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nous avons vu, par rapport aux grands fleuves de notre continent, les États riverains, sous la pression des exigences et des idées de notre temps, réformer pas à pas une législation inique et contraire à leurs véritables intérêts. En traitant ce dernier point, nous avons eu plus d'une fois à parler des droits de transit, et il nous faut encore ajouter quelques observations sur cette question spéciale qui nous ramènera inévitablement à notre point de départ.

Dès le début, nous avons éliminé de notre sujet tout ce qui est œuvre individuelle d'un seul gouvernement sur le domaine législatif ou administratif, pour ne nous occuper que de l'abolition d'entraves à l'échange international, qui est le fruit de la coopération de l'entente de plusieurs d'entre eux. Nous avons donc passé sous silence la douane, c'est-à-dire les droits d'entrée et de sortie, quelque étroite que soit la connexité de cette question avec celle que nous avons examinée. Un autre motif encore explique cette omission. Il est vrai, telles qu'elles existent dans une grande partie de l'Europe, les douanes sont loin d'être exclusivement des branches de l'impôt; mais c'est désormais chose certaine qu'elles acquerront un jour ce caractère, en abandonnant toute pensée de protection. Or, la douane, devenue exclusivement impôt, intéressée par conséquent à la multiplicité des échanges, ne pourra plus être considérée comme une entrave. Si la situation financière des Etats était telle qu'au lieu de devoir constamment chercher à se créer de nouvelles ressources, on pouvait faire le sacrifice des plus nuisibles, peut-être est-ce la douane qu'il faudrait faire disparaître la première; mais jusque-là, et combien un tel avenir ne paraît-il pas éloigné de nous! la douane pourra fonctionner comme impôt, et en garder tous les traits distinctifs. Il en est ainsi des droits d'entrée et de sortie; non des droits de transit. En effet, les droits de transit ne sont pas douane, parce qu'ils ne peuvent jamais être impôt, et ils ne peuvent jamais être impôt, parce qu'ils sont toujours imposés à l'étranger, même si c'est le règnicole qui les avance. Les droits de transit ne sont qu'une autre dénomination pour l'excédant de la recette sur les frais d'entretien, qu'un péage trop élevé sur une voie de transport verse dans le trésor de l'État et c'est cet excédant que nous avons reconnu comme une entrave, comme impliquant nécessairement une diminution injuste autant que pernicieuse du mouvement commercial, enfin comme une taxation de l'étranger.

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Ici, il sera peut-être utile de rappeler les principes qui condamnent toute taxation de l'étranger, et en vertu desquels la loi fondamentale, en matière d'impôt, c'est de le prélever des habitants seuls du pays où la taxe se perçoit.

Aucune institution humaine ne peut jamais, quelque profonde que soit l'erreur qui règne sur sa véritable nature, renier entièrement son 2e SÉRIE. T. XXXIV. 15 avril 1862.

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principe constitutif, sa propre raison d'être. Ainsi l'impôt, même au temps où les notions de justice et de bien commun étaient les plus obscures, restait en quelque sorte un mode de manifestation et l'application très-informe, mais toujours l'application de la loi sociale : Service rendu pour service reçu. Sa nature intime et générale, que ses formes extérieures et spéciales doivent tendre à réfléchir toujours plus purement, c'est d'être la rétribution légitime des services rendus par l'État, soit en dedans de sa sphère d'action naturelle, comme sécurité, protection, justice, soit en dehors de cette sphère, comme tant de grands intérêts sociaux, dont peu à peu l'État a pris la suprême direction. Il en résulte que l'impôt ne doit se prélever de l'étranger, que si, résidant ou établi dans un pays qui n'est pas le sien, il a sa part des services rendus par l'État. Mais l'étranger, qui ne fait que passer et ne réclame qu'un service spécial, ne doit que la rétribution de ce service spécial. S'il fait transiter des marchandises, il doit, dans une juste mesure, concourir à l'entretien des routes et des voies navigables dont il se sert il ne doit pas cette augmentation indue des frais de transport, qui s'appelle droit de transit. — Objectera-t-on, dans l'espèce, que le commerce de transit jouit, en pays étranger, de la même protection et de la même sécurité que les nationaux eux-mêmes, et que c'est là précisément pour lui la chose essentielle? Mais dans tout pays où le pouvoir public remplit sa fonction première, celle qui lui incombe le plus naturellement, un état de sécurité absolue des choses et des personnes doit exister c'est la condition normale de tout pays civilisé, le jour sous lequel il se présente à l'étranger qui le traverse. D'ailleurs, n'est-ce pas, à titre de réciprocité, un bienfait dont tous les gouvernements font jouir les sujets les uns des autres? Enfin, par les impôts indirects, prélevés presque partout, l'étranger, dont le séjour a le moins de durée, qui ne transporte que sa propre personne, contribue déjà aux recettes du fisc fait-il passer des marchandises à travers quelque pays, il lui procure, tous les frais de transport soldés, un bénéfice par le seul fait qu'en choisissant les voies de transport de ce pays, il contribue à sa prospérité, en y alimentant le travail.

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Heureusement, dans la plupart des États de l'Europe, les droits de transit ont été abolis. Sous ce rapport, la France, dont la législation douanière a été du reste si profondément viciée par la pensée protectionniste, a grandement devancé tous les autres pays. On a cru longtemps nécessaire de mettre des restrictions au transit de tels articles, dont l'importation était prohibée; mais depuis on les a rapportées, et il n'en existe plus maintenant que celles que des considérations d'ordre public ou de service justifient. Ce qui est l'essentiel, pour autant que le transit pouvait se faire, il a toujours été considéré comme devant avoir lieu en exemption de tous droits, et ce principe est déjà inscrit dans la

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loi du 17 décembre 1814. Tout récemment, la condamnation du principe même des droits de transit a été prononcée d'une manière éclatante. Le 4 mars 4864, ils furent abolis par l'association douanière allemande ; si l'on réfléchit que cette mesure ne pouvait être prise qu'à l'unanimité des gouvernements qui constituent l'association, et dont la plupart sont à l'abri de tout soupçon de tendances libre-échangistes, on reconnaîtra aisément la signification de ce fait. - Notons d'ailleurs que cette grande mesure trouve d'autant plus naturellement sa place dans notre travail, qu'elle aussi est le fruit d'une entente de plusieurs États indépendants, une œuvre commune pour la satisfaction d'un intérêt commun.

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A un autre point de vue, les droits de transit, qui se prélèvent encore en Danemark, rentrent également dans le sujet que nous nous sommes proposé d'examiner. Déjà les dénominations de ces droits, « droits de transit sur les routes et canaux qui conduisent de la mer du Nord à la Baltique, »—en révèlent le véritable caractère. Les droits de transit du Danemark ont été de tout temps très-intimement liés au péage du Sund, et maintenant ils ne sont plus qu'un reste encore debout d'une barrière que l'Europe croit avoir entièrement supprimée. Il n'y a jamais eu, parmi les routes et canaux entre la mer du Nord et la Baltique, aucune voie de communication qui satisfit, il n'y en a pas de nos jours qui satisfasse aux exigences d'un grand mouvement commercial; d'ailleurs le transport par les routes artificielles necessite des frais dont les routes naturelles sont exemptes; mais malgré cela, tant que le péage du Sund existait, une grande partie des transports entre les deux mers se serait faite par terre et au moyen des canaux, si le Danemark n'avait pas pris soin de contrebalancer, par des droits de transit fort élevés, l'avantage si peu naturel conféré à ces transports. Il s'agissait pour lui uniquement de sauvegarder le revenu que lui procurait la navigation du Sund. Aussi, quand on convint de capitaliser ce revenu, il était juste de faire servir le capital de rachat, non-seulement à l'abolition du péage, mais encore à la suppression des droits de transit; et la France fut la première à poser cette condition, sans laquelle l'œuvre des puissances restait nécessairement incomplète. Le Danemark parvint néanmoins à sauver ses droits de transit, réduits au cinquième de leur taux antérieur; mais il comprendra un jour lui-même qu'il n'a guère à se féliciter de ce petit succès diplomatique. Qu'autrefois, quand il pouvait assujettir toute la navigation entre la mer du Nord et la Baltique à un péage exorbitant, sa politique commerciale ait été complétement dominée par un aussi grand intérêt financier, cela se comprend : le jour où cet intérêt, largement compensé, n'existait plus, il pouvait et devait mettre sa législation douanière en harmonie avec ses conditions naturelles d'existence. La singulière situation géographique du pays

qui, au nord comme au sud, à l'est comme à l'ouest, en fait le milieu naturel d'une importante circulation commerciale, lui défend d'entraver, par d'injustes entraves, le mouvement dont il retire lui-même le plus grand avantage. Qui peut dire le degré de prospérité que ce pays eût atteint, si une pensée exclusivement fiscale n'avait depuis des siècles présidé à ces idées économiques? L'abolition du péage du Sund, même si elle n'avait point été obtenue par voie de rachat, devait toujours entraîner l'abolition des droits de transit; et en effet c'est ce dont le Danemark a eu la conscience. En 1857, l'année même qui vit disparaître le péage, des projets de loi contenant un remaniement profond de la législation en matière de commerce et de navigation furent soumis à la représentation du pays: la taxation du travail y était maintenue; mais il n'en est que plus digne de remarque, que ce fut la représentation qui en réclama l'abolition. Les travaux législatifs de 1857 n'aboutirent à aucun résultat; et, d'après les nouvelles les plus récentes, le gouvernement danois vient de saisir de nouveau les chambres d'un vaste projet de réforme douanière d'ailleurs fort libéral, mais où les droits de transit figurent toujours. Cela étonne de la part des hommes d'un libéralisme si éclairé et si sincère qui gouvernent ce pays. Certes, ce serait la plus singulière et la plus trompeuse illusion que de compter sur une nouvelle capitalisation; et on ne voudra pourtant pas consacrer définitivement, par une législation toute neuve et dont on proclame d'avance le caractére libéral, une taxe condamnée en principe, supprimée presque partout ailleurs, et dont le rendement, décru d'année en année, ne s'élève plus qu'à quelques centaines de mille francs.

En effet, qu'est-il arrivé? - De même qu'autrefois le péage du Sund était une véritable prime pour le transport « par les routes et canaux qui conduisent de la mer du Nord à` la Baltique, »—de même les droits de transit sur ces routes est maintenant une prime pour la navigation maritime. La majeure partie des marchandises, qui se transportent entre le littoral de la Baltique et la mer du Nord, passe au nord du Danemark et trouve dans le Sund son chemin naturel. Le reste, qui ne laisse pas que d'ètre considérable, se dirige, malgré des frais plus élevés, tout aussi naturellement par le midi du Danemark, et ce ne sont que les droits de transit, s'ajoutant aux frais de transport, qui déplacent artificiellement cette partie des transports, et les force à prendre la route du Sund. Il y a donc pour le Danemark perte du revenu qu'il a voulu s'assurer, et pour le commerce empêchement de se mouvoir sur les routes qui lui sont naturelles. Un des canaux entre la mer du Nord et la Baltique souffre surtout de cet état de choses, c'est le canal de l'Eider. Des droits de navigation de beaucoup trop élevés s'ajoutent là aux droits de transit, rendant presque impossible tout transport par ce canal. Aussi la navigation s'y est-elle, depuis l'abolition du péage du

Sund, constamment et rapidement décru: exemple frappant de cette contradiction singulière de construire d'abord à grande peine et à grands frais une route à l'usage de l'échange international, et puis d'en interdire l'usage par une législation aveuglément fiscale.

Nous avons groupé, dans ces pages, quelques mesures dont l'ensemble constitue une œuvre de paix et de justice, accomplie par l'Europe dans un temps de guerre et de graves perturbations. Cette œuvre ne demande plus qu'à être achevée. Il ne faut pas que des barrières à la libre circulation disparaissent ici, restent debout ailleurs, ou qu'il soit permis d'en exploiter des débris. Tout ce qui a été fait jusqu'à ce jour ne serait alors qu'une série de mesures isolées, sans signification réelle. Mais si partout la même pensée de justice et de liberté détruit les anciennes. entraves, ce sera l'esprit de notre temps effaçant un vestige du moyen âge.

E. HELLER.

REVUE DES PUBLICATIONS ÉCONOMIQUES DE L'ÉTRANGER

SOMMAIRE.

Bremer Handelsblatt. Preuss. Handelsarchiv.

Zeitschrift des
Der

K. pr. statist. Bureau's. Jahrbuch für Gesetzkunde und Statistik. Arbeitgeber. Annalen der Landwirthschaft. The Economist. Journal of the statistical Society of London. The financial reformer. Annali univ. di statistica economia, etc. Revista estadistica...

Avant d'entrer en matière, nous devons prévenir un malentendu que notre SOMMAIRE pourrait faire naître. Nous n'avions pas l'intention d'indiquer, par l'énumération ci-dessus, qu'il n'existe pas d'autres publications périodiques traitant de matières économiques. Nous en recevons nous-mêmes plusieurs, dont les titres ne se trouvent pas dans le sommaire du présent article, et nous nous procurerons successivement celles qui nous manquent. Nous recevrons, en outre, avec reconnaissance, les indications relatives aux lacunes qu'on aura pu remarquer. Mais le nombre de ces publications est heureusement si grand, que nous sommes obligé de répartir notre tâche en plusieurs fois pour être en état de l'accomplir.

Quant à l'utilité d'une revue comme celle dont nous commençons aujourd'hui la série pour la continuer tous les trois mois, son utilité est si évidente, qu'il est presque superflu de la faire ressortir. Jamais il n'y a eu une aussi vive émulation entre les diverses nations, et celle qui ne se tiendrait pas au courant des progrès réalisés chez les autres resterait bientôt en arrière.

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