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années 1814 et 1845, qui le premier avait embrassé toutes les opérations des ministres et les avait rattachées aux évaluations des budgets des divers exercices, la commission législative, chargée de l'examen de la loi de finances de 1817, proposa, dans son rapport du 25 janvier, une série de dispositions, devenues fondamentales en cette matière, et qui formèrent le titre XII de la loi du 25 mars de la même année.

Les ministres seront tenus, dit l'art. 448 de cette loi, de présenter, à chaque session, les comptes de leurs opérations pendant l'année précédente; ils devront établir la comparaison des dépenses qu'ils auront arrêtées pendant le cours de leur administration, avec les ordonnances qu'ils auront délivrées dans le même espace de temps et avec les crédits particuliers ouverts à chacun des chapitres de leurs budgets (art. 450). Le ministre des finances présentera : 4° le compte de la dette publique; 2o le compte général des budgets, établissant par exercice et par nature de recette et de dépense la comparaison des évaluations des budgets avec les produits nets des contributions, les ordonnances des ministres et les paiements effectués; 3° le compte du trésor royal; 4o le compte du recouvrement des produits bruts des contributions directes et indirectes (art. 149). Les comptes annuels rappelleront la situation à l'époque du compte précédent, de chacun des exercices non consommés à cette époque, et donneront le détail des opérations faites depuis, ainsi que la situation actuelle de chaque exercice (art. 153).

Les chambres se trouvaient ainsi désormais mises à même de juger les opérations des ministres, et de suivre, d'année en année, l'état de la fortune publique. A toutes ces garanties, la loi de finances du 15 mai 4848 eu ajouta bientôt une nouvelle et plus considérable encore en décidant (art. 102) que le règlement définitif des budgets serait à l'avenir l'objet d'une loi particulière proposée aux chambres avant la présentation de la loi annuelle du budget (1). La loi du 27 juin 1849

(1) Un état signé, certifié par un ministre qui expose ce qui est entré et ce qui est sorti du trésor public, n'est qu'un exposé sommaire de son administration et ne constitue pas une comptabilité effective. D'un autre côté, la commission nommée pour l'examen préparatoire de la loi de finances, chargée à la fois de prendre les renseignements nécessaires pour juger le passé et pourvoir à l'avenir, toujours pressée par le temps et par la juste impatience de la chambre, est forcée de s'en rapporter à ceux-là mêmes qui sont l'objet du contrôle et de la surveillance....; la commission propose un article suivant lequel les comptes devront être présentés à l'ouverture de chaque session, de manière que les chambres puissent, dès leur réunion, procéder à leur examen indépendamment de l'époque de la présentation du budget. (Rapport du 24 mars 1818.)

voulut, en outre, que le compte annuel des finances fût accompagné de l'état des travaux de la Cour des comptes (art. 20).

La loi du 25 mars 1817 ne s'était pas bornée à déterminer la forme des comptes; elle avait cherché aussi à prévenir les dépenses extrabudgétaires. La répartition faite par les ministres, entre les divers chapitres de leurs budgets particuliers, de la somme allouée à chacun d'eux par le budget général, dut à l'avenir être soumise à l'approbation du roi et s'opérer de manière à ce que la dépense n'excédât pas le crédit en masse ouvert à chaque département. Les ministres ne pouvaient, sous leur responsabilité, dépenser au delà de ce crédit. Le ministre de finances ne pouvait, sous la même responsabilité, autoriser les paiements excédants, que dans les cas extraordinaires et urgents, et en vertu d'ordonnances du roi, qui devaient être converties en lois à la plus prochaine session des chambres (art. 151 et 152). La conversion en loi était faite sur la proposition du ministre, dans le département duquel avait eu lieu la dépense, avant le règlement définitif des budgets antérieurs. (Loi du 27 juin 1819, art. 21).

Deux budgets spéciaux furent formés en 1817, à côté et en dehors du budget ordinaire de l'État : l'un, essentiellement temporaire, pour les dépenses extraordinaires (solde des exercices antérieurs, contribution de guerre, etc.), l'autre, de la dette perpétuelle et de l'amortissement. Etabli pour assurer davantage le paiement loyal des dettes du passé et appeler la confiance des capitalistes par la sûreté des engagements et l'évidence des moyens, ce dernier budget reçut, comme dotation particulière, les produits nets de l'enregistrement, du timbre, des domaines, des postes et de la loterie (1); ce n'était qu'après l'acquittement de toutes les charges y relatives que la portion restant libre des produits nets ci-dessus indiqués pouvait être appliquée aux dépenses générales de l'État. En même temps, la Caisse d'amortissement, instituée par la loi du 28 avril 1816, voyait ses ressources ordinaires accrues par l'affectation d'une partie du domaine forestier de l'État (150,000 hectares), dont la vente lui a produit une recette supplémentaire de près de 84 millions. De même que le projet de budget, le compte du service de la dette et de l'amortissement dut être présenté séparément aux chambres.

La loi du 25 mars inscrivit pour la première fois, en recette et dépense, au ministère des finances, le fonds de non-valeurs, qui s'élevait pour 1817 à 15,700,000 fr., et avait été déduit précédemment des recettes. L'année suivante un nouveau et plus grand pas fut fait encore

(1) Les produits nets des forêts, douanes et sels furent substitués par la loi de 1819 à ceux des postes et de la loterie.

dans la même voie : les frais de régie, de perception et d'exploitation des impôts indirects continuaient à être prélevés sur le produit brut; c'était une réduction de près d'un tiers sur la somme totale des recouvrements, et les directeurs des régies financières ordonnaient ainsi une masse générale de dépenses qui s'élevait à plus de cent millions, sans l'intervention des chambres et par simple délégation du ministre. La commission, chargée de l'examen de la loi de finances de 1818, pensa qu'il n'y avait aucune raison sérieuse pour ne pas soumettre à la formalité des crédits législatifs l'emploi de portions si considérables du revenu public, et que les dépenses de cette nature exigeaient, aussi bien que les dépenses générales de l'État, le consentement et le contrôle des représentants de la nation. Le total des frais de régie et de perception rattachés par la loi du 15 mai au budget général (1) est évalué par le compte de l'administration des finances, pour 1818, à 120,663,000 fr. y compris le service des poudres à feu. La réforme fut à peu près complétée dans cette partie par l'inscription au budget, en 1820, de la recette et de l'emploi du produit des amendes et confiscations de l'enregistrement des douanes et des contributions indirectes (4,163,000 fr.), et par celle, en 1822, des non-valeurs, remboursements et restitutions sur les impôts et primes de douanes à l'exportation, qui n'apparaissaient dans les comptes qu'en déduction de la recette brute des revenus (16,192,000 fr.).

La spécialité ministérielle, créée par la loi de 1847, constituait une sérieuse garantie. Les ministres, étant tenus d'établir dans leurs comptes la comparaison des dépenses faites avec les crédits particuliers ouverts par l'ordonnance royale à chaque branche de service, ne pouvaient modifier la répartition primitive que pour des causes graves, dont ils étaient obligés de fournir la justification. Cependant ce système avait ses imperfections. Ainsi, notamment, aucune époque n'avait été fixée à la répartition royale et il en résultait que cette répartition avait lieu quelquefois en cours d'exercice et qu'elle était par suite faite d'après les services au lieu que les services se fissent d'après elle; les bases en

(1) La loi du 15 mai 1818 réunit aussi le domaine extraordinaire au domaine de l'Etat, et chargea l'administration de l'enregistrement de poursuivre le recouvrement des créances qui en dépendaient, de percevoir les revenus, et de mettre en vente les biens non affectés à des dotations. Le produit net de ces recouvrements et de ces ventes dut être versé à la Caisse des dépôts et consignations et employé à des achats de rentes sur le grand-livre, pour lesdites rentes être ensuite annulées. (Loi 26 juillet 1821.)

A partir de 1837, l'actif de l'ancien domaine extraordinaire a dû être appliqué au budget général de l'État, et fait actuellement partie des produits divers du budget de chaque exercice. (Lois 8 juillet 1837 et 6 juin 1843.)

étaient aussi constamment changées; enfin et surtout des excédants de dépenses pour des services ordinaires et prévus, venaient déranger annuellement l'équilibre du budget et obligeaient de recourir à des demandes de supplément de crédits en opposition avec la loi de 1817. De là de vives récriminations des chambres, des observations périodiquement renouvelées par les commissions de finances, qui signalaient comme seul remède à ces abus l'extension de la prérogative parlementaire. Chaque session voyait se reproduire des propositions de cette nature, souvent couronnées de succès.

Ainsi, dès 1818, dans la discussion de la loi du 15 mai, la chambre des députés vote distinctement sur certaines fractions des budgets ministériels, entre autres sur les deux premiers paragraphes du budget de la guerre et sur les dépenses de la direction générale des contributions indirectes (4).

L'article 7 de la loi du 19 juillet 1820 dispose que les comptes de chaque exercice seront établis avec les mêmes distributions que l'avait été le budget dudit exercice, sauf en ce qui concerne les dépenses imprévues, pour lesquelles il sera fait des articles et des chapitres additionnels et séparés.

La discussion prit, en 1822, à l'occasion de l'examen de la loi de finances, une tournure des plus vives. Les budgets ministériels avaient été insensiblement présentés divisés par chapitres et même par articles, dans des états de développements produits à l'appui des propositions du gouvernement. Quatre amendements dans la chambre des députés, renouvelant une proposition inutilement formulée déjà dans la session de 1820, demandèrent que la spécialité législative fût étendue à ces divisions. Le vote par chapitre trouva dans Royer-Collard un habile défenseur. «La raison de l'impôt, disait-il (séance du 18 avril 1822), c'est la dépense; la raison de la dépense c'est les services; ainsi les services sont la dernière et véritable raison de l'impôt. Ce qui se passe entre le gouvernement et la chambre dans la proposition annuelle de la loi de finances en est la preuve... Dans le fait, le consentement général de la chambre se décompose en autant de consentements particuliers qu'il y a de dépenses distinctes; il y a autant de dépenses distinctes qu'il y a de services différents allégués par le gouvernement. L'allégation d'un service emporte assurément la supposition que ce service sera fait, celui-là et non pas un autre; ainsi les services, tels qu'ils sont exposés, sont les raisons, les causes et les conditions des votes successifs de la chambre, et la réciprocité de ces deux choses, les services et l'argent, forme un véritable contrat qui oblige le gouvernement envers la

(1) Exposé des motifs du budget de 1856, p. 21.

chambre et la nation... Je n'ai pas besoin d'exprimer que je mets ici l'imprévu hors de cause... Tout ce que je dis... c'est que dans ce qu'il y a de certain et de connu, à chaque vote que le gouvernement obtient de la chambre, il s'oblige au service qu'il a lui-même indiqué et déterminé comme la raison de ce vote. S'il ne remplit pas ces engagements, les votes sont nuls de droit; l'impôt n'a pas été consenti; dans la rigueur des principes il y a concussion. Eh bien! les spécialités ne sont pas autre chose que les engagements dont je viens de parler; chaque engagement engendre une spécialité; il y a autant de spécialités que le gouvernement a fait d'allégations différentes pour attirer l'impôt... Ce n'est pas à vous à vous préoccuper de leur nombre... car ce n'est pas vous qui les faites, c'est le gouvernement. La spécialité existe à son usage et dans son intérêt; elle lui sert à vous convaincre de la nécessité de la dépense et parlà de la nécessité de l'impôt. S'il multiplie les divisions, c'est qu'il multiplie les demandes; chaque division est une demande, chaque demande est un engagement, chaque engagement est un devoir spécial. >>

Le gouvernement, par l'organe de MM. Courvoisier et de Villèle, combattit les amendements présentés, sans en repousser toutefois absolument le principe. Les deux orateurs reconnaissaient qu'une certaine spécialité était admissible, celle qui consisterait à régler des services, à tracer des divisions sagement étendues, sagement restreintes, entre le personnel d'un côté et le matériel de l'autre, entre les dépenses fixes et les dépenses variables; mais ils déclaraient qu'on ne pouvait, sans rendre la chambre des députés maîtresse absolue du gouvernement et de l'administration publique, sans l'élever sur la ruine du pouvoir royal et des droits constitutionnels de la chambre des pairs, attacher la spécialité aux articles ni même aux chapitres tels qu'ils étaient tracés dans les états joints à la proposition de loi.

La majorité donna gain de cause à l'argumentation ministérielle et les amendements furent rejetés. Mais, malgré ce succès, le gouvernement jugea qu'il y avait lieu de ne pas repousser absolument les réclamations qui s'étaient produites. Aussi bien, la spécialité des chapitres n'avait pas été la seule question soulevée au sein de la chambre des députés; la commission, chargée de l'examen de la loi des comptes de l'exercice 1820, avait signalé des irrégularités nombreuses, l'absence systématique de justifications pour beaucoup de dépenses, et, réclamant, comme la plupart de ses devancières, la clôture de l'ancien arriéré, avait insisté sur la nécessité d'adopter des mesures propres à imprimer au règlement législatif de chaque exercice un caractère définitif. Ce règlement, en effet, ne reposant que sur l'évaluation incertaine des dépenses restant à faire, n'était encore qu'un arrêté de compte provisoire, qui ne rectifiait que d'une manière très-incomplète les prévisions des budgets

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