie est beaucoup plus grave qu'un simple vol ou qu'une escroquerie ordinaire. Aussi demandons-nous qu'il soit puni sévèrement. Toutefois, la peine des travaux forcés à perpétuité nous paraît en général une peine trop forte. Sans doute, ce crime peut causer un grand préjudice au public; mais on se plaît singulièrement à exagérer ses dangers et les alarmes qu'il répand.

D'après le code bavarois de 1815 (3), le crime de fausse monnaie se commet par celui qui falsifie les monnaies nationales et étrangères ayant cours dans le royaume, ou qui les contrefait, quelle que soit la valeur intrinsèque de ces monnaies contrefaites.

Le coupable qui a mis en circulation les monnaies par lui contrefaites, est condamné à la reclusion pour huit ou douze ans. Cette peine est réduite à un emprisonnement de quatre à huit ans, si les fausses pièces n'étaient que moulées (parce qu'alors on les reconnaît au premier coup d'œil).

Si les monnaies contrefaites n'étaient pas encore émises, il subira un emprisonnement de quatre à huit ans; et si elles n'étaient que moulées, un emprisonnement d'un an à quatre ans.

Quiconque a falsifié les monnaies ayant cours légal, soit en les rognant ou altérant d'une manière quelconque, soit en donnant à des pièces de monnaie fausses ou démonétisées l'apparence de monnaies ayant cours, ou à des monnaies d'une valeur inférieure l'apparence de monnaies d'un titre supérieur, et qui émet ou fait émettre ces pièces falsifiées, est puni d'une amende équivalente au quadruple du gain illicite qu'il aura fait, et en outre de la peine portée contre l'escroquerie qualifiée au premier chef (4).

L'intérêt du commerce, il est vrai, ne permet pas qu'on vérifie toujours en détail les pièces de monnaie qui sont employées dans les payements. Mais cette vérification se fait cependant lorsqu'on a le moindre soupçon. L'émission de fausses monnaies ne peut s'opérer par de grandes sommes; c'est toujours en détail que le faussaire met en circulation les pièces contrefaites ou altérées. Dès qu'on remarque une pièce fausse, le public tout entier en est instruit par les journaux, et chacun se met sur ses gardes. Les faux monnayeurs et leurs complices restent rarement cachés, la fraude est vite découverte. Le préjudice que Ceux qui, dans le but de les mettre en circulation, ce crime a causé dans les derniers temps n'est point ont reçu d'un faussaire des pièces de monnaies conconsidérable, et le peu de succès de cette entreprise trefaites ou falsifiées, sont punis de la même peine que criminelle paraît avoir eu pour effet de rendre cet l'auteur du faux. Néanmoins, dans la fixation de cette attentat contre la fortune publique bien moins fré-peine, le juge ne doit considérer que la somme qu'ils quent aujourd'hui qu'il ne l'était autrefois.

Lors de la confection du nouveau code pénal français, la commission de la chambre des députés est convenue elle-même de la vérité de ces observations.

(1) Rossi, p. 220. (Liv. II, chap. VIII.)

(2) La prison dure (schwerer kerker, carcere duro) équivaut à la peine des travaux forcés établie par le code français. (3) Art. 541 et suivants.

ont mise en circulation.

La même peine est prononcée contre ceux qui ont donné à l'auteur du crime des instructions pour le commettre, ou qui lui ont sciemment procuré les

(4) Cette peine est un emprisonnement d'un an à trois ans, mais qui peut être élevé jusqu'à huit ans, si le dommage causé excède vingt-cinq florins. Voyez les art. 263 et 220 du code bavarois.

« PrécédentContinuer »