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qu'il conviendra que le rapport annuel ou les annexes qui l'accompagneront, présentent :

1 Une analyse des voeux exprimés et des résolutions adoptées par le conseil général à sa dernière session, avec l'indication de la suite qui y aura été donnée et des solutions ou observations dont ils auront été l'objet ;

2o Un résumé des vœux émis par les conseils d'arrondissement, dans la première partie de leur session, avec les observations ou l'avis du préfet sur chacun de ces vœux ;

3° Un tableau ou résumé des propositions du budget du prochain exercice, dans lequel on indiquera, en regard de chaque chiffre, l'allocation du budget de l'exercice courant, et, sommairement, les motifs des augmentations ou des diminutions que ferait ressortir la comparaison des deux budgets.

Ces renseignements, déjà fournis dans plusieurs départements, sont indispensables pour éclairer les membres des conseils généraux et leur permettre de suivre avec fruit les discussions qui ont lieu au sein des commissions et dans les réunions générales. En facilitant les études préparatoires, ils sont aussi de nature à prévenir les questions et les discussions oiseuses ou intempestives et à abréger ainsi la durée des sessions.

Enfin, nous croyons que le ministre devra autoriser la publication, par la presse locale, des délibérations des conseils généraux. La publicité est dans les mœurs et les besoins de l'époque. Un grand nombre de conseils généraux l'ont compris en autorisant l'insertion, dans les journaux, des résultats de leurs séances, et le public s'étonne avec raison de voir interdire dans quelques départements ce qui est permis dans d'autres. Dans un rapport au roi, Necker disait, il y a quatre-vingts ans: .... Je crois que le relâchement d'un grand nombre d'administrations est dû à l'obcurité dont elles s'enveloppent. Tout se fùt ranimé si elles avaient eu à comparaître devant le tribunal de l'opinion; les regards publics sont les seuls qui puissent suffire à l'immensité des observations dont toutes les parties de l'administration sont susceptibles. Sans doute ces regards importunent ceux qui gèrent les affaires avec nonchalance; mais ceux qu'un autre esprit anime, voudraient multiplier de toutes parts la lumière. »

Que de vérité dans ces paroles, encore aujourd'hui si opportunes! Nous pourrions étendre ces observations, car la matière est vaste et comporte de longs développements; mais, nous l'avons dit en commençant, nous voulions nous borner à l'examen de quelques points, et il nous semble que les mesures que nous avons sommairement indiquées, quoique incomplètes, donneraient une nouvelle vie aux corps électifs; qu'elles exciteraient leur émulation et contribueraient puissamment à

une meilleure et plus prompte expédition des affaires, sans compromettre les droits ou l'autorité du pouvoir central.

On peut examiner de plus haut les questions qui touchent à la centralisation, et on l'a déjà fait ailleurs, en les abordant par le côté politique; mais au point de vue pratique, usuel, celui des affaires, nous pensons qu'il conviendrait de s'en tenir aux moyens ci-dessus indiqués, ou d'adopter d'autres mesures analogues. En résumé, selon nous et d'après l'avis de tous les hommes de bonne foi et de bon sens, il faut, pour atteindre le but de la décentralisation et donner au pays les justes satisfactions qu'il attend, sans affaiblir le pouvoir central en ce qui concerne les choses dont le règlement doit nécessairement lui appartenir, il faut, disons-nous 1° Etendre les attributions des conseils municipaux et des conseils généraux librement élus; 2o compléter l'organisation, aujourd'hui insuffisante, des conseils de préfecture et des bureaux de préfecture et de sous-préfecture (1); 3o enfin, établir dans ces bureaux, ainsi que dans ceux des ministères et des administrations centrales, des moyens de surveillance et de contrôle propres à garantir une bonne et prompte expédition des affaires (2). Les salutaires effets de ces mesures se compléteraient par la diffusion des lumières que procure l'étude sérieuse de l'économie politique et du droit administratif.

C'est, à nos yeux, dans ces conditions que la décentralisation administrative sera féconde en heureux résultats. Si elles n'étaient pas remplies, le but serait difficilement atteint, et l'on regretterait que les décrets des 25 mars 1852 et 13 avril 1864 n'eussent pas produit toutes les améliorations en vue desquelles ils ont été rendus.

R. VIGNES.

(1) Les bornes de cet article ne nous permettent pas d'exposer ici quelques vues d'organisation; nous rappellerons seulement, en ce qui concerne les conseils de préfecture, que le vœu public réclame depuis longtemps pour les membres de ces conseils et pour leurs délibérations, des garanties, sinon entièrement semblables, au moins par quelques points analogues à celles qu'offrent, dans les tribunaux ordinaires, l'inamovibilité des juges et les débats contradictoires et publics, garanties dont la nécessité fut reconnue en 1851, par le Conseil d'Etat, dans un rapport sur le projet de loi relatif à l'administration intérieure.

(2) On se plaint souvent de ce qu'on appelle la bureaucratie; on lui reproche des lenteurs, des négligences et bien d'autres abus. Du moment où l'on voit ou croit voir le mal et ses causes, la logique et le bon sens voudraient qu'on cherchât les moyens directs et les plus simples d'y remédier, moyens qu'on trouverait dans une bonne organisation des bureaux (on ne doit pas perdre de vue que, quoi que l'on fasse, quelque système administratif qu'on adopte, il faudra toujours avoir des bureaux) et dans un contrôle réel et effinace de leurs travaux; mais personne n'y songe ou, du moins, ne parait s'en occuper. Singulière contradiction!

LES ENFANTS DES HOSPICES

ET LA MISE EN VALEUR DES TERRES INCULTES

I

Le travail de statistique et d'enquête sur le service de l'assistance des enfants pendant les dernières années a été présenté récemment à M. le ministre de l'intérieur et ne tardera pas à l'être au public. Parmi les résultats qui ressortent de ce travail, M. le ministre a été particulièrement frappé du grand nombre d'enfants de tout âge entretenus dans l'intérieur des hospices, restant ainsi à charge à ces établissements déjà peu riches et à la fois hors d'état de devenir jamais utiles à eux-mêmes. Sur 148,754 enfants assistés en 1860, il s'en trouvait 10,332 dans les maisons hospitalières : 4,026 au-dessous de douze ans, 6,307 de douze ans à vingt et un.

C'est un fait grave, en effet. M. le ministre l'attribue au défaut de démarches suffisantes, de la part des administrations hospitalières, pour le placement de leurs pupilles, et il en a pris occasion pour attirer de ce côté l'attention des préfets. M. le ministre pense que si ces administrations voulaient se donner un peu plus de peine et faire quelques sacrifices, ces enfants mal à propos gardés à l'intérieur pourraient être pris par les cultivateurs; il recommande donc avec instances qu'on s'attache à ce but. Il fait plus, il rappelle tout ce que la vie agricole offre d'avantages pour le service général des enfants assistés. On ne saurait même dire dans des termes meilleurs et avec plus de force comment l'agriculture est l'industrie qui peut en recevoir le plus, qui doit le plus gagner à les prendre et qui est de nature à les conduire le mieux à la vie de famille. Sa circulaire, publiée par le Moniteur (1), a été remarquée et devait l'être.

On doit reconnaître, toutefois, que ces conseils si bien donnés n'importeraient guère à l'amélioration du service qu'ils concernent s'ils n'étaient pas le commencement ou l'annonce de mesures propres à ouvrir bien grandes à tout ce service les voies qu'ils indiquent. A défaut de ce caractère, la circulaire du 17 avril dernier resterait un de ces vains appels en faveur de la vie rurale qui ont été comme de style dans tant

(1) 17 avril 1860.

«

de communications administratives et moyennant lesquels on s'est cru si longtemps quitte vis-à-vis de l'agriculture. Il est probable en outre que très-peu d'administrations hospitalières prendraient pour elles et ces conseils et la part de torts qu'ils impliquent, tout en s'associant de grand cœur aux tendances qui s'y manifestent et aux fins qu'ils ont en vue. Assurément, il doit se rencontrer de l'incurie et de l'inhabileté chez plus d'une de ces administrations; la circulaire du 47 avril constate que << dans des établissements considérables, » c'est-à-dire sans doute au chef-lieu de départements importants, où il semblerait que rien ne dût être en souffrance, l'année dernière encore le tiers de la population hospitalière était formé d'enfants assistés de tout âge et de tout sexe, un grand nombre anciens pupilles qui ne se trouvaient dans les maisons que pour y avoir été gardés inoccupés ou faute qu'on leur eût jamais appris à suffire à leurs besoins par le travail. Il n'est pas moins vrai qu'à généralement parler les administrations hospitalières mettent beaucoup de sollicitude dans l'accomplissement de leur mission. La plupart font tout ce qu'elles peuvent depuis longtemps pour placer leurs enfants, et c'est à l'agriculture surtout qu'elles s'adressent, c'est elle qui leur en prend le plus. Elles donneraient certainement plus d'un motif plausible à la présence dans leurs maisons de ce grand nombre d'assistés. On ne se trompe pas beaucoup, je crois, à dire que l'enquête statistique dont la publication va avoir lieu apprendra qu'à part quelques exceptions ce ne sont pas le dévouement et les efforts qui manquent, mais l'efficacité de ces efforts, et que dans l'état où les choses se sont présentées jusqu'ici il était difficile qu'ils en eussent davantage.

Il faut regarder bien ailleurs qu'à ce grand nombre d'enfants non placés. Les causes de leur présence aux hospices seraient toutes imputables aux administrations qui en ont la tutelle; il n'y aurait pas dans ce nombre les malades, les infirmes, les incurables, qu'elles ne peuvent songer à placer ou qu'elles ont dû reprendre; il n'y en aurait pas beaucoup d'autres qu'il a fallu faire rentrer par des raisons locales ou transitoires: des plaies encore plus graves existent. A coup sûr, c'est un point capital que le placement des enfants. Pour le budget des hospices c'est presque tout, et pour les enfants ce peut être le commencement du succès de leur existence. Mais que les enfants placés réussissent, de quel intérêt n'est-ce pas? Que deviennent, que peuvent devenir les enfants dont l'hospice n'a plus la charge? Là évidemment est le point souverain. Quel est le sort de ces enfants, quelle vie se font-ils une fois accompli vis-à-vis d'eux ce devoir de placement que M. le ministre a tenu surtout à stimuler? En d'autres termes, à quoi aboutit cette grande famille d'orphelins dispersée annuellement par ses tuteurs dans les diverses voies du travail? Voilà ce qu'il faut se demander, et si les résultats ne sont point ce que les sacrifices ou le dévouement qu'ils

coûtent commanderaient ou supposeraient qu'ils fussent, voilà ce qui mérite sollicitude.

Dans la grande généralité des faits, voici ce qui se produit.

On sait que les enfants sont placés en nourrice à la campagne. II arrive ceci quelques-uns tombent chez de braves gens qui les gardent comme les leurs propres; ce sont de beaucoup les plus favorisés, mais non les plus nombreux. Parmi les autres, certains, quoique moins heureux, parviennent cependant par leur caractère, par leurs aptitudes, par des circonstances diverses, à se faire une existence, à prendre rang d'habitant aux lieux où ils ont été élevés. Mais pour la plupart c'est le contraire; ils ne peuvent triompher de leur origine. L'enfant de l'hospice est mal vu presque partout. Le curé, qui semblerait un protecteur naturel pour lui, se montre l'opposé; il le trouve d'un mauvais exemple; l'assistance qu'il reçoit, les soins qu'on prend de lui lui semblent une atteinte à la moralité de la famille. L'enfant perd ainsi l'appui dont il aurait besoin; il se voit rejeté de l'instruction religieuse de la paroisse et dès lors de tout. L'administration de l'hospice est contrainte de le ramener chez elle pour le faire admettre à la première communion.

Cette première phase de l'assistance finit ainsi à un écueil pour la plupart des enfants; la phase qui suit en a bien d'autres. L'hospice recommence pour cet enfant adulte les mêmes démarches qu'au début. Il faut lui trouver de l'emploi, on s'adresse partout; on sollicite les cultivateurs du pays, les industries voisines ou éloignées, tous les ateliers qui demandent des bras, la domesticité des villes. Il n'y a pas d'ouvrier pour qui tant d'informations soient prises, le placement plus étudié. Pourtant, à part ceux qui peuvent être placés dans l'agriculture, très-peu réussissent en fin de compte. Mis à des travaux qu'ils n'ont pas appris ou à des ouvrages trop rudes pour leur éducation physique, jetés au milieu d'habitudes qui leur sont étrangères, dépaysés et isolés, maîtres d'eux-mêmes tout d'un coup et ayant à se conduire tout seuls en sortant d'une vie disciplinée et sans initiative, les moindres difficultés les rebutent, les plus petits défauts qu'ils aient prennent des conséquences graves, ils tombent où les autres ne feraient que buter, les filles surtout; on ne le verra que trop bien pour peu que les investigations du nouveau travail statistique aient porté de ce côté. De ces enfants pour qui on a cherché ainsi le travail dans toutes les voies, qu'on y a établis à grand' peine, qu'on a suivis après le plus qu'on a pu, ceux à qui la vie rurale n'est pas ouverte sont voués à l'insuccès en majeure partie, et toute la sollicitude prise, tout le dévouement dépensé, tous les frais qu'on a faits ne servent ainsi, trop de fois, qu'à créer un être misérable ou qui ne tarde guère à se dépraver.

La certitude et l'efficacité du placement, c'est donc là ce qui manque . aux administrations hospitalières, non le zèle pour placer. A peu près

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