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l'Europe, tant que la France conserverait sa clientelle d'état. »

Voilà quelques-unes des objections qui étaient faites au conseil, dans l'intimité du conquérant, près de cette main qui soutenait l'empire partout où il menagait ruine. —

D'autres conseillers ajoutaient, quoique cette matière eût été plus délicate, & que rien n'était plus aisé pour la France que de modifier ou d'adoucir sa politique à l'égard des états du second rang en faveur desquels on redoutait l'intervention de la Russie. Cette politique avait été un système uniforme de domination: on était allé fort loin. L'influence que la France avait obtenue en Europe était moins l'effet des traités que de la terreur imprimée par

ses armes.

Tous les états de l'Allemagne souffraient profondément de toutes les mesures prises pour bloquer l'Angleterre et la soumettre à la France. » Ces observations montrent que tous les conseillers et tous les amis de l'empereur n'avaient pas la pensée secrète de la campagne,

Je viens d'indiquer le point de vue des conseillers; l'empereur ne pourra pas le rectifier; il faudrait pour cela qu'il mit sa mît pensée en dehors.

La fin de l'année 1811 vit consolider l'œuvre de la réunion du royaume de Hollande au grand empire: ses départemens reçurent leur circonscription définitive et l'organisation française. L'Espagne, presque conquise, était entièrement occupée par nos troupes; tout le continent était soumis, et on se demandait pourquoi un sénatus-consulte appelait tout à coup aux armes cent vingt mille conscrits, puisque la France avait atteint la plénitude de la prospérité humaine, mais c'était aux yeux du vulgaire; en effet, les bases de cette puissance n'étaient pas assez solides : il fallait l'effacement de la Russie en Europe; par là, on obtenait la soumission de l'Angleterre.

---L'année 1811 expirait dans le malaise de cette haute fortune. « La France ne pouvait plus que descendre, a-t-on dit, parce que Napoléon ne pouvait plus monter. » Il a tenu à peu de chose cependant que cet oracle ne mentit, et que la

France ne vainquît la Russie, et ne s'élevât à des destinées encore plus merveilleuses que les présentes. Il y a dans les empires gouvernés par les hommes de génie une vue première et haute, présidant à la marche de l'état, que la masse des esprits ne démêle point d'abord; avec le tems on la comprend, mais c'est quand le société a fait un nouveau et grand pas.→

-L'empereur Napoléon se livrait à la joie que lui causait la naissance de son héritier, il venait de placer la couronne de Romulus sur le berceau de cet enfant, et de lui donner le titre de roi de Rome, de la ville éternelle. Pie VII dépossédé, ratifiait cette donation, préoccupé par de nouveaux plans. Tout à coup les premiers cris de guerre avec la Russie se font entendre aux extrémités de la Pologne.

Nous avons exposé les causes de cet événement.

Depuis quelques mois nos relations avec l'empire de Russie s'étaient donc agitées et troublées de part et d'autre on ne

pouvait plus s'entendre; on parlait d'en venir aux mains.

Cependant le duc de Vicence courut encore à Saint-Pétersbourg, mais il ne parvint point à dissiper les doutes, les préventions, les peurs, les haines qui s'étaient éveillés.

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Napoléon veut nous arracher la Polo»gne, disaient les Russes; voilà le sujet de l'irritation universelle : à ces mots, la rupture fut profonde et immédiate.

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Dans ce même tems le ministre de la marine, M. Savary, découvrait, à Paris, une intrigue par laquelle un jeune colonel russe, M. de Tchernicheff, avait obtenu un état des forces françaises qui marchaient sur la Russie. L'empereur venait d'accueillir, avec une grande bienvcillance, ce gentilhomme russe, envoyé en apparence pour remplir une mission confidentielle auprès de l'empereur. A force d'or, Tchernicheff était parvenu à se procurer ces renseignemens. L'employé du ministère de la guerre, qui s'était laissé corrompre, se nommait Michel ; il fut condamné à mort et exécuté immédiatement. - Dès ce moment, la décision de la guerre fut emportée. Les choses ne

paraissaient point aussi avancées, considérées de Paris, car les longues et difficiles discussions qui avaient eu lieu entre les deux cabinets n'étaient point connues du publie; mais tout à coup on reçut la · nouvelle de la marche d'une formidable armée russe sur Varsovie.

En même tems une note jactancieuse fut présentée à Saint-Cloud, comme ultimatum, par l'ambassadeur de Russie: il déclarait qu'à défaut de son acceptation pure et simple, il quitterait Paris sous trois jours. On lui répondit comme on le devait: -- Napoléon n'était pas accoutumé à recevoir des ordres russes, et il n'avait point l'habitude de se laisser prévenir. H avait déjà fait marcher ses armées contre la Russie; Davoust avait traversé la Prusse et marchait sur la Vistule. Cette grande entreprise paraissait mériter à l'empereur de devenir populaire en Allemagne, puisque c'était la question de l'indépendance de l'Europe qu'elle devait décider, le repoussement en Asie, d'une grande force d'Asie, celui des Barbares.

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