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free trade qui inaugura les expositions en Angleterre, en 4843 à Manchester, en 1845 à Londres, en 1849 à Birmingham. Il dit que l'idée d'une exposition universelle appartient aux libre-échangistes dont les chefs firent preuve de leur tact habituel en s'effaçant, dans l'intérêt de la cause, derrière le prince Albert qui s'est dévoué au succès de cette œuvre de propagande économique.

Le second personnage sur la perte duquel M. Joseph Garnier appelle l'attention est le roi de Portugal, don Pedro V, si prématurément enlevé à l'affection de sa famille et de ses sujets. Ce jeune monarque, élevé dans les idées libérales par son père, dont on ne saurait trop louer la sagesse, s'était fait remarquer par l'amour des réformes en général et des réformes économiques en particulier. Puisse son successeur le suivre dans cette voie utile non-seulement à son propre pays, mais à tous ceux qui sont en rapport avec lui.

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M. le secrétaire perpétuel prie ensuite l'un des honorables invités, M. Scialoja, de dire à la réunion s'il y a quelques causes économiques dans les difficultés que rencontre l'Italie dans le travail de la constitution de sa nationalité. M. le président le prie en même temps de dire si l'enseignement politique a fait des progrès en Italie. En donnant la parole à l'honorable invité, M. le président rappelle les services qu'il a rendus à la science et à la politique de son pays; il signale ceux qu'il est appelé à rendre en ce moment dans l'importante mission qui lui est confiée au sujet du traité de commerce franco-italien.

M. SCIALOJA répond que, selon lui, il n'y a pas de difficultés économiques dans les affaires d'Italie et qu'il ne pouvait pas y en avoir. Les conditions naturelles de la péninsule, par la variété des forces productives et par la diversité des productions dans les différentes provinces, ne pouvaient que s'améliorer par la disparition des barrières intérieures et par la facilité des communications qui était la conséquence naturelle de l'unité et de la constitution de ces différentes provinces en un seul État.

Les avantages d'un grand marché unique se sont déjà vérifiés sur une grande échelle, quoique dans des circonstances exceptionnelles et peu favorables. Lorsque le tarif de l'ancien État sarde fut étendu aux provinces méridionales, il y eut un changement soudain de système : des droits producteurs de quatre-vingts et quelquefois de cent pour cent se trouvèrent abolis du jour au lendemain. Quelques rares exceptions, qui avaient été faites provisoirement au tarif et jusqu'à ce que l'union complète de ces provinces eût eu lieu, disparurent après deux mois, et quelques-unes d'entre elles sur les instances mêmes des fabricants intéressés qui en réclamèrent la suppression. M. Scialoja a été lui-même

l'auteur et le témoin de ces réformes et de ces faits. Les résultats postérieurs ont prouvé que le nouveau régime était le seul moyen possible pour établir, par la liberté, l'harmonie des intérêts en Italie. Dans les magasins de la douane de Naples se trouvait, en 1860, une quantité de marchandises sur lesquelles on avait liquidé les droits de douane. Après la publication des tarifs, on refit la liquidation, dont la somme fut réduite à un cinquième de ce qu'elle était auparavant. Or, si les recettes de douane en général avaient dû être réduites de quatre cinquièmes en 1861, cette recette aurait dû être de 3 millions et demi elle est, au contraire, de 43 millions. Il y a eu quatre fois plus de mouvement de marchandises, sans compter celles qui ont été déclarées exemptes par le nouveau tarif. Il y a eu donc plus de quatre fois de commerce, ce qui suppose un grand accroissement d'aisance et d'activité. Cette remarque amène M. Scialoja à apprécier par induction quel sera le développement que cette activité doit acquérir lorsque la péninsule sera sillonnée de chemins de fer et d'autres voies de communication, et que les capitaux et les efforts réunis à l'élan de l'intelligence libre d'un peuple naturellement doué d'une grande souplesse d'esprit se tourneront vers l'industrie avec cette puissance de productivité qui est le fait d'un pays qui, par sa position actuelle, jouit en même temps des avantages des pays nouveaux et des pays civilisés, au milieu des circonstances naturelles les plus favorables.

Loin de rencontrer un obstacle économique, ajoute M. Scialoja, l'Italie doit attendre de l'accroissement, de l'activité et de l'augmentation rapide de sa richesse la solution d'une grande partie des questions politiques, c'est-à-dire des questions relatives à sa constitution intérieure et à l'équilibre des finances. La question financière, en particulier, sera naturellement résolue par la question économique: les revenus publics s'accroîtront avec la richesse, et les charges publiques, quoique augmentées, deviendront moins lourdes, lorsque ceux qui doivent les supporter seront en état de le faire sans effort. Les provinces qui étaient le moins imposéesse trouvaient dans un tel état d'abandon et de détresse que l'impôt, d'une modicité apparente, était encore un fardeau trop lourd. L'aisance qui ne tardera pas à s'accroître dans une proportion plus considérable que les impôts, rendra la question financière aisée à résoudre, d'autant plus que, en Italie, les gouvernements provisoires (qui, au nom d'un principe unique, ont concouru à faire cette grande révolution pacifique qui malheureusement n'est pas encore accomplie, mais que les Italiens achèveront, sans aucun doute, par leur persévérance e par leur volonté très-ferme de repousser l'anarchie et de combattre le désordre); les gouvernements provisoires ont aboli 50 millions d'impôt plus ou moins mauvais, sans rien y substituer; de sorte que les 450 millions que demande pour cette année le ministre des finances n'apportent à

l'Italie qu'une charge de 100 millions, c'est-à-dire d'un peu plus que 4 francs par tête, ce qui est peu de chose lorsqu'on considère que la masse des impôts en Italie est très-loin d'être comparable à celle qui existe en France et en d'autres pays. La difficulté financière pourra être diminuée aussi par la valeur des biens dont la nation pourra disposer et de ceux qui sont possédés par l'État.

Quant à l'enseignement de l'économie politique, M. Scialoja rappelle à la Société qu'il y a en Italie non-seulement une chaire d'économie politique dans la faculté de droit de chacune des universités qui existent en grand nombre dans la péninsule, mais que l'enseignement des éléments de cette science entre dans le programme de l'enseignement secondaire, et il ajoute que, lorsque les préoccupations politiques qui absorbent les esprits dans ce moment auront diminué, on reprendra sans doute une idée qu'avait déjà conçue l'illustre Cavour, de populariser toujours davantage les principes les plus élémentaires de l'économie politique.

En finissant, M. Scialoja veut remercier l'illustre président de la réunion des expressions bienveillantes et parfois trop flatteuses dont il s'est servi à son égard. Si mes faibles efforts, dit-il, ont pu contribuer à obtenir quelques petits résultats qui sont restés absorbés dans cette grande révolution de laquelle sortira rajeunie et réorganisée une nation nouvelle, je peux vous assurer que je trouve une récompense bien douce dans la satisfaction que j'éprouve d'être appelé en ce moment à concourir à resserrer les liens d'amitié et d'intérêt qui doivent exister entre la France et l'Italie, et de les resserrer, comme ils doivent l'être entre ces deux nations et comme nous l'entendons tous, par le moyen de la liberté.

M. le président donne ensuite la parole à M. Garnier-Pagès, ancien membre du gouvernement provisoire, qui, dit-il, a récemment parcouru l'Allemagne, où il a reçu un accueil des plus flatteurs, et qui, étant ministre des finances, a eu la bonne fortune d'attacher son nom à la création d'institutions qui ont survécu et fonctionnent avec avantage. Il le prie de transmettre à la réunion quelques-unes des observations qu'il a faites pendant son voyage.

M. GARNIER-PAGÈS répond à M. le président que ses trop bienveillantes paroles rendent sa réponse difficile. Si les institutions de crédit créées sous son ministère ont survécu et rendent encore des services, c'est grâce au concours éclairé des hommes spéciaux, banquiers et négociants, appelés en dehors de toute question politique. L'unité de la banque, la création des comptoirs d'escompte, des magasins géné

raux, etc., ont été l'œuvre de tous ceux qui ont bien voulu le seconder et non son œuvre personnelle.

M. Garnier-Pagès parle ensuite de la présence de M. Desmarest et de la sienne au congrès des économistes à Stuttgard. Il vante les efforts des Allemands pour le progrès de la science.

Parmi les questions les plus intéressantes qui ont été posées dans ce congrès, il cite la singularité d'un monopole, débris du moyen âge, existant encore à Francfort-sur-Mein: c'est le privilége attaché, non pas à des corporations, non pas à des individus, mais à certaines maisons, de tenir tel ou tel commerce exclusivement.

La question des banques a été traitée avec talent; la solution est très-difficile dans un pays où il y a trente-huit États grands et petits, et, où il peut y avoir trente-huit banques d'État, et trente-huit espèces de billets de banque. - Peut-on donner en Allemagne l'unité comme en France? Ne vaut-il pas mieux donner la liberté entière?

Ne pourrait-on pas concilier l'unité du papier avec la liberté des banques, en ayant un type commun qui serait concédé proportionnellement au capital justifié, par une commission composée des délégués des banques elles-mêmes, des représentants des divers gouvernements et des députés des divers États?

Les discussions les plus vives, les plus passionnées ont eu lieu entre les partisans de la liberté du commerce et les partisans des droits protecteurs. Chaque parti est venu puissamment organisé. Ces discussions intéressaient au plus haut point la France, puisqu'elles devaient peser sur les négociations commencées à Berlin avec le Zolwerein.

La lutte a été longue et indécise: souvent le système protecteur a obtenu la majorité (1).

M. Garnier-Pagès dit qu'on verrait avec plaisir les économistes français assister aux congrès futurs des économistes allemands. Ce serait un bon moyen de relier les peuples entre eux. Il remercie les économistes allemands de l'accueil fait à M. Desmaret et à lui, comme français, représentant des idées libérales et des désirs de rapprochement international.

M. Garnier-Pagès parle ensuite d'un fait économique qui lui a paru curieux et digne de fixer l'attention. A son arrivée à Vienne, il a été surpris par la multiplicité des constructions et l'activité existant dans les magasins. Le pays, disait-on, était ruiné par la création du papiermonnaie, et il voyait toutes les apparences de la prospérité. Cette prospérité était-elle factice ou réelle? Il a cherché l'explication de ce

(1) Voir au sujet de ce congrès la communication de M. Horn à la réunion du 5 octobre, numéro d'octobre, p. 119.

2 SÉRIE. T. XxxIII.

15 janvier 1862.

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phénomène, et voici ce qu'il a cru observer. L'on ne thésaurise pas le papier-monnaie; chacun en cherche donc l'emploi aussitôt; chacun s'empresse de le transformer, celui-ci en maison, celui-là en meubles; l'un en objet d'utilité ou d'agrément, l'autre en objet productif ou improductif. La circulation rapide de ce papier occasionne donc une multiplicité d'échanges ou de créations qui donnent une apparence de richesse là où il y a pénurie d'espèces et crédit affaissé.

M. WOLOWSKI, membre de l'Institut, ne veut point entrer dans la discussion des questions importantes que pourrait soulever la communication des M. Garnier-Pagès, il désire seulement compléter quelques indications. Les tendances protectionistes d'une fraction du congrès des économistes allemands, réuni à Stuttgard, s'expliquent par le choix de la localité où le congrès s'était transporté l'année dernière. Le Wurtemberg est la patrie de Frédéric List; il a été toujours le foyer de la résistance opposée aux principes de liberté commerciale; c'est dans ce pays qu'était publié le Zollvereins-Blatt. aussi, gràce au principe libéral en vertu duquel tous ceux qui payaient une très-modique cotisation étaient admis aux séances, il a été facile aux fabricants établis dans cette ville et aux environs de se donner rendez-vous, afin de modifier la majorité habituelle des membres arrivés de toutes les contrées de l'Allemagne. Il ne faut donc pas exagérer la portée de quelques mesures hostiles au traité de commerce avec la France, qui n'ont été admises que par un vote surpris au moyen d'une manœuvre aussitôt signalée, et qui ont exercé peu d'influence sur les esprits impartiaux.

Quant à la facilité de fabrication des billets de banque, les petits Etats qui encombrent la surface de la Confédération germanique de leur bizarre multiplicité, possèdent, il est vrai, la faculté de les émettre, mais le public use largement de celui de ne pas les recevoir.

Les intéressants aperçus de M. Garnier-Pagès pourraient, en ce qui concerne le papier-monnaie autrichien, être interprétés contre la pensée bien connue de l'ancien membre du gouvernement provisoire, qui a rendu à la France l'immense service de la préserver de cette plaie, au moment le plus difficile. Le cours forcé des billets de la banque de France ne les a point fait dégénérer en un danger, à cause de la sage et étroite limitation de la quotité de ces billets, dont la circulation fut autorisée. Le gouvernement autrichien n'a pas usé de la même réserve et le pays en porte la peine. Il serait difficile d'admettre que le désir de se défaire d'un papier décrié fût une sorte de ferment pour la circulation et pour le travail. Si ceux-ci se développent en Autriche, ce n'est point à cause de ce vice de constitution monétaire, mais malgré les embarras et les pertes qui en résultent. Les ressources de cet em

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