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ou de 20,000 en moyenne par an. L'augmentation des décès s'élève tout à coup à 306,000 de 1846 à 1850, et elle est encore de 64,000 dans la période suivante, soit 370,000 en dix ans, ou 37,000 en moyenne par an.

Dans la quatrième, les naissances remontent de 130,000, et les décès descendent de 13,000; mais le chiffre des naissances reste encore de 67,000 au-dessous de la première période, et celui des décès de 357,000 au-dessus. L'année 1850 a été la plus mauvaise de cette série; elle n'a donné qu'un excédant de 38,000 naissances, la somme des décès ayant presque égalé celle de 1854, la plus meurtrière qu'on ait vue depuis 1816.

La statistique des mariages vient à l'appui de ces chiffres, pour constater les influences qui agissent sur le mouvement de notre population. De 1817 à 1850, le chiffre annuel des mariages avait monté de 205,000 à 297,000; de 1851 à 1854, il a graduellement redescendu jusqu'à 270,000; à partir de 1855, il a commencé à se relever, et en 1859, il est revenu au même point qu'en 1850. En 1860, il est retombé de nouveau à 287,000. Nous avons donc, en somme, plus perdu que gagné sous ce rapport depuis dix ans.

Quant à la répartition entre les départements de l'accroissement signalé, elle présente moins d'inégalités que dans la période précédente, mais l'inégalité est encore énorme.

Le département de la Seine, qui avait gagné 305,354 habitants de 1851 à 1856, en a gagné cette fois 226,241; c'est encore beaucoup trop, en comparaison du reste du territoire. Une agglomération de 531,595 nouveaux habitants sur un seul point, en dix ans, quand la France n'en a gagné en tout que 950,000, c'est plus de la moitié. Il fallait autrefois trente ans pour augmenter d'autant la population de la Seine, et la France entière s'accroissait dans le même temps de plus de 5 millions; Paris n'en prenait que le dixième, ce qui passait déjà pour excessif.

En sus du département de la Seine, un tiers environ du territoire, composé de 29 départements, a vu sa population s'accroître dans une proportion assez forte. En tête de ces départements privilégiés se trouvent, comme toujours, le Nord, le Rhône et les Bouches-du-Rhône. Le Rhône a gagné 36,000 habitants au lieu de 51,000 dont il s'était accru dans la période précédente; les Bouches-du-Rhône 33,000 au lieu de 44,000; mais dans le Nord, l'agglomération s'est accélérée, elle a passé de 54,000 à 91,000; ce département est de plus en plus un des pays les plus peuplés du monde.

Un autre tiers, composé de 27 départements, n'a que faiblement gagné, et, dans quelques-uns, l'augmentation a été presque nulle. Un dernier tiers, composé de 29 départements, a perdu, et, dans quelques

uns, la diminution a été considérable, tels que le Puy-de-Dôme, la Creuse, Lot-et-Garonne, etc. Le mouvement de dépopulation semble arrêté dans 25 départements. D'autres, comme l'Indre, ont reperdu ce qu'ils avaient gagné dans la dernière période.

En partageant la France en deux parties égales, l'une au nord, l'autre au midi, voici ce qu'on trouve : parmi les 43 départements de la moitié septentrionale, 23 ont beaucoup gagné, 11 ont faiblement gagné, 9 ont perdu; parmi les 43 départements de la moitié méridionale, 7 ont beaucoup gagné, 16 ont faiblement gagné, 20 ont perdu; en résumé, l'augmentation s'est concentrée dans la première moitié, qui était déjà beaucoup plus peuplée, et la seconde, malgré les progrès déclarés sur quelques points, est restée stationnaire dans son ensemble.

Les symptômes généraux qui ont produit en France et en Europe une si pénible impression lors du dernier recensement, persistent donc, quoiqu'ils aient perdu de leur intensité; mais l'attention publique est maintenant éveillée sur les causes morales et matérielles de ces tristes phénomènes; et, puisque le mal diminue, on peut espérer qu'il finira par disparaître.

Il serait seulement à regretter, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire plusieurs fois, que l'attention se portât trop exclusivement sur le phénomène du déplacement. Ce n'est là que le fait secondaire; le fait principal est le ralentissement dans le progrès de la population totale. Si le déplacement coïncidait avec un accroissement marqué de population et de vie moyenne, ce serait plutôt un bon qu'un mauvais symptôme; il ne prend beaucoup de gravité que parce qu'il coïncide avec le phénomène opposé. Ce qui accuse aujourd'hui un rapport intime entre ces deux faits, c'est qu'ils se suivent; dans la dernière période, le déplacement a grandi, pendant que l'excédant de population baissait; dans celle-ci, le déplacement a diminué, pendant que l'excédant s'est

accru.

Pour mesurer l'importance de ces questions, il suffit de jeter un coup d'œil autour de nous. Les Pays-Bas, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie, sont déjà plus peuplés que la France, et la population y marche bien plus vite. Le Royaume-Uni, en particulier, grandit rapidement; il a gagné, dans les dix dernières années, 1,519,000 habitants, malgré la crise de l'Irlande, et il a de plus envoyé dans les Deux-Mondes 2,287,000 émigrants, soit, en tout, près de 4 millions d'individus nouveaux, tandis que nous n'en avons gagné que 930,000. Si les choses marchent toujours du même pas, la population britannique, si infé rieure à la nôtre il y a seulement trente ans, ne tardera pas à la dépasser. L. DE LAVERGNE.

DES MONNAIES DIVISIONNAIRES D'ARGENT

Le Journal des Économistes a annoncé, il y a quelques mois (1), la formation d'une commission chargée d'examiner la question de l'insuffisance des monnaies divisionnaires d'argent (2). Cette commission a adressé à M. le ministre des finances un rapport dans lequel elle conclut à l'abaissement du titre des pièces inférieures à 5 fr. Le rapport, imprimé récemment, porte la date du 10 juillet 1864, quant à l'époque des décisions de la commission. La rédaction en est due à M. Bosredon, maître des requêtes au conseil d'État, qui avait déjà rédigé le rapport de 1858 sur le même sujet.

La commission constate d'abord que la pénurie de petite monnaie qui a commencé à se faire sentir, il y a quatre ou cinq ans, a persistė, depuis cette époque, avec plus ou moins d'intensité, mais sans interruption. Le rapport, à cette occasion, rappelle les faits principaux qui ont caractérisé cette situation et les plaintes très-vives auxquelles elle a donné lieu. A quelles causes faut-il l'attribuer? La commission en signale deux principales: d'une part, l'exportation, qui, après avoir retiré de notre circulation la plus grande partie des pièces de 5 francs, s'est portée ensuite sur les pièces inférieures; d'autre part, l'accroissement continu et considérable des transactions, qui eût réclamé une augmentation correspondante dans le numéraire, au moment même où le numéraire existant, bien loin de rester stationnaire, éprouvait une notable diminution. La commission fait remarquer ensuite, et cette considération paraît avoir exercé quelque influence sur ses résolu

(1) Où en est la crise monétaire? par M. Horn (Journal des Économistes, juillet 1861, t. XXXI, p. 9.`

(2) La commission était composée de MM. Schneider, vice-président du Corps législatif, président; de Parieu, vice-président du conseil d'État; Dumas, sénateur; Michel Chevalier, sénateur; Vuitry, président de section. au conseil d'État; Gouin, député; le comte de Germiny, gouverneur de la Banque; Pelouze, président de la commission des monnaies; de Sénarmont, ingénieur en chef des mines; de Bosredon, maître des requêtes au conseil d'État, secrétaire et rapporteur; de Bonnechose, auditeur au conseil d'État, secrétaire.

tions, que les petites monnaies encore en circulation ne nous sont restées que parce qu'elles ont éprouvé une détérioration matérielle qui avait réduit leur valeur intrinsèque au-dessous de leur valeur nominale. Le gouvernement est donc, à la fin, obligé et de refondre les pièces divisionnaires, et d'en augmenter la quantité; mais s'il frappait les pièces nouvelles au titre actuel, la spéculation s'en emparerait aussitôt pour les exporter et réaliser le bénéfice résultant de la prime sur l'argent. On se trouverait alors ramené aux inconvénients auxquels on veut remédier, et qu'on ne peut, suivant la commission, surmonter qu'en abaissant le titre des pièces divisionnaires, de manière à ôter tout profit à leur exportation.

Les dispositions de détail proposées par la commission pour l'exécution de la mesure sont les suivantes : Limitation à 20 fr. de la somme que les particuliers seraient obligés de recevoir dans un même paiement; - obligation par l'État de recevoir, au contraire, sans limitation, les pièces à titre abaissé pour leur valeur nominale; - fabri→ cation des pièces divisionnaires réservées au gouvernement; fixation à 250 millions du montant des nouvelles monnaies à émettre.

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Quant à la détermination du titre nouveau, qui serait substitué au titre actuel de 900 millièmes, la commission, sans se prononcer positivement, pense qu'il doit être compris entre 800 et 850 millièmes, et elle paraît inclinée à préférer 835 millièmes.

Nous n'avons pas reproduit, dans cette courte analyse, les arguments qui ont été produits, au point de vue des principes économiques, pour ou contre la mesure; nous nous en référons à cet égard au rapport lui-même et aussi aux nombreux articles que le Journal des Economistes et la Revue contemporaine ont déjà consacrés à l'étude de cette grave question, notamment par la plume de MM. de Parieu, Horn et Léon, enfin, aux discours prononcés dans les chambres par MM. le comte de Latour, Devinck, Dumas et Mimerel de Roubaix. On reconnaîtra dans la conclusion du rapport l'adoption d'une idée préconisée dans le Journal des Economistes, notamment par l'un des membres de a commission, M. de Parieu. Il avait joint, dans ses écrits sur ce sujet, à l'idée d'une monnaie divisionnaire d'argent, comme en Angleterre, la proposition de l'étalon d'or unique. Le rapport du 12 juillet 1861 adopte la première proposition. L'autre a été considérée comme en dehors des termes de la mission donnée par le ministre, M. de Forcade, aux membres de la commission, et d'autre part, en maintenant la pièce de 5 francs dans sa composition et son titre actuel, la commission a manifesté sa tendance formelle au maintien du double étalon.

JACOB,

UNE RÉFORME

RÉFORME URGENTE

LIBERTÉ DES SOCIÉTÉS par actions, par M. A. VAVASSEUR, avocat à la Cour impériale de Paris, auteur d'un Commentaire de la loi du 17 juillet 1856 sur les sociétés en commandite par actions.

La question des diverses formes des sociétés commerciales et, en général, des divers moyens par lesquels peuvent être associés les capitaux, les bras et les intelligences, a toujours été l'une des plus importantes à nos yeux de la législation qui règle les intérêts privés. Ce n'est pas de nos jours seulement que l'association est le grand levier de la production, de l'industrie et du commerce. Quand on étudie de près le moyen âge agricole, industriel et commerçant, on est précisément frappé de la force du principe d'association à cette époque et de la grandeur de ses résultats. Notre négoce se montre fier de ses entreprises, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur. Il ne faut pas oublier que les grandes compagnies financières du moyen âge soutenaient des royaumes et des armées, et que celles du XVIIe siècle ont possédé et colonisé des continents. Si nous entrons dans des détails d'application, nous voyons au moyen âge l'association s'introniser dans l'agriculture avec une fécondité qui est constatée par les auteurs qui s'en sont occupés. Nous en sommes encore sur ce point à des désidérata. Mais plus nous constatons l'antiquité de l'association, plus nous nous en attestons la conformité avec les besoins du genre humain, et, par suite, l'importance de la question de ses diverses formes.

Cette importance a donné lieu depuis vingt ans à de nombreux projets de législation. Une loi est venue, plus ou moins heureusement, réglementer l'une des formes les plus extensives, mais aussi les plus dangereuses de l'association, les sociétés en commandite par actions.

Cette loi a-t-elle réussi? Non, répond M. Vavasseur; elle a laissé subsister ce qui est aux yeux de l'auteur le vice radical de ces sociétés, l'omnipotence du gérant avec une surveillance qui est illusoire, puisqu'elle ne saurait rien prévenir. De là, nécessairement, répugnance, hésitation, arrêt des capitaux; diminution par conséquent des bienfaits de l'association et perte dans l'activité industrielle.

Le tort de la loi de 1856, nous déclare l'auteur, c'est « d'avoir de nouveau consacré, sous prétexte de réglementation, une forme d'association qui est désormais jugée, et qu'il fallait résolûment abandonner. »

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