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trésor, préposé aux dépenses (1), et celui des finances, qui, avec le concours de directeurs généraux, chargés spécialement chacun de l'une des grandes branches des revenus publics, dut veiller à l'assiette et au recouvrement de l'impôt.

Grâce à cette nouvelle et plus forte organisation, et sous l'énergique impulsion du chef del'État, les principes formulés, depuis 1789, en matière d'impôts, furent enfin appliqués après avoir été sagement conciliés avec les justes exigences du pouvoir; l'administration financière fut définitivement constituée et tous les revenus de l'État éprouvèrent de notables améliorations. D'importants dégrèvements vinrent réparer les inégalités de l'assiette de la contribution foncière entre les départements, en attendant les bienfaits plus stables du cadastre parcellaire décrété en 1807. La contribution personnelle et mobilière fut également allégée (25 ventôse an VIII) et vit enfin disparaître, en 1806 (24 avril), les taxes somptuaires, dont elle avait été accrue en 1795. Les portes et fenêtres devinrent impôt de répartition (13 floréal an x). La loi du 8 floréal an XI remania profondément le système des douanes. Celle du 30 floréal de l'année précédente avait créé un droit de navigation intérieure sur les fleuves, rivières et canaux, avec la destination spéciale de pourvoir aux dépenses que nécessitaient ces grandes voies de communication (2). Enfin le législateur, abandonnant entièrement les errements de l'Assemblée constituante (3), résolut le rétablissement des taxes de consommation. Les boissons furent soumises à l'impôt en 1804 (4), et les tabacs assujettis en même temps à un régime de taxes qui devint monopole à partir du 1er janvier 1844 (L. 29 décembre 1810); des droits sur le sel remplacèrent la taxe d'entretien des routes (L. 24 avril 1806). Pour compléter la nomenclature des revenus publics, il faut encore citer la redevance sur les mines (Loi du 21 avril 1840).

Toutes les recettes de l'État, aux termes de l'article 45 de la consti

(1) C'est au ministère du trésor qu'est due l'utile institution de la caisse de service, qui permit enfin à l'administration de ressaisir l'importante attribution de répartir chaque jour et sur tous les points les ressources disponibles aux besoins exigibles (1806).

(2) Les lois des 6 frimaire an vIII et 14 floréal an X avaient également établi, au profit de l'État, un droit sur la pêche et les bacs et passages d'eau.

(3) Déjà la loi du 16 brumaire an v avait ordonné l'établissement d'impositions indirectes jusqu'à concurrence du déficit des autres impôts."

(4) Loi du 5 ventôse an XII. Les lois des 24 avril 1806 et 25 novembre 1808 organisèrent définitivement les taxes sur les boissons. La première de ces lois régularisa le prélèvement opéré, au profit de l'État, sur le produit des octrois municipaux et le fixa au dixième.

tution du 22 frimaire, étaient annuellement votées par le Corps législatif, dans la loi de finances qui, à partir de 1806 (loi du 24 avril), reçut le titre de Budget emprunté à la langue financière de l'Angleterre.

L'état des recettes était divisé en autant de chapitres qu'il y avait de différentes contributions et autres revenus publics. Indépendamment du montant total des contributions foncière, personnelle et mobilière, et des portes et fenêtres, le Corps législatif déterminait, dans des tableaux annexés à la loi, le contingent de chaque département tant en principal qu'en centimes généraux, pour frais de non-valeurs et de dégrèvement, et pour les dépenses fixes et variables des départements. Ce contingent n'a pas, sauf pour les centimes généraux, changé de l'an XIII à 1844. Un article du budget autorisait en outre, dans les limites d'un maximum et sous l'approbation du gouvernement, les conseils. généraux et municipaux à s'imposer un certain nombre de centimes. Le budget de 4840 peut, suivant M. Léon Faucher, être considéré comme le budgel normal de l'Empire, qui embrassait alors cent huit départements. Les recettes de cet exercice se sont élevées, d'après la loi de règlement du 20 mars 1843, à 785 millions, déduction faite des frais de régie, perception et exploitation des impôts indirects, prélevés sur le produit brut. Dans ce chiffre de 785 millions, les contributions directes figuraient pour 302 millions; l'enregistrement et les domaines pour 191; les droits réunis pour près de 109; les douanes pour 400; la loterie, les postes et diverses régies pour 42; enfin, les recettes extérieures et accidentelles pour 39 millions.

Les dépenses étaient, comme les recettes, votées par le Corps législatif, mais suivant un mode différent. En fixant les ressources de l'année suivante, le législateur mettait, à compte sur elles, un crédit provisoire à la disposition du gouvernement, puis réglait, pour l'exercice courant, le chiffre des dépenses entre les divers départements ministériels. Chacun de ces départements formait un chapitre; il y avait en outre des chapitres distincts pour la dette, les pensions, la liste civile, les frais de négociations et les fonds de réserve. En voici du reste le détail pour l'exercice 4840 (L. de règlement du 20 mars 1813).

Dette publique et pensions (5 chapitres)....... 111,352,000 fr.

Liste civile et princes français....

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27,300,000

23,199,055

8,385,000

57,125,000

1,500,000

228,861,055 fr.

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La comptabilité du budgét avait été organisée par la loi du 19 nivôse an ix (2).

Le compte général des recettes et des dépenses publiques faites pendant une année devait être d'abord rendu au gouvernement avec les divisions, par chapitres et par articles, prescrites par l'arrêté du 1er nivôse an Ix, que vint compléter celui du 13 brumaire an x, sur la vérification des dépenses ministérieHes; puis, présenté au Corps législatif dans la même forme que le budget, le quatrième mois au plus tard de l'année suivante.

Mais le compte, ainsi soumis à l'approbation du législateur, ne fournissait que des justifications incomplètes, et il était d'ailleurs loin d'embrasser l'ensemble de la situation financière. Nonobstant la disposition de la loi du 19 nivôse, qui voulait qu'un chapitre spécial fût ouvert aux frais de perception, les impôts indirects ne s'y trouvaient inscrits que pour leur produit net; les frais de régie et d'exploitation, préalablement déduits, formaient une comptabilité administrative entièrement distincte. Les ressources et dépenses spéciales et extraordinaires des départements, non plus que celles du cadastre, n'étaient pas portées au budget ordinaire de l'État.

En dehors de ce budget, s'en développaient, en outre, deux autres : celui des travaux publics et celui du domaine extraordinaire ou des fonds des pays conquis (3).

(1) Le budget de 1810 avait d'abord été fixé en prévision, par la loi du 20 avril de la même année, à 740 millions. A partir de 1812, la création du ministère du commerce et des manufactures ajouta un chapitre de plus au budget.

(2) L'article 57 de la constitution du 22 frimaire avait ordonné que les comptes détaillés de la dépense de chaque ministre, signés et certifiés par lui, fussent rendus publics.

(3) En 1808 il avait été dépensé environ 100 millions pour l'entretien et la confection des routes, les dessèchements, la navigation, les canaux, les

Enfin, l'absence d'une époque déterminée de clôture des comptes n'avait encore permis, en 1814, le règlement définitif d'aucun exercice et obligeait de pourvoir, chaque année, dans la loi de finances, à un arriéré considérable. C'était la même loi qui réglait l'arriéré et fixait les recettes et dépenses courantes.

Si, aux défauts sensibles qui viennent d'être signalés, on ajoute que les déclarations de la cour des comptes, qui avait succédé en 1807 (L. 16 septembre) à la commission de comptabilité nationale, n'étaient pas communiquées au législateur, lequel manquait ainsi de bases certaines pour vérifier les comptes des ministres (1); que d'ailleurs la répartition des crédits provisoires entre les diverses branches de services n'avait quelquefois lieu qu'en fin d'exercice, c'est-à-dire en présence des faits presque entièrement accomplis, on reconnaîtra aisément que le système budgétaire de l'Empire réclamait des modifications.

Cependant, un grand pas avait été fait; l'ordre était partout rétabli dans les finances; les principes avaient été posés; les institutions existaient; ce qu'il fallait maintenant, c'était de régulariser, d'assurer leur marche, en la soumettant à la garantie sérieuse de la publicité, en attribuant aux mandataires du pays une plus large part dans la gestion de la fortune publique. Le régime inauguré par la Restauration prêtait merveilleusement à cette œuvre.

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« La puissance législative, dit l'art. 15 de la Charte de 1814, s'exerce collectivement par le roi, la chambre des pairs et celle des députés. Le roi propose la loi (art. 16). La proposition de loi est, à

ports, etc.; en 1809, 110 millions; en 1810, 138, dont 38 seulement portés au budget ordinaire; en 1811, 155 millions. La caisse des contributions militaires fournit 67 millions en 1806, 149 millions en 1807, 133 millions en 1808, et en 1809 elle solda toutes les dépenses que la guerre commandait sur la rive droite du Rhin. (Léon Faucher. Mélanges d'économie politique et de finances, t. I.)

(1) La division du service du paiement des dépenses entre les quatre payeurs généraux de la dette publique, de la guerre, de la marine et des dépenses diverses comprenant les autres ministères; l'existence de quatre comptabilités distinctes, celles des fonds généraux, des fonds spéciaux, des fonds des pays conquis, des prélèvements supportés par les produits bruts des contributions; la substitution d'un compte général d'ordre, pour chaque exercice, rendu sous la responsabilité collective des administrateurs, aux comptes individuels des préposés des régies financières; enfin et surtout l'absence d'une époque de clôture, ne permirent pas, sous l'Empire, à la Cour des comptes, de faire sentir tous les bienfaits de son contrôle.

2 SÉRIE, T. XXXIII. 15 janvier 1862.

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son gré, portée à l'une ou l'autre chambre, excepté la loi de l'impôt qui doit être presentée d'abord à la chambre des députés, et ne peut qu'après son vote favorable être transmise à la chambre des pairs (art. 17 et 47). Aucun impôt ne peut être établi et perçu s'il n'a été consenti par les deux chambres et sanctionné par le roi, auquel seul appartiennent la sanction et la promulgation des lois (art. 48-22). L'impôt foncier n'est consenti que pour un an. Les impositions indirectes peuvent l'être pour plusieurs années (art. 49). La dette publique est garantie. Tout engagement pris par l'État avec ses créanciers est inviolable (art. 70).»

L'article 2 de la Charte confirmait l'un des principes de 1789, la la contribution sans distinction de tous les Français aux charges de l'État dans la proportion de leur fortune.

Le budget des dépenses ne donna lieu à aucune disposition nouvelle, et il continua à être présenté aux chambres avec les mêmes divisions que sous l'Empire. Cependant, dès l'origine, une part plus large fut dévolue en cette matière à l'intervention des représentants du pays (1). Deux causes y concoururent : les rapports directs établis par la Charte entre les ministres ordonnateurs et le pouvoir législatif (art. 54), les nécessités du Trésor obligé de faire face à une situation financière des plus obérées.

La première réforme de la chambre des députés porta sur la comptabilité ministérielle. Trente-six millions de dépenses, faites par le ministre de la guerre au delà des crédits qui lui avaient été ouverts par la loi du 28 avril 1816, en furent l'occasion; c'était d'ailleurs le point principal, car << la loi, qui fixe chaque année les recettes et les dépenses à faire dans l'État est sans doute une précaution salutaire et nécessaire; mais la vérification de l'emploi des fonds conformément aux crédits accordés, celle des recettes et des dépenses réellement faites, est d'une importance bien plus grande encore. La première sans la seconde ne serait qu'une trompeuse illusion. Cette vérification doit être à la fois le moyen de régler définitivement les recettes et les dépenses de l'année expirée, celui de déterminer avec moins d'incertitude les recettes et les dépenses de l'année qui va s'ouvrir, celui de prévenir les dépenses abusives (2). »>

Prenant pour base le compte présenté par le gouvernement pour les

(1) Tout amendement était, il est vrai, soumis par l'article 46 de la Charte à la proposition ou au consentement du roi; mais cette disposition tomba promptement en désuétude. (Duvergier. Notes.)

(2) Rapport sur la loi de finances de 1818, par MM. Roy et Beugnot. (Moniteur du 24 mars.)

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