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III JOUR.

Sur la véritable dévotion.

Celui qui séduit lui-même son cœur n'a qu'une vaine religion. I Jac. 1, v. 26.

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I. Que d'abus dans la dévotion! Les uns la font consister uniquement dans la multiplicité des prières; les autres dans le grand nombre des œuvres extérieures, qui vont à la gloire de Dieu et au soulagement du prochain. Quelques-uns la mettent dans les désirs continuels de faire son salut; quelques autres, dans de grandes austérités. Toutes ces choses sont bonnes; elles sont même nécessaires jusqu'à un certain degré. Mais on setrompe, si on y place le fond et l'essentiel de la véritable piété. Cette piété qui nous sanctifie et qui nous dévoue tout entiers à Dieu consiste à faire tout ce qu'il veut, et à accomplir précisément dans les temps, dans les lieux et dans les circonstances où il nous met, tout ce qu'il désire de nous. Tant de mouvements que vous voudrez, tant d'œuvres éclatantes qu'il vous plaira, vous ne serez payé que pour avoir fait la volonté du souverain maître. Le domestique qui vous sert feroit des merveilles dans votre maison, que, s'il ne faisoit pas ce que vous souhaitez, vous ne lui tiendriez aucun compte de ses actions, et vous vous plaindriez avec raison de ce qu'il vous serviroit mal.

II. Le dévouement parfait, d'où le terme de dévotion a été formé, n'exige pas seulement que nous fas

sions la volonté de Dieu, mais que nous la fassions avec amour. Dieu aime qu'on lui donne avec joie; et dans tout ce qu'il nous prescrit, c'est toujours le cœur qu'il demande. Un tel maître mérite bien qu'on s'estime heureux d'être à lui. Il faut que ce dévouement se soutienne également par-tout, dans ce qui nous déplaît, dans ce qui nous choque, dans ce qui contrarie nos vues, nos inclinations, nos projets ; et qu'il nous tienne prêts à donner tout notre bien, notre fortune, notre temps, notre liberté, notre vie et notre réputation. Être dans ces dispositions, et en venir aux effets, c'est avoir une véritable dévotion. Mais comme la volonté de Dieu nous est souvent cachée, il y a encore un pas de renoncement et de mort à faire; c'est de l'accomplir par obéissance, et par une obéissance aveugle, mais sage en son aveuglement; condition imposée à tous les hommes: le plus éclairé d'entre eux, le plus propre à attirer les ames à Dieu et le plus capable de les y con. duire, doit lui-même être conduit.

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IV JOUR.

I. LES

Sur les conversions lâches et imparfaites.

gens qui étoient éloignés de Dieu se croient bien près de lui dès qu'ils commencent à faire quelques pas pour s'en rapprocher. Les hommes les plus polis et les plus éclairés ont là-dessus la même ignorance et la même grossièreté qu'un paysan qui croiroit être bien à la cour, parcequ'il auroit vu le roi. On quitte les vices qui font horreur; on se retranche dans une vie moins

criminelle, mais toujours lâche, mondaine et dissipée : on juge alors de soi, non par l'évangile, qui est l'unique règle qu'on doit prendre, mais par la comparaison qu'on fait de la vie où l'on est avec celle qu'on a menée autrefois. Il n'en faut pas davantage pour se canoniser soimème, et pour s'endormir d'un profond sommeil sur tout ce qui resteroit à faire pour le salut. Un tel état est peut-être plus suspect qu'un désordre scandaleux. Ce désordre troubleroit la conscience, réveilleroit la foi, et engageroit à faire quelque grand effort; au lieu que ce changement ne sert qu'à étouffer les remords salutaires, qu'à établir une fausse paix dans le cœur, qu'à rendre les maux irrémédiables.

II. Je me suis confessé, dites-vous, assez exactement des foiblesses de ma vie passée ; je lis de bons livres; j'entends la messe modestement, et je prie Dieu, ce me semble, d'assez bon cœur. J'évite au moins les grands péchés; mais j'avoue que je ne me sens pas assez touché pour vivre comme si je n'étois plus du monde, et pour ne plus garder de mesures avec lui. La religion seroit trop rigoureuse, si elle rejetoit de` si honnètes tempéraments. Tous les raffinements qu'on nous propose aujourd'hui sur la dévotion vont trop loin, et sont plus propres à décourager qu'à faire aimer le bien. Ce discours est celui d'un chrétien lâche qui voudroit avoir le paradis à vil prix, et qui ne considère pas ce qui est dû à Dieu, ni ce que sa possession a coûté à ceux qui l'ont obtenue. Un homme de ce caractère est bien loin d'une entière conversion. Il ne connoît, ni l'étendue de la loi de Dieu, ni les devoirs de la pénitence. On peut croire que si Dieu lui avoit confié le soin de composer

l'évangile, il ne l'auroit pas fait tel qu'il est, et nous aurions assurément quelque chose de plus doux pour l'amour-propre. Mais l'évangile est immuable, et c'est sur lui que nous devons être jugés. Prenez au plutôt un guide sùr, et ne craignez rien tant que d'être flatté et trompé.

Ve JOUR.

Sur le bon esprit.

Votre père céleste donnera son bon esprit à ceux qui le lui demanderont. Luc. 21 > v. 13.

I. Il n'y a de bon esprit que celui de Dieu. L'esprit qui nous éloigne du vrai bien, quelque pénétrant, quelque agréable, quelque habile qu'il soit pour nous procurer des biens corruptibles, n'est qu'un esprit d'illusion et d'égarement. Voudroit-on être porté sur un char brillant et magnifique, qui mèneroit dans un abîme? L'esprit n'est fait que pour conduire à la vérité et au souverain bien. Il n'y a de bon esprit que celui de Dieu, parcequ'il n'y a que son esprit qui nous mène à lui. Renonçons au nôtre, si nous voulons avoir le sien. Heureux l'homme qui se dépouille pour être vêtu, qui foule aux pieds sa vaine sagesse, pour posséder celle de Dieu!

II. Il y a bien de la différence entre un bel esprit, Π un grand esprit et un bon esprit. Le bel esprit plaît par son agrément ; le grand esprit excite l'admiration sa profondeur: mais il n'y a que le bon esprit qui sauve

par

et qui rende heureux par sa solidité et par sa droiture. Ne conformez pas vos idées à celles du monde. Méprisez l'esprit, autant que le monde l'estime. Ce qu'on appelle esprit est une certaine facilité de produire des pensées brillantes. Rien n'est plus vain. On se fait une idole de son esprit, comme une femme, qui croit avoir de la beauté, s'en fait une de son visage. On se mire dans ses pensées. Il faut rejeter non seulement ce faux éclat de l'esprit, mais encore la prudence humaine, qui paroît la plus sérieuse et la plus utile pour entrer, comme de petits enfants, dans la simplicité de la foi, dans la candeur et dans l'innocence des mœurs, dans l'horreur du péché, dans l'humiliation et dans la sainte folie de la croix.

VI JOUR.

Sur la patience dans les peines.

Vous possèderez vos ames dans votre patience.
Luc. 21, v. 19.

I. L'AME s'échappe à elle-même quand elle s'impatiente; au lieu que quand elle se soumet sans murmurer, elle se possède en paix et possède Dieu. S'impatienter c'est vouloir ce qu'on n'a pas, ou ne pas vouloir ce qu'on a. Une ame impatiente est une ame livrée à sa passion, que la raison ni la foi ne retient plus. Quelle foiblesse! quel égarement! Tant qu'on veut le mal qu'on souffre il n'est point mal. Pourquoi en faire un vrai mal en cessant de le vouloir? La paix intérieure réside non dans le sens, mais dans la volonté. On la conserve au

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