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de six mois à un an; puis, selon le degré d'amendement, il est dirigé sur les pontons de Wolwich, envoyé aux travaux publics de Portland, embarqué pour les colonies du cap de Bonne-Espérance ou de Van-Diemen. Ces graduations répondent aux exigences requises; le condamné sait qu'il a en lui les moyens d'alléger les rigueurs du châtiment.

Des études nombreuses qui ont été faites sur le système cellulaire absolu, il résulte qu'il serait sage de l'écarter à tout jamais comme contraire à la morale, comme barbare et surtout comme impuissant à améliorer, à moraliser le coupable.

Le livre que nous examinons aujourd'hui traite la question du système pénitentiaire avec une grande profondeur de vue, et un incontestable amour du bien public. L'auteur se place à un point de vue philosophique élevé, et, s'entourant de l'opinion des maîtres de la science, il examine ce qui existe et propose ce qu'il croit meilleur dans l'intérêt de la société, dans l'intérêt de la moralisation de l'homme qui a été assez malheureux, assez mal inspiré pour se mettre violemment en dehors de ses lois.

Ce livre est l'une des deux parties d'un grand travail de l'auteur sur les conditions auxquelles la société peut exister forte, puissante et morale; il y démontre la nécessité non-seulement de réprimer et de punir les coupables, mais encore de les moraliser. Cette double obligation doit conduire à prévenir les développements des mauvais penchants de l'âme humaine et à guérir ceux dont la perversité a faussé le sens moral.

Ces deux grandes divisions de l'action sociale ont conduit l'auteur à consacrer ses veilles à la conception de deux ouvrages importants qui se complètent l'un l'autre ; le premier a pour titre: Système social; nous lui avons consacré ici même un long article; le second, celui qui doit nous occuper aujourd'hui, est intitulé Système pénitentiaire complet.

Dans le Système social, l'auteur prend l'homme à son entrée dans la vie, il le suit dans toutes les phases de sa carrière, il étudie son éducation privée, son éducation publique, il montre les principaux types de l'homme social et complète cette étude par celle des lois organiques, des mœurs, des usages de la famille et de la société ; il dévoile les causes premières des vices, des perturbations et des crimes et expose ses théories pour arriver à prévenir ces crimes, ces perturbations et ces vices.

Aujourd'hui, suite logique de notre première appréciation, nous venons examiner la seconde partie d'un travail entrepris à un point de vue philosophique élevé, avec la préoccupation du bien et du bon, sans prétention à la panacée universelle, mais avec le loyal sentiment d'un concours de bonne foi à l'œuvre commune des publicistes et des philosophes qui veulent éclairer la société, sans lui cacher ses plaies et la guérir sans charlatanisme.

Dans le système social, dit l'auteur, nous avons fait l'hygiène de la société ; dans le système pénitentiaire nous en exposons la thérapeutique.

L'auteur résume ainsi par des indications fondamentales le but et les motifs de son système: Par quels moyens la société blessée dans ses droits, menacée dans son existence, pourra-t-elle 1° intimider le crime; 2° punir le coupable; 3o réhabiliter l'homme déchu; 4o prévenir la récidive des méfaits.

L'auteur considère l'homme victime de ses instincts, de ses passions, de ses

erreurs. des mauvais enseignements qu'il a reçus, des funestes exemples qu'il a recherchés ou qui sont venus, avec tant de calamités pour lui, se dresser impitoyablement sur son passage; des pernicieux conseils dont il n'a pas eu l'intelligence, la raison, la sagesse ou le courage de se défendre; il montre ce malheureux faisant le premier pas dans la fatale carrière des contraventions, des délits et des crimes, parcourant avec une effrayante rapidité les voies si justes, mais progressivement si terribles de la répression légale. Il appelle une punition exemplaire, une punition très-énergique pour le forfait médité, pour la perversité réfléchie; mais en même temps il demande pitié, commisération, pour le méfait inconsidéré, pour l'inexpérience et le fatal entraînement.

Punir et moraliser; telle est la pensée fondamentale du beau travail de M. Lepelletier de la Sarthe. Il passe en revue cette terrible chromatique de l'arrestation, de la prison préventive, de la maison de correction, de la prison ordinaire, de la maison de réclusion, de l'ancien bagne, de la prison cellulaire, de la déportation simple, des travaux forcés et de la mort!

Nous avons, dans l'article que nous avons consacré à l'examen du système social, adressé un reproche à l'auteur, c'est celui de noyer ses propres appréciations au milieu d'un océan de citations. Nous regrettons que la même faute ait été commise dans le livre que nous examinons; certes ce sont les maîtres dont l'auteur invoque le témoignage, les Hovar, les Bentham, les Beccaria, les Bérenger, les Lucas, les Laborde, les Carnot, les Watteville, les Faustin Hélie, les Dupin, les Rouher, les Wolowski et bien d'autres; l'on ne saurait mieux choisir ses appuis en ces matières; mais une intervention trop fréquente de ces noms parfaitement autorisés enlève une partie de son individualité au criminaliste dont nous apprécions le travail.

L'auteur porte son attention successivement sur l'action judiciaire, sur l'action pénale, sur l'action moralisatrice, et il expose son système pénitentiaire en vue des considérations suivantes : L'inculpé souvent n'est pas coupable, et dans cette effrayante pensée, la société dont l'impartiale justice ne saurait trop se dégager ici de toute préoccupation personnelle, doit épuiser consciencieusement jusqu'au dernier moyen de s'éclairer assez pour ne pas condamner un innocent. Elle doit proportionner le châtiment à la faute, et ne jamais, dans son action pénale, dépasser la mesure invariablement prescrite par la raison, la justice et l'humanité. Elle doit, par les secours puissants d'une philanthropie, d'une charité bien entendues, rébabiliter l'homme déchu mais accessible au repentir; le sauvegarder avec sollicitude contre les dangers toujours croissants d'une funeste récidive.

L'œuvre que nous examinons contient un remarquable passage sur la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray. L'auteur y étudie avec un soin scrupuleux cet intéressant établissement qui a servi de modèle aux établissements belges dont nous avons eu l'honneur de parler ici même.

Nous avons hâte de dire que l'auteur s'incline devant la décision qui supprime les bagnes ; il eût voulu néanmoins les voir améliorer, plutôt que de les voir effacer de l'échelle des peines.

La déportation est étudiée avec soin et la grande question de la peine de mort est abordée par l'auteur avec un sens philosophique profond. Il repousse avec raison ce suprême châtiment.

Quels sont les sentiments naturels des hommes sur la peine de mort, disait Beccaria, nous pouvons les découvrir dans l'indignation et le mépris avec lesquels on regarde le bourreau, qui n'est cependant que l'exécuteur innocent de la volonté publique.

L'horreur instinctive pour le bourreau et l'invincible répugnance de la mort, dit M. Wolowski, témoignent assez contre ce châtiment suprême. Est-il un juge qui l'ait appliqué sans s'exposer aux tourments de la conscience? Ceux qui défendent cette peine comme exemplaire, oublient-ils donc que le criminel ne saurait être envisagé comme un instrument d'intimidation vis-à-vis d'autres membres de la société ?

La pénalité de l'avenir, l'action moralisante, la régénération des condamnés, forment la quatrième partie de l'ouvrage ; c'est là que l'écrivain expose son système pénitentiaire qui sera la conséquence naturelle des progrès de la raison, de l'équité, de la philanthropie, dans la voie sage mais ferme et sérieuse où nous la trouvons engagée. L'intimidation y deviendra positive; l'expiation réelle, salutaire; l'amendement assuré; la réhabilitation vraie; la récidive moins nécessaire et moins menaçante; les peines corporelles infamantes perpétuelles auront disparu jusque dans les expressions du Code, et la peine de mort n'existera plus. Puissent se réaliser bientôt ces saintes aspirations de l'honnête homme, nous ne craignons pas de dire que l'auteur aura puissamment contribué à élucider toutes les graves questions qui se rattachent au système pénitentiaire.

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jour. Réforme de l'armée prussienne.

-

La dette de l'Espagne envers la France.

- Exposé de la situation de l'Empire; le commerce et les travaux publics.

Nous n'avons pas à entretenir les lecteurs de la Chronique des réformes financières et des nouveaux impôts. Il en est question dans le Journal même. Ce n'est pas à l'honorable M. Fould que nous en exprimerons le regret; il a demandé, assure-t-on, les réductions qui pouvaient seules réaliser de sérieuses économies, celles qui portent sur le budget de la guerre. Les raisons, les plus fortes sans doute, puisqu'elles l'ont emporté, ont mis obstacle à ces réductions dans une étendue suffisante. Le résultat le plus net sera donc une augmentation d'impôts, et une conversion de rentes qui ne saurait être du goût de tout le monde, ni à la convenance de tous les intérêts. Les débats du Corps législatif

n'ont rien ajouté à ce sujet à ce qui avait été dit dans les journaux et ailleurs. Quant au vote, il a été presque unanime en faveur des mesures proposées.

Des réformes plus réelles sortiront, nous le pensons, des diverses commissions nommées en vue de graves intérêts économiques. La commission de la propriété littéraire a voté le principe à la majorité de 18 voix contre 4. Trois opinions ont été en présence. L'une qui s'est trouvée en minorité est celle qui ne reconnaît aucunement la propriété littéraire. La seconde qui y voit une propriété réelle, assez semblable à toutes les autres, dès lors héréditaire et transmissible. La troisième y reconnaît les caractères d'une propriété personnelle et viagère, n'entraînant pas l'hérédité de l'œuvre elle-même; elle se montre néanmoins favorable à l'idée que les descendants aient une part à la vente des ouvrages. Les partisans de cette dernière opinion allèguent que le droit de l'auteur sur son œuvre, œuvre qu'il peut modifier ou supprimer, sa vie durant, est équivalent au droit tout personnel de la pensée sur elle-même, droit qui ne saurait être représenté et par conséquent transmis. Quant au droit des héritiers, on ne paraît pas s'être entendu sur la manière dont il s'exercerait. Plusieurs membres se rallieraient, dit-on, à la solution que Cuvier défendit, et qu'un éditeur, qui est en même temps un écrivain distingué, M. Hetzel, a reprise en introduisant des combinaisons qui lui sont propres. Cette solution est celle-ci : l'œuvre tomberait après l'auteur dans le domaine public ; nul monopole de famille ni d'éditeur sur une œuvre faite en vue du public tout entier par son essence et dans l'intention même de tout écrivain, compositeur, etc., ne pourrait dès lors s'établir. Mais une redevance serait payée à chaque édition nouvelle aux héritiers de l'auteur et proportionnellement au prix de vente, ou à chaque représentation, s'il s'agit d'une œuvre dramatique. Tous les droits, pense-t-on, se trouvent conciliés par cette solution. Une sous-commission doit être nommée pour réglementer la propriété littéraire et artistique en prenant pour base de son travail, le principe de la perpétuité.

-Lorsque la Banque de France, à l'époque de la révision de ses statuts, reçut l'autorisation d'élever le taux de son escompte au-dessus des limites légales, il fut jugé avec raison que cette contradiction avec la loi générale et que cette infériorité dans laquelle on plaçait les banquiers étaient des anomalies qui appelaient l'attention du législateur. Malheureusement le Conseil d'État donna peu de suite au projet de révision de la législation restrictive de 1807. La commission qui s'en occupe aboutira-t-elle mieux que la première? Il faut l'espérer. Si question fut jamais mûre, c'est bien celle-là. Elle est partout résolue dans un sens libéral. La France presque seule s'obstine dans les vieux erre15 février 1862. Supplément.

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ments. La chute de l'échelle mobile des céréales n'a causé aucun de ces mécontentements tant prédits dans les campagnes. Il en sera de même de cette législation prétendue protectrice qui augmente l'usure et n'empêche personne d'y avoir recours. Au reste, si nous sommes bien informés, la commission nommée par M. le ministre de l'agriculture et des travaux publics pour reviser certaines dispositions du Code de commerce, aurait décidé que l'action de l'offre et de la demande déterminerait seule à l'avenir le prix de l'argent prêté.

On nous assure encore que la commission s'est longuement occupée de la question des faillites. Une foule de réformes qui avaient été proposées ont été largement discutées, et nous croyons savoir que, sur les observations de M. le ministre du commerce, elles ont été pour la plupart écartées comme inopportunes et inapplicables. Quelques modifications, cependant, seront apportées à diverses parties du système; la plus importante porte sur un abus qui ne se présentait guère qu'à Paris. On sait que les propriétaires d'immeubles occupés par des commerçants ou industriels tombés en faillite se portaient comme créanciers privilégiés pour tous les loyers dus jusqu'à la fin du bail. Il en résultait parfois que tout l'actif allait dédommager le propriétaire qui se trouvait en outre en possession des lieux qu'il avait loués au failli.

La commission a pensé, avec raison, qu'il était indispensable de mettre une limite à cette revendication exceptionnelle des proprié– taires. Nous croyons qu'elle a limité à deux années l'étendue du privilége de ces propriétaires, et nous ne pouvons encore qu'applaudirà cette décision de la commission.

La question des sociétés de commerce et de la révision de la loi du 17 juillet 1856 a donné lieu aussi à de longues et sérieuses discussions.

Si nos informations sont exactes, la commission aurait reconnu qu'il était urgent de définir d'une manière plus précise les cas dans lesquels la responsabilité des membres des conseils de surveillance était engagée, de manière à ne plus éloigner de ces conseils les hommes pratiques et vraiment sérieux.

M. l'avocat général Blanche et M. Denière, président du tribunal de commerce, on se le rappelle, avaient montré, dans les discours qu'ils ont prononcés sur cette question, combien il serait désirable de faciliter la création d'un plus grand nombre de sociétés anonymes. L'anonymat est, en effet, un mode de société qui jouit d'une grande faveur, et la France s'est bien trouvée de l'action et de l'influence de ces sociétés sur son commerce et son industrie. Mais les formalités que l'on est obligé de remplir pour obtenir l'autorisation nécessaire à la création de ces

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