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du régime nouveau, qu'elles devinssent, entre les mains des compagnies, un moyen facile de se soustraire à l'application de la loi. Les compagnies n'auraient eu pour cela qu'à réduire leur capital social et à créer des obligations en proportion de ce dont elles auraient réduit ce capital. En conséquence (Art. 27) on a assujetti les titres d'obligations au timbre proportionnel de 1 p. 100 du montant du titre, excepté lorsque la cession, pour être parfaite à l'égard des tiers, est soumise aux dispositions de l'art. 1690 du Code Napoléon, et l'on a, pour les obligations comme pour les actions, accordé la faveur de l'abonnement.

L'impôt sur les actions et obligations des sociétés ne devait pas en rester là. Les conseils généraux, le corps législatif, frappés depuis longtemps de la différence qui existe entre les taxes qui frappent la propriété foncière et celles qui atteignent les valeurs mobilières, avaient souvent émis le vœu que les biens de cette dernière catégorie fussent tenus de contribuer d'avantage aux charges publiques. Un projet de loi fut donc présenté par le gouvernement en 1857. Dans son exposé des motifs, le gouvernement exprima l'intention de conserver aux valeurs mobilières tous les avantages à elles conférés par la loi de 1850, mais il proposa de convertir le droit de timbre proportionnel une fois payé en un droit annuel et obligatoire de 15 c. par 100 fr. du capital réel de l'action. Par là le droit proportionnel d'émission disparaissait et l'abonnement, de facultatif qu'il était, devenait obligatoire. Ce droit de timbre annuel ne gênait en rien les transactions et laissait aux valeurs mobilières toute leur liberté il maintenait ainsi les avantages de la loi de 1850. Enfin le taux proposé était aussi modéré que possible et facile à percevoir. Ces avantages étaient remarquables; toutefois la commission du budget du Corps législatif combattit et le mode d'assiette et le taux de l'impôt. Frapper les valeurs mobilières d'après la moyenne triennale des cours et non d'après le capital d'émission parut arbitraire; plusieurs membres crurent voir là le principe d'un impot direct sur le revenu. Aussi a-t-on voulu partir de la pensée de l'impôt de transmission, plutôt que de celle d'un impôt sur la propriété ou le revenu de certaines valeurs.

D'autre part l'impôt, dans certains cas, ne parut pas assez élevé. Quelques modifications furent donc adoptées par la commission du budget, ce qui donna lieu à la loi du 23 juin 1857, dont l'art. 6 fut adopté en ces termes : « Indépendamment des droits établis par la loi du 5 juin 1850 (titre 1), toute cession de titres ou promesse d'actions et d'obligations dans une société, compagnie ou entreprise quelconque financière, industrielle, commerciale ou civile, quelle que soit la date de sa

création, est assujettie, à partir du 1er juillet 1857, à un droit de transmission de 20 c. par 100 fr. de la valeur négociée. Ce droit, pour les titres au porteur et pour ceux dont la transmission peut s'opérer sans un un transfert sur les registres de la société, est converti en une taxe annuelle et obligatoire de 12 c. par 100 fr. du capital desdites actions et obligations évalué par leurs cours moyen pendant l'année précédente et, à défaut de cours, dans cette année, conformément aux règles établies par les lois sur l'enregistrement. >

Il parut juste de frapper également les mutations qui s'exerceraient en France sur les valeurs étrangères, et l'art. 9 de la même loi disposa que, pour les actions ou obligations des compagnies étrangères côtées en France, le droit annuel serait de 12 c. par 100 fr., sans distinction entre les titres nominatifs et ceux au porteur, et que le droit de timbre acquitté par les sociétés françaises serait également dû par les sociétés étrangères. Un décret récent a décidé que, par une sorte d'abonnement, la moitié du capital des sociétés étrangères dont les titres circulent à la fois à l'étranger et à la Bourse de Paris serait soumise à l'impôt.

Afin de laisser à la circulation des valeurs mobilières toute la facilité compatible avec la bonne perception de la taxe nouvelle, l'art. 8 de la loi de 1857 énonce que, dans les sociétés qui admettent le titre au porteur, tout propriétaire a le droit de convertir ses titres en titres nominatifs ou réciproquement, mais que, dans les deux cas, la conversion donne lieu à la perception du droit de transmission.

L'impôt de transmission sur les valeurs mobilières, ainsi constitué par la loi du 23 juin 1857, donne au trésor un produit de près de 6 millions et demi par an.

En Hollande et dans le Piémont la taxation des actions mobilières a lieu, comme nous l'avons déjà rapporté ailleurs, par une sorte de développement de la loi des patentes et par le procédé direct. Les sociétés anonymes sont sujettes à un droit proportionnel mesuré sur leurs dividendes.

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Le contrat d'assurance est susceptible d'être taxé comme plusieurs autres. Il semble cependant qu'il mérite de n'être atteint que légèrement, car il est la manifestation d'une prudence digne du plus grand intérêt. En Angleterre, il y a, outre un droit de timbre léger sur la police d'assurance, une taxe proportionnelle qui a été successivement de 1 sh. 6 d., 2 sh., 2 sh. 1/2 par cent livres sur les sommes assurées

contre le feu (1). L'impôt est resté à 2 sh. 1/2, de 1804 à 1815, et comme la prime d'assurance contre l'incendie ne paraît pas avoir jamais excédé dans ce pays 2 sh. pour 100 1., l'impôt était évalué en 1806 à 125 p. 100 du risque et critiqué sous ce rapport par sir Frederik Eden dans son petit ouvrage sur l'avantage des assurances.

En 1815, cependant, l'impôt fut porté à 3sh. pour 100 1. st., équivalantà 150 p. 100 de la somme assurée. Les fonds des fermiers (farming stock) sont exempts de la taxe. Depuis lors, l'insurance duty a été souvent attaquée comme exagérée. Sir Henry Parnell, dans son ouvrage sur la Réforme financière, s'exprimait dans ce sens au sujet de cet impôt qu'il qualifiait d'excessivement élevé (excessively high) (2). Le Times, du 6 avril 1860, renferme aussi un article en faveur de la réduction de cette taxe dont le produit budgétaire est considérable. Il a été, il est vrai, défendu par M. Coode, dont nous trouvons le rapport analysé dans un article intéressant de M. Samuel Brown inséré au journal de la Société statistique de Londres (juin 1857). Mais M. Brown nous paraît avoir victorieusement répondu à plusieurs assertions de M. Coode.

Dans l'année financière expirée à la fin de mars 1857, les assurances contre l'incendie avaient procuré à l'administration du timbre un produit net de 1,323,199 I. st. (3).

En France, les assurances ne sont grevées que d'un droit de 1 p. 100 sur les sommes avancées pour primes; aussi les revenus de ces droits sont-ils beaucoup moins considérables qu'en Angleterre.

On trouve, dans le compte des recettes de 1858, les résultats suivants

(1) Les assurances contre les risques maritimes donnent lieu en Angleterre à un impôt proportionnel à la prime. Cet impôt a été très-productif lors de la guerre du commencement de ce siècle, l'Angleterre étant alors le seul pays où l'on pût effectue des assurances maritimes. Après la paix, l'élévation du droit porta à éviter le marché britannique et à s'assurer plutôt en Hollande, à Hambourg et ailleurs. Lord Althorp fit donc réduire l'impôt de 50 p. 100, en 1834, et l'on a jugé encore utile de le réduire plus considérablement environ dix ans après. (7 et 8 Victoria, ch. xx1.) Cette réduction a moins agi sur le produit qu'on n'aurait pu le croire. En 1843, la Marine insurance donnait à l'administration du stamp 253,529 1. st. En 1850, le produit a été de 162,769 1. st. C'était en 1843 le quart du produit de la fire insurance; en 1850, le septième,

(2) P. 87, édit. de 1830.

(3) Comptes de finances dans les comptes parlementaires anglais. Al même époque, le produit des assurances maritimes était remonté à 335,677 1. ou près du quart du produit des assurances contre l'incendie.

du produit des droits constatés par l'enregistrement des contrats d'assurance, p. 128:

Contrats d'assurances contre l'incendie, au droit de 1 p. 100. 36,440 fr. 81 c. Contrats d'assurances maritimes avant qu'il en ait été fait usage en justice (droit fixe).....

...

223

Id. Lorsqu'il en a été fait usage en justice, au taux de 1 p. 100 en temps de paix.....

Id. A 30 p. 400 en temps de guerre...

Total......

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Ce chiffre est à peu près la centième partie des 41,221,900 fr. produits par les mêmes sources dans le budget britannique. La législation française a voulu ménager l'esprit de prévoyance. La législation britannique, s'appliquant à un peuple chez lequel il est très-développé, a cru probablement sans inconvénient d'en frapper plus fortement les manifestations dans la vie des contrats civils.

Mais elle paraît avoir excédé ce qu'elle pouvait attendre de la disposition morale des contribuables, et le taux actuel de l'impôt sur les assurances dans la Grande-Bretagne semble avoir pour effet d'en retarder le développement.

M. Samuel Brown tend à établir ce résultat en comparant le progrès des assurances contre l'incendie dans la Grande-Bretagne et en France.

Il évalue les sommes assurées, dans la Grande-Bretagne (non compris les propriétés étrangères), à 997,000 1. st., à la fin de 1856, tandis que, d'après lui, les valeurs assurées, en France, se seraient élevées, vers la même époque, à environ 1,800,000 1. st., résultat très-frappant si on se rappelle que le système des assurances a, en Angleterre, plus de cent quatre-vingts ans d'existence, tandis qu'en France il remonte à 1816.

L'impôt britannique ne diffère pas seulement de l'impôt français par son extrême pesanteur: il a encore une incidence différente, puisqu'il se proportionne non à l'engagement de l'assuré, mais aux valeurs sur lesquelles porte le contrat et qui entraînent des taux d'assurances trèsdivers à cause de la diversité des risques. M. Coode a prétendu que l'impôt sur la somme assurée présente un heureux ajustement de la charge avec les moyens de ceux qui peuvent la supporter, l'impôt étant comparativement lourd lorsque la propriété a une grande valeur et qu'elle est en même temps sujette au moindre taux d'assurance, et com

parativement léger lorsque la propriété est plus précaire et sujette à une charge plus forte en vue de la garantie contre l'incendie (1).

M. Brown a révoqué en doute la justesse de cet aperçu, et il s'est demandé s'il est équitable qu'une taxe de 200 p. 100, par rapport à la prime d'assurance, soit établie sur un individu parce qu'il est proprié– taire d'une maison, et une taxe de 3 p. 100 seulement sur un autre individu parce qu'il est propriétaire d'un théâtre. Les primes d'assurances sont en effet les épargnes prévues par un certain nombre d'individus pour réparer les pertes qu'ils peuvent subir, et les chances diverses qui déterminent le montant nécessaire de ces épargnes entrent dans les calculs naturels des constructeurs et acheteurs des propriétés qu'elles affectent.

Cette incidence de l'impôt a beaucoup moins préoccupé nos voisins que le taux de l'impôt lui-même. Sur ce dernier point, voici en quels termes M. Brown a clos la dissertation que nous avons déjà si souvent citée « Il n'y a pas moyen de douter que la taxe ne soit ressentie comme outrée et oppressive; qu'elle ne décourage l'extension sérieuse de la pratique prudente de l'assurance, qu'elle ne laisse par conséquent sans protection une grande partie de la propriété, et que la réduction de l'impôt à 1 sh. 6 d. pour 1001. ne dût rapidement accroître les assurances de manière à laisser subsister le produit du revenu public (2). » Depuis lors, il a été quelquefois question, dans les débats du parlement, de l'insurance duty comme sujette à révision. L'avenir nous instruira sur les effets que peut produire cette sorte de conviction générale en Angleterre, et nous sommes portés, pour notre part, à considérer l'impôt établi chez nos voisins sur l'assurance comme vraiment excessif.

Il paraît que le gouvernement russe se serait rapproché de la législation française en établissant, vers 1847, une taxe de 3/4 p. 100 sur le montant de chaque police d'assurance (3). Mais nous ignorons le produit de cet impôt pour le trésor russe.

$ 6. BAUX ET ANTICHRÈSES. EFFETS DE COMMERCE.

CONVENTIONS DIVERSES.

Une sorte de contrat qui, en France et partout, a toujours eu un grand développement, le bail, a depuis longtemps été soumis à l'impôt.

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