En vain une fière déesse Rousseau. Les autres odes de Rousseau sont dans le même goût, tant les sacrées que les profanes; on n'a qu'à les consulter, si on en a la facilité. Celle-ci est un exemple pour les autres, et un modèle du genre sublime. Ode sur la canonisation des saints Stanislas Kotska et De l'Éternel s'ouvre le trône; Volez, vertus, et sur vos ailes Sur des harpes majestueuses Chantent les flammes vertueuses Les sceptres foulés sous leurs pas. Ils consacrèrent leurs combats. Tout le ciel ému d'allégresse A leurs triomphes éclatans. Qu'offrais-tu, profane Élysée? Qui conservent, toujours nouvelles, Sans vous coûter de vains regrets. Dans les célestes tabernacles Fiers conquérans, héros profanes, Peuples, dans des fêtes constantes, Chantres saints du céleste amour : Répétez les chants de louanges que sous ses voûtes sacrées De fleurs leurs images parées Prennent place sur nos autels. Gresset. CHAPITRE VI. Du sublime des pensées et des sentimens. -LE sublime dont il s'agit n'est autre chose que le vrai et le nouveau réunis dans une grande idée, et exprimés avec élégance et précision: il se peut trouver dans une seule pensée, dans une seule figure, dans un seul tour de paroles qui présente quelque trait vif et frappant; comme dans ce récit de Moyse: Dieu dit : Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite (1). D'où naît ici le sublime? C'est sans doute de ce sangfroid, de cette simplicité avec laquelle Moyse parle du plus beau moment du monde, du moment de la création. C'était sans doute sur ce ton que Moyse en devait parler. Accoutumé aux merveilles de Dieu, fait de longue main aux traits de sa puissance, ce beau moment était pour lui une chose tout unie, toute simple; aussi ne voyez-vous aucune marque d'étonnement dans sa narration : c'est là précisément ce qui produit le nôtre, et ce qui nous jette dans l'admiration. C'est l'effet que l'on doit trouver dans tous les traits du sublime, sans quoi il ne mériterait pas le beau nom qu'on lui a donné. Il en est de même de ces paroles que Dieu à dites à Job: Où étiez-vous, lorsque j'établissais la terre sur ses fondemens, lorsque les astres du matin me louaient d'un commun accord (2)? ou dans cette parole d'Ajax : Grand Dieu, rends-nous le jour et combats contre nous! En un mot, le sublime dans le genre dont nous parlons, n'est autre chose que l'expression courte et vive de tout Gen. 3r. ce qu'il y a dans une ame de plus grand et de plus superbe ; il doit marquer la hauteur et l'élévation du caractère de celui qui parle, et produire en nous une certaine admiration mêlée d'étonnement et de surprise : car il faut remarquer que l'étonnement est un sentiment qui est d'un grand prix pour nous. Au milieu de notre bassesse, nous nourrissons tous un sentiment de grandeur et de bouffissure. Tout ce qui excède nos forces, tout ce qui passe notre pouvoir, réveille notre admiration: or, une manière de peindre vivement un sentiment en peu de paroles, produit en nous cet effet, et c'est ce que nous appelons le vrai sublime. Il est aisé d'en sentir la raison, si l'on fait attention qu'il n'y a rien de si rapide que le mouvement avec lequel nos idées se présentent; les expressions, quelque énergiques qu'elles puissent être, les affaiblissent, et ne les rendent jamais à notre gré; mais quand par bonheur un mot ou deux mots peignent vivement un sentiment, nous sommes ravis, parce qu'alors le sentiment a été peint avec la même vitesse qu'il a été exprimé, qu'il en est plus vif de ce qu'il est resserré ; et comme toute sa chaleur est réunie, il la conserve tout entière. Dans la pastorale d'Acis et de Galatée (1), Polyphème voyant qu'Acis son rival avait pris la fuite avec Galatée et ne sachant ce qu'ils étaient devenus, exhale sa fureur jalouse en ces termes : Quel chemin ont-ils pris, ces amans trop heureux? * Qu'il se montre, ce Dieu que l'univers révère, * C'est un objet digne de ma colère. * Je l'attends. Mais il craint de paraître à mes yeux; Et ferai plus trembler tout l'Olympe aujourd'hui (1) Pastorale héroïque dont les paroles sont de M. de Campistron, et la musique de M. de Lully. བའ |