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La loi du 22 frimaire an VII (art. 69) avait fixé le droit d'enregistrement des baux à ferme et à loyer à raison de 1 fr. par 100 fr. sur le prix cumulé des deux premières années, et de 25 cent par100 fr. sur le prix cumulé des années suivantes. Ce tarif fut modifié par la loi de ventôse an IX qui, en suivant les mêmes distinctions que dessus, réduisit la taxe à 75 c. et à 20 c.

Cet état de choses était encore susceptible de grandes améliorations : le gouvernement entreprit cette tâche en 1824. On fit remarquer qu'une taxe trop lourde avait l'inconvénient de développer les baux sous seing privé, et que les contrats de cette nature n'offraient pas suffisamment de garanties aux parties contractantes. Enfin, la diversité des taxes à percevoir sur un même bail parut une complication inutile dans la perception de l'impôt.

La loi du 16 juin 1824, art. 1°, est ainsi conçue : « Les baux à ferme ou à loyer des biens meubles et immeubles, les baux de pâturage et nourriture d'animaux, les baux à cheptel ou à reconnaissance de bestiaux, et les baux ou conventions pour nourriture de personnes, lorsque la durée sera limitée, ne seront désormais soumis qu'au droit de 20 c. par 100 fr. sur le prix cumulé de toutes les années.

Le droit de cautionnement de ces baux sera de moitié de celui fixé par le présent article. »

Bien que cette réduction sur l'impôt fit craindre une diminution de recette de 650,000 fr. (en supposant que le nombre des baux sous seing privé restât le même), la loi fut adoptée sans discussion.

Mais les deux modifications dont il vient d'être question, apportées par la loi du 27 ventôse an IX et par celle du 16 juin 1824 sur l'enregistrement des baux, ne concernent que les baux à durée limitée. Quant aux baux à durée illimitée, ils restent soumis à la loi primitive du 22 frimaire an VII, art. 69, § 7, n° 2, ainsi conçu :

<< Sont soumis au droit de 4 fr. par 100 fr. les baux à rentes perpétuelles de biens immeubles, ceux à vie et ceux dont la durée est illimitée. »

Enfin la loi de l'an VII, comme celles de l'an IX et de 1824, ne concerne que les baux présentés à l'enregistrement. Un professeur de droit administratif, M. Serrigny, a fait observer, à cet égard (Journal des Économistes de 1854, t. 3), que la plupart des baux de biens immeubles sont faits sur papier libre et qu'ainsi l'État perd à la fois les droits de timbre et d'enregistrement; que ces baux ne peuvent servir, en cas de contestation, ni au propriétaire ni au fermier, et qu'ils sont qualifiés

verbaux par les parties, afin d'éluder les dispositions de la loi de l'enregistrement, car la Cour de cassation a décidé (arrêts des 12 et 17 juin 1844) que l'administration ne pouvait pas être fondée à percevoir le droit sur les baux verbaux comme elle peut le faire sur les ventes verbales d'immeubles.

On peut donc se demander si, dans ces conditions, il ne serait pas préférable que tous les baux, verbaux ou écrits, fussent soumis à une taxe d'enregistrement, le droit actuel subissant, par exemple, une nonvelle réduction en rapport avec le système nouveau.

En assurant au trésor une perception régulière et facile de la taxe sur laquelle il est sans doute souvent trompé aujourd'hui, cet état de choses aurait l'avantage de protéger à la fois le bailleur et le preneur contre la mauvaise foi de l'un ou de l'autre ; il servirait à faire connaître le rapport entre le revenu cadastral et le revenu véritable, la valeur réelle des biens vendus ou des immeubles échangés, et aiderait à établir sur une assiette quelquefois meilleure l'impôt foncier qui pèse sur quelques départements -La perte que le Trésor doit éprouver par les baux verbaux aujourd'hui n'est pas évaluée; mais on peut voir qu'elle doit être considérable, par ce fait qu'en 1858 l'impôt sur les baux et antichrèses n'a pesé que sur environ 900 millions de valeurs et ne s'est élevé qu'à 1,932,475 fr., tandis qu'il y a, suivant quelques personnes, plus de 3 milliards de revenus provenant de fermages dans notre pays.

D'après Mac Culloch, le droit sur les baux en Angleterre serait de 1/2 p. 100 de la rente réservée.

Effets de commerce. Occupé à atteindre les capitaux dans leur transmission, le législateur a dû se préoccuper des valeurs commerciales. valeurs considérables, tout aussi légitimement imposables que les autres, mais bien plus difficiles à saisir dans la circulation. Pour arriver à ce but, on a eu recours au timbre proportionnel, c'est-à-dire gradué d'après les sommes à exprimer sur les effets de commerce, ce qui établissait une taxe bien inférieure à celle qui est assise sur le capital intéressé dans les transactions civiles, comme nous le verrons tout à l'heure, mais aussi plus en harmonie avec la nature de l'objet qu'il fallait imposer.

Pour bien déterminer les modifications que la législation a subies en cette matière, recherchons-en le véritable esprit. Les rapports faits à l'Assemblée constituante en 1791 et, depuis cette époque, aux diverses

assemblées législatives qui lui ont succédé, ne laissent, sur cet esprit, aucune incertitude. Il en résulte : 1° que la constitution de l'enregistrement et celle du timbre, qui en est l'émanation, ont été, autant que possible, mises en harmonie; 2° que la proportionnalité dans le droit a été admise comme compensation des avantages attachés à certains actes soumis au timbre.

Ainsi, la loi du 14 thermidor an IV fixait le droit à 1 fr. pour le billet de 1,000 fr. Il a été réduit à 50 c. par la loi du 13 brumaire an VII, puis augmenté de 2/5 par la loi du 28 avril 1816, et fixé à 35 c. par la loi du 16 juin 1824 pour les billets de 500 fr. et au-dessous. La loi du 24 mai 1834 l'a réduit de nouveau de 35 c. à 25 c. pour les billets de 500 fr., et de 70 c. à 50 c. pour les billets de 1,000 fr. Enfin la loi du 20 juillet 1837, dans son article 16, a admis des coupons de 300 fr. et fixé le droit à 15 c. au lieu de 25 c. pour les billets de 300 fr. et au-dessous. Ainsi déterminé, l'impôt du timbre sur les effets de commerce est à l'abri de toute critique.

Quoique juste dans son application, cet impôt rencontrait, dans les habitudes du commerce, une résistance opiniâtre, et tous les efforts tendaient à l'éluder. La confiance, qui détermine souvent la circulation et la transmission des titres, contribue puissamment à favoriser les contraventions et à les faire échapper à la surveillance de l'autorité publique.

Après avoir constaté les fraudes nombreuses dont elles étaient l'objet, le législateur, pour assurer le recouvrement d'un impôt légitime dans son principe, irréprochable dans les formes de sa perception, s'était d'abord attaché à en diminuer la quotité: puis, pour donner toute façilité au commerce et enlever un prétexte spécieux aux habitudes d'illégalité, l'administration s'appliqua à généraliser le débit des coupons

timbrés.

Vaines précautions! le but qu'on s'était proposé n'a pas été atteint : les effets émis pour les plus fortes sommes ont continué à circuler sans la formalité du timbre, et dès 1841 le trésor constatait, à son préjudice, une perte annuelle de plus de 7 millions.

Frappé de l'insuffisance de la législation et de la nécessité de la modifier, le gouvernement de 1850, ayant reconnu que le relâchement qui existait dans le recouvrement de l'impôt sur le timbre proportionnel était non-seulement préjudiciable au trésor, mais encore injuste et immoral, youlut faire cesser un pareil abus en sanctionnant ces lois d'une manière suffisante.

Pour obtenir la perception régulière et complète de cet impôt sans grever le commerce d'entraves nuisibles, et pour faire, en même temps, pénétrer la réforme dans les consciences et dans les habitudes, il fallait deux choses rendre l'exécution de la loi plus facile et l'inexécution plus dangereuse.

Persuadé que les avantages qu'une nouvelle loi pourrait offrir au commerce contribueraient activement à l'emploi du timbre, le gouvernement de 1850, par la loi du 5 juin (art. 1), étendit les conséquences de la loi de 1837 de la manière suivante :

« Art. 1. Le droit de timbre proportionnel, sur les lettres de change, billets à ordre ou au porteur, mandats, traites et tous autres effets négociables ou de commerce, est fixé ainsi qu'il suit :

«A 5 centimes pour les effets de 100 francs et au-dessous; « A 10 c. pour ceux au-dessus de 100 fr. jusqu'à 200 fr.; A 15 c. pour ceux au-dessus de 200 fr. jusqu'à 300 fr.; « A 20 c. pour ceux au-dessus de 300 fr. jusqu'à 400 fr.; « A 25 c. pour ceux au-dessus de 400 fr. jusqu'à 500 fr.; « À 50 c. pour ceux au-dessus de 500 fr. jusqu'à 1,000 fr.; << A 1 fr. pour ceux au-dessus de 1,000 fr. jusqu'à 2,000 fr.;

A 1 fr. 50 c. pour ceux au-dessus de 2,000 fr. jusqu'à 3,000 fr.; «A 2 fr. pour ceux au-dessus de 3,000 fr. jusqu'à 4,000 fr., et ainsi de suite en suivant la même progression et sans fraction. >

Pour garantir l'efficacité de la loi on frappa, dans son principe, la négociation d'un titre non timbré, en vertu des dispositions de l'article qui suit:

« Art. 5. Le porteur d'une lettre de change non timbrée n'aura d'action, en cas d'acceptation, que contre l'accepteur et contre le tireur, si ce dernier ne justifie pas qu'il y avait provision. En cas de non acceptation, il n'aura d'action que contre le tireur. Le porteur de tout autre effet n'aura d'action que contre le souscripteur.

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La loi du 11 juin 1859 a établi le timbre mobile pour les effets de commerce venant de l'étranger ou des colonies dans lesquelles le timbre n'est point établi.

En Angleterre, il y a un droit de timbre sur les lettres de change, et en outre les chèques, sortes de bons au porteur, d'un usage trèsrépandu à Londres et aux États-Unis, ont éte imposés à 1 penny, en 1858, en tant, toutefois, qu'ils représentent non plus des certificats de

dépôt réalisables sur-le-champ, mais des billets à échéance plus ou moins éloignée. Car, dans le premier cas, ils ne font que remplacer les espèces monnayées et nesupportent aucun droit.

Nous ignorons encore quel a été le produit de cet impôt, mais, dans l'année terminée au 31 mars 1857, les comptes britanniques nous donnent, pour les lettres de change, un produit net de 520,894 liv. sterl., et les billets de banque ont donné, soit directement, soit par suite des abonnements consentis avec diverses banques, 70,106 liv. sterl.

En France, en 1859, les billets à ordre, au droit de 50 c. 0/0, ont produit à l'enregistrement.

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1,108,162 fr. 182,583

Les lettres de change, au taux de 25 c. 0/0. Les ans et les autres ont contribué, pour une part considérable, au produit des droits de timbre proportionnel perçus sur les effets de commerce, les obligations et les actions dans les sociétés, et qui ont fourni, en 1859, un total de 12 à 13 millions (1).

Nous pourrions mentionner encore quelques contrats frappés, en France, de droits d'enregistrement, comme les contrats d'apprentissage, les obligations à la grosse aventure, les cautionnements. La lecture des comptes de recettes renferme presque tout ce que nous pourrions rapporter d'intéressant sur ces éléments très-accessoires et peu productifs des droits d'enregistrement sur les actes entre-vifs.

ESQ. DE PARIEU,

de l'Institut.

(1) Voy. les détails dans le compte définitif des recettes de 1859, p. 136.

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