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Rhône, le Nord, les Bouches-du-Rhône, la Loire, la Gironde, Seineet-Oise, la Loire-Inférieure, la Seine-Inférieure, sont des foyers permanents d'attraction, dont l'action s'est particulièrement fait sentir en 1856. Les deux départements du Rhin viendraient immédiatement après, si leur population n'était incessamment réduite par l'émigration transatlantique.

On observe, dans l'accroissement de la population de certains départements, de brusques variations dont il faut probablement chercher l'explication dans l'entreprise et l'achèvement de grands travaux publics, en ce sens, par exemple, qu'une agglomération d'ouvriers étrangers, attirés par la construction d'un chemin de fer ou d'un canal et recensés en 1851 ou 1856, aurait cessé d'exister en 1861. C'est ainsi que l'on voit une augmentation de 12,155 individus constatée dans le Cher, en 1854, à l'époque de l'établissement du chemin de fer du Centre, se réduire à 8,064 en 1856 et à 3,263 en 1861, malgré les progrès constatés de l'industrie sidérurgique dans ce département. L'Allier présente un phénomène de même nature et motivé, nous le croyons, par les mêmes circonstances. Sa population qui, de 1846 à 1851, s'est accrue de 6,680 et de 15,597 dans la période quinquennale suivante, n'augmente plus que de 4,266 de 1856 à 1861, malgré la grande extension des forges de Montluçon et de l'exploitation des houillères de Commentry.

Quelquefois, la découverte de nouveaux gîtes houillers suffit pour déterminer un accroissement de population considérable. Le Pas-deCalais en offre une preuve. Au lieu d'une diminution de 4,461 en 1851, ce département s'accroit de 4,545 en 1856, et de 25,784 en 1861. Or, on sait combien l'industrie charbonnière s'y est rapidement développée dans ces dernières années.

Il est également probable, pour citer une autre particularité, que l'extension des murs d'octroi de Paris, en 1860, et, bien avant, le renchérissement des locations et des terrains, tant à Paris que dans la nouvelle banlieue, ont décidé un certain nombre de personnes et d'industries à émigrer dans les départements contigus à la Seine. Comment expliquer autrement, en effet, l'énorme et subit accroissement survenu, de 1856 à 1861, dans Seine-et-Oise (25,569 en 1864, au lieu de 6,747 en 1856)? Dans les départements viticoles, la population n'obéit pas à un mouvement uniforme. Pendant que l'Hérault progresse sans relâche (3,963 en 1851, 6,908 en 1856, 10,816 en 1861), l'Yonne diminue de 1851 à 1856, et ne réalise, de 4856 à 1864, que le faible accroissement de 2,376. C'est que, dans ce département, la culture viticole a atteint depuis longtemps son plus grand développement possible et qu'il en était autrement dans l'Hérault, où le traité de commerce avec l'Angleterre a donné à cette culture une impulsion des plus vives. La Gironde

progresse plus rapidement encore que l'Hérault (11,836 en 1854, 26,447 en 1856, 26,347 en 1861). Mais il convient de dire que cette grande prospérité n'est pas due seulement au vaste développement de sa viticulture (l'industrie agricole qui, comme on sait, exige le plus de main-d'œuvre); on peut croire que le mouvement toujours croissant de son port y prend une part notable.

Nous avons vu figurer le plus grand nombre des départements montagneux dans la série des perdants; nous trouvons les autres dans celle des moins gagnants. En 1851, les Pyrénées-Orientales, l'Aude, la Lozère, la Creuze et la Haute-Garonne n'ont que des accroissements insignifiants; il en est de même pour l'Aveyron et les Pyrénées-Orientales, en 1856, pour la Haute-Garonne, l'Ariége et le Jura en 1861.

Le tableau ci-après résume les accroissements successifs, absolus et relatifs, pour chaque période et par année, de la population des 86 départements depuis 4804:

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L'accroissement total, depuis 1801, est de 9,406,868; c'est 34.40 pour 100 pour la période entière, et 0,57 par année. Si cette proportion (qui d'ailleurs, comme on le voit, a diminué à peu près constamment depuis 1831) se maintenait, la population de la France doublerait en 122 ans.

Dans le même intervalle, l'accroissement par l'excédant des naissances sur les décès a été de 9,525,869. Ces deux chiffres sont remar

quablement semblables; la différence (149,001) répartie sur un intervalle de 61 ans, étant à peine de 4,950 par an. On trouve dans ce fait curieux la preuve, d'une part, de l'exactitude relative de nos recensements, de l'autre, de la balance qui paraît s'établir entre nos émigrations et immigrations.

Au 30 juin 1861, il existait en France 37,513 communes. Ce nombre a varié, à diverses époques, dans les proportions suivantes :

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Le nombre des communes, après avoir diminué sans relâche, de 1836 à 1846, par l'enlèvement de l'autonomie municipale à quelques centaines de bourgs de nulle importance, s'élève tout à coup à partir de 4851, reste à peu près le même en 1856, et s'accroît très-sensiblement dans les cinq années suivantes. Si l'on considère que près de 28,000 communes en France, ou les trois quarts du nombre total, ont une population de moins de 4,000 habitants, et ne réunissent ainsi que trèsdifficilement le personnel d'une administration éclairée; si l'on songe en outre que les communes nouvellement créées sont plus souvent des démembrements d'autres localités déjà sans importance, et ne peuvent faire face à leurs dépenses obligatoires qu'avec des centimes additionnels, on regrettera involontairement ce triste progrès du morcellement administratif du sol.

L'équation sexuelle a oscillé, depuis 1805, ainsi qu'il suit. Le premier nombre désigne le sexe masculin, le second le sexe féminin.

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A partir de 1824, la supériorité numérique des femmes a constamment diminué (sauf une exception apparue en 1856, motivée par l'omission d'une partie de l'armée). Ce fait s'explique par la prédominance des garçons dans les naissances, prédominance dont l'effet, diminué très-sensiblement par les grandes guerres du premier Empire, a repris depuis, sous l'influence d'une paix prolongée, presque toute sa valeur naturelle.

L'état civil a subi les modifications ci-après depuis 1821 :

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Le fait dominant de ce tableau est l'accroissement des mariés des deux sexes, et comme double corrélatif, 1° celui des veufs et veuves; 2o la diminution des enfants et célibataires. On remarque que le nombre des veufs s'est accru dans une plus forte proportion que celui des

veuves.

La population domiciliée (c'est-à-dire distraction faite des populations flottantes) des villes chef-lieux d'arrondissement, s'est accrue, de de 1846 à 1861, dans les proportions ci-après :

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On voit que la proportion d'accroissement des agglomérations urbaines, déjà très-rapide de 1851 à 1856, a plus que doublé de 1856 à 4861. Ce mouvement de concentration de plus en plus rapide des populations est un symptôme sur la gravité duquel il n'est plus permis de se méprendre.

IV

Tous les renseignements et calculs qui précèdent, s'appliquent, comme nous l'avons dit, aux 86 départements de l'ancienne Franee. Il nous reste à indiquer l'accroissement de population résultant de l'annexion de la Savoie et du comté de Nice.

Nous avons vu que la population civile des 86 départements s'est accrue de 670,506 dans la dernière période quinquennale. Ceci posé, et le nombre des habitants des provinces annexées étant de 660,772, nous arrivons à une augmentation totale de 1,331,278 âmes, soit pour la France entière nouvelle, une population civile, au 1er juin 1861, de 36,697,245. En y ajoutant l'armée dont l'effectif à la même date (déduction faite des troupes étrangères ou indigènes d'Afrique) s'élevait, d'après les états fournis par le ministère de la guerre, à 454,505 hommes, on a le total définitif de 37,421,750, se décomposant ainsi qu'il suit:

Population totale (armée comprise) des 86 anciens départ.... 36,755,87! Population (armée comprise et distraction faite de l'arrondisse

ment de Grasse) des trois nouveaux départements.......

Population totale des 89 départements.........

665,879

37,421,750 (1

A. LEGOYT.

(1) D'après les documents publiés par le ministère de l'intérieur, la population totale ne serait que de 37,382,255. La différence (39 495) s'explique par ce fait qu'au lieu de prendre le chiffre de l'armée d'après le dénombrement, nous l'avons extrait de l'état officiel du ministère de la guerre au 1er juin 1864.

CORRESPONDANCE

Les chemins de fer et l'État.

Monsieur le rédacteur,

Je viens de lire dans le Journal des Économistes le compte rendu de la discussion qui a eu lieu le 5 décembre dernier dans le sein de la Société d'économie politique, sur la question de savoir si les compagnies étaient plus aptes que l'État à exploiter les chemins de fer.]

Après avoir suivi avec attention le débat auquel la question posée par notre savant collègue, M. Dupuit, a donné lieu, il m'a semblé qu'une erreur de fait avait été commise, et qu'un point de vue essentiel avait été négligé; je vous demande la permission de redresser l'une et de signaler l'autre.

En premier lieu, M. Dupuit a affirmé que les tarifs appliqués par les compagnies, comme les plus avantageux pour les actionnaires, étaient un obstacle pour le commerce et une cause de diminution notable pour le trafic.-Je crains bien, je pourrais dire : j'ai la certitude que la seconde partie de cette affirmation repose sur une erreur matérielle. Cette erreur est démontrée, en effet, par la simple comparaison des tarifs appliqués par les compagnies, avec les tarifs légaux que les cahiers des charges autorisent à parcourir; elle ressort également d'une circonstance connue de tout le monde, c'est que l'État n'est intervenu d'une manière active dans la question des tarifs que pour annuler ceux qui offraient les plus fortes réductions au commerce et à l'industrie : les tarifs spéciaux et les tarifs d'abonnement. Les recueils de jurisprudence renferment à cet égard un document très-instructif. Lorsque l'État exploitait lui-même le chemin de fer de Lyon, avant de concéder à la compagnie actuelle, il avait passé, avec des chargeurs, des contrats de transport à prix trèsréduits pour un certain nombre d'années. L'exécution de ces contrats fut naturellement mise à la charge de la compagnie concessionnaire, qui se trouva par suite dans une étrange situation le jour où le ministre des travaux publics lui signifia, comme à toutes les autres, le retrait de l'homologation des tarifs spéciaux d'une part, la compagnie était en présence d'un contrat passé par l'État et que le chargeur la sommait d'exécuter; de l'autre, l'État, son cédant, celui qui avait contracté, lui défendait d'exécuter le contrat et tous autres semblables. Que faire dans cette position? Obéir à l'ordre ministériel, bien entendu; c'est ce que fait la compagnie; mais le chargeur, fort de son droit, proteste, fait un procès, le gagne, et la compagnie est obligée de résilier son marché et ceux de même nature, moyennant une indemnité à sa charge.

Ce n'est pas ici le lieu de rentrer dans le débat qui eut, il y a deux ans. un si grand retentissement, et dans lequel M. Teisserenc, M. de Chasseloup, M. Audibert, M. Marc, M. Boinvilliers, ont porté tant de lumière; mais, pour tous ceux qui en ont gardé le souvenir, il est certain que les compagnies ont toujours cherché à trouver l'intérêt de leurs actionnaires dans les combinaisons de tarifs qui assureraient le plus complétement la régularité des transports et l'utilisation du matériel circulant, c'est-à-dire dans les tarifs les plus bas pour obtenir le plus grand trafic.

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