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fort compétent et fort habile d'une part, et un Brésilien de l'autre, qui, en importance politique, n'a pas de supérieur parmi ses compatriotes.

Le résultat de ces conférences nous a été certainement favorable, car M. le baron de Butenval, le représentant de la France, a entraîné M. le vicomte de l'Uruguay à des concessions d'un grand prix. Cependant la question ne paraît pas complétement résolue. En effet, voici qu'un des hommes les plus éminents du Brésil, un homme élevé en France, marié à une Française, admirateur de notre pays, vient apporter ses lumières et ses aperçus parmi les obscurités apparentes de ce débat. Il publie, à Paris même, un ouvrage dont le but est de démontrer, s'il est possible, que le territoire en litige appartient au Brésil intégralement, et que la France n'a droit à aucune concession.

On comprend que nous ne puissions analyser ici complétement un ouvrage aussi considérable et aussi sérieux; nous en témoignons à l'auteur de sincères regrets, et lui exprimons le désir que nous éprouvons de revenir plus tard sur son œuvre. Reconnaissons toutefois, sans plus attendre, que M. da Silva a consciencieusement épuisé cette question, que son livre se recommande par la sincérité, par la courtoisie autant que par le savoir. Désormais on ne pourra ni aborder la matière, ni juger la cause, sans avoir entendu cet éloquent plaidoyer. CLÉMENT JUGLar.

PETIT MANUEL POPULAIRE D'ÉCONOMIE politique, par OTTO HÜBNER, traduit de l'allemand avec l'autorisation de l'auteur par CH. LE HARDY DE BEAULIEU. Bruxelles, Lacroix, Werboeckoren et C, etc. Paris, Guillaumin et C. 1 vol. in-18.

Il se fait en Belgique un mouvement économique fort remarquable; notre collaborateur et ami M. de Molinari, l'excellent professeur d'économie politique, y est pour beaucoup sans doute; mais l'initiative du peuple belge, qui est à l'affût de toutes les améliorations sociales, y est pour davantage encore. Nous avons eu depuis quelque temps, ici même et au Journal de statistique, l'honorable mission d'étudier les finances de ce pays, ses écoles de réforme et ses aspirations vers le progrès social, et nous avons été frappé de tout ce qui se fait de bon et de bien en Belgique, depuis sa séparation d'avec la Hollande. Il y a là un spectacle satisfaisant de l'activité chez un peuple que les traités européens éteignent, par la neutralité, au point de vue militaire, et qui réagit avec vigueur contre cette situation, qui va mal à sa bravoure et à son énergie, en se jetant dans le travail industriel, commercial, agricole et scientifique, avec une puissante et fructueuse ardeur.

L'économie politique ne pouvait être négligée dans ce pays industriel dont les richesses minérales, manufacturières et les transactions sont immenses, et la Bibliothèque du peuple et des écoles, entreprise dans le but de mettre les sciences utiles à la portée de tous et de les vulgariser par l'enseignement élémentaire, devait comprendre un traité populaire de cette science.

Un économiste distingué, M. Ch. Le Hardy de Beaulfeu a traduit, pour cette collection, un excellent petit manuel populaire d'économie politique, dû à la plume d'un savant allemand, Otto Hübner. Ce petit traité concentre en soixante et quelques pages les notions les plus essentielles de l'économie politique, il en met à la portée de l'ouvrier les principes élémentaires, de manière à les rendre faciles à saisir.

La liberté implique la responsabilité, la responsabilité doit appeler pour tous une certaine connaissance des choses qui la rende possible. Comment l'ouvrier, aujourd'hui heureusement libre, pourrait-il comprendre ses devoirs s'il n'avait aucune notion du mécanisme social? Son éducation, élémentaire au moins en ce qui est de la science sociale, est le caractère indispensable de cette précieuse liberté qui lui a conféré une dignité virile qui s'effacerait bientôt dans les obscurités de l'ignorance.

Otto Hübner a voulu apprendre à la jeunesse à respecter la société dont elle est l'espoir et l'avenir; il a voulu lui persuader que l'activité, la sobriété, la probité, que la vertu, en un mot, n'est pas seulement une chose estimable en soi, mais qu'elle procure même des avantages positifs, et que, par suite, les prédications trompeuses du socialisme, tendant au renversement des principes établis et à la substitution de l'action sociale à celle des vertus et de l'activité individuelle, ne sont que mensonge.

L'auteur éclaire la jeunesse et l'ouvrier sur le travail, sur sa division, et à ce propos il remplace habilement l'exemple suranné de l'épingle par la fabrication du livre; il leur donne des notions nettes et justes sur l'échange, sur les fonctions de la monnaie, sur les conditions diverses du fabricant, de l'artisan, du cultivateur, du marchand et de l'instituteur; il leur parle du fonctionnaire dont il démontre l'utilité; il aborde les questions plus abstraites de l'utilité, du prix, de la propriété, du capital et de l'intérêt; puis il met en présence le riche et le pauvre, il termine en prouvant que la richesse est la source du travail du pauvre.

Le traducteur a cru devoir compléter le traité rapide et bien raisonné d'Otto Hübner, par un petit aperçu du rôle des machines, où il confirme fort habilement cette vérité que les machines améliorent les conditions de l'ouvrier au lieu de lui nuire, et que par elles la société jouit d'une somme de bien-être plus grande et plus généralement répartie.

En un mot, ce précis populaire contient les notions essentielles de l'économie politique. et il est si clairement écrit et raisonné, qu'il ne saurait manquer de faire pénétrer la science dans des milieux où l'on pouvait craindre qu'elle n'arrivât jamais. JULES PAUTET.

CHRONIQUE ÉCONOMIQUE

SOMMAIRE.

Traité de commerce avec la Prusse.

Importations et exportations pour les premiers mois de l'année 1862. Exposé financier de M. Gladstone. — Réduction de l'effectif de l'armée. La misère à Gand.- Nomination de M. Michel Chevalier comme président de la section française du jury international.

On connaît les difficultés qui retardaient la conclusion du traité de commerce entre la France et la Prusse. Ce traité vient d'être conclu : il a été signé à Berlin par les plénipotentiaires français et par les plénipotentiaires prussiens, et il est accompagné d'un traité de navigation, d'une

convention pour la garantie réciproque de la propriété littéraire et artistique, enfin d'un arrangement relatif au service international des chemins de fer.

Les négociations avec l'Allemagne présentaient des difficultés autrement grandes que celles qui avaient marqué la conclusion du traité anglo-français. En traitant avec l'Angleterre, on n'avait affaire qu'à un seul gouvernement, assuré d'avance de la majorité du parlement. Les choses sont plus compliquées dès qu'il s'agit de conclure avec nos voisins d'outre-Rhin. Rappelons que le Zollverein se compose aujourd'hui de vingt-sept États, c'est-à-dire de tous les États de la Confédération germanique, excepté l'Autriche, les deux duchés de Mecklenbourg, le Holstein, la principauté de Liechtenstein, les villes libres de Hambourg, Brème et Lübeck; que ces vingt-sept États siégent tous à droit égal dans les conférences générales de l'association; que chacun a une voix au sein de ces conférences et que celle de la principauté de Lippe vaut celle de la Prusse, toutes les fois qu'il s'agit d'une question de tarif, c'est-à-dire qu'elle peut faire échouer une proposition qui aura été acceptée par tous les autres États. Remarquons aussi que si la Prusse, dès l'origine, n'eût accordé ce veto, jamais peut-être elle n'eût réussi, par voie diplomatique, à former le Zollverein qui est, en vérité, l'unification, sous le rapport économique, des États allemands. Unité de tarif pour les droits d'entrée, de sortie et de transit; liberté absolue des transactions; uniformité du système des contributions indirectes, du système des monnaies, poids et mesures; principes uniformes de la législation commerciale et industrielle : telles sont les bases bien connues de l'association allemande, dont la Prusse a la haute direction. Ajoutons enfin que les ports de mer d'un des États sont ouverts aux navires des autres associés aux mêmes conditions qu'aux bàtiments de ses propres sujets et qu'en pays étranger, les consuls d'un État doivent leurs services indistinctement aux nationaux de tous les États associés.

Cette union quasi-politique se complète par un organisme central qui absorbe quelques-unes des attributions administratives des gouvernements associés. La garde des frontières extérieures se fait pour le compte de tous les États, et les recettes douanières sont versées dans une caisse commune. Une fois par an, la conférence se réunit pour répartir entre ses membres le produit douanier, déduction faite des frais, en raison de la population de chaque État.

Si la direction des négociations avec les puissances étrangères, des traités de commerce ou de douanes, n'appartient point de droit à la Prusse, si les statuts du Zollverein ne stipulent rien à cet égard, par un usage qui s'explique d'ailleurs par la position de la Prusse comme grande puissance européenne, les gouvernements associés ont toujours chargé le cabinet de Berlin de la représentation du Zollverein au dehors.

C'est à la Prusse que depuis trente ans les États étrangers s'adressent toutes les fois qu'ils désirent établir un arrangement applicable au Zollverein tout entier. Dans ces cas, le cabinet de Berlin communique à ses associés l'objet des négociations et se fait autoriser par eux à traiter au nom de tous, sauf à soumettre à leur approbation définitive le traité ou l'arrangement qui devra intervenir entre le Zollverein et la puissance étrangère.

C'est là aussi ce qui a eu lieu à propos du traité franco-allemand. Les plénipotentiaires prussiens, munis des pouvoirs nécessaires pour traiter au nom du Zollverein, ont discuté, à Berlin, avec les plénipotentiaires français, les bases du traité, qui n'attend plus pour devenir définitf, que la sanction des différents États. Ces négociations, on le sait, ont été longues et laborieuses. Les intérêts qui étaient en jeu sont d'une nature aussi délicate que complexe. Mais la France s'est montrée d'autant plus conciliante qu'elle connaissait la responsabilité de la Prusse envers les gouvernements associés.

On a dit que des velléités d'opposition semblaient se manifester dans le midi de l'Allemagne ; que les passions qui, en 1852, voulaient la dissolution du Zollverein, pourraient bien s'appliquer en ce moment à empêcher la ratification du traité franco-allemand, moins parce que ce traité lèse les intérêts mal entendus de quelques manufacturiers, que parce qu'il est est en partie l'œuvre des efforts diplomatiques de la Prusse et, par conséquent, de nature à ajouter à l'ascendant de cette puissance.

Heureusement la Prusse n'est point désarmée contre cette opposition. En 1851, la coalition des États du sud voulait ouvrir, malgré la Prusse, les portes du Zollverein à l'Autriche, et elle empêchait systématiquement tout changement de tarif qui eût rendu difficile l'entrée de cette puissance. La Prusse alors, usant de son droit incontestable de puissance indépendante, conclut pour son compte avec le Hanovre un traité douanier reposant sur des bases libérales, et dénonça le traité qui la liait à ses anciens associés, tout en se déclarant disposée à renouveler ce traité s'ils voulaient accepter purement et simplement la convention hanovrienne. Tous acceptèrent. La ligue était vaincue du coup, et le Zollverein échappa à la dissolution qui avait paru imminente.

Aureste, nous pouvons dès maintenant indiquer les principales dispositions du traité que fait connaître un journal de Berlin (National Zeitung,) et que notre collaborateur M. Maurice Block analyse dans un journal quotidien. Voici les principaux traits de cette analyse:

Deux tarifs sont annexés à la convention commerciale : l'un est relatif aux droits d'importation en France; l'autre aux droits d'entrée à payer aux frontières d'Allemagne.

Le premier correspond au tarif du traité franco-belge légèrement modifié. Ainsi les cuirs vernis n'acquittent que 60 fr.; les droits sur la pas2e SÉRIE. T. XXXIV. 15 avril 1862.

Supplément.

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sementerie sont réduits à 10 0/0 à partir de 1864 et d'autres articles éprouveront également des dégrèvements, mais peu importants.

Le tarif du Zollverein subit des modifications profondes. Il a été remanié presque en totalité, et éprouve des réductions sur la plupart de ses articles; ces réductions seront communes aux marchandises de toutes les provenances.

Des concessions spéciales ont été, en outre, consenties en faveur de la France. Les droits sur le vin ont été réduits à 4 thalers (15 fr.), les droits sur les soieries à 50 th., et à partir de 1866 à 40 th.; les mi-soies acquitteront 34 th. et plus tard 30 th. Pour beaucoup de marchandises, les réductions n'entreront en vigueur que successivement; les premières diminutions seront appliquées dès la mise à exécution du traité; les autres sont échelonnées en une, deux et même trois périodes (1er janvier 1864, 1865, 1866).

Le remaniement du tarif allemand est tellement radical, qu'il n'y a que les denrées coloniales auxquelles on n'ait pas touché. Ce ne sont là, en effet, que des taxes fiscales; quant aux modifications qu'on a fait subir aux droits commerciaux, on peut les caractériser en deux mots : réduction des droits sur les produits fabriqués, suppression de ceux qui grevaient les matières brutes.

Quelques stipulations méritent une mention particulière. Ainsi, la France s'engage à ne pas élever au-dessus de 1 fr. 20 les droits sur les houilles entrant par les départements des Ardennes et de la Moselle; elle déclare aussi qu'il n'est pas dans son intention d'augmenter les droits d'importation sur les vins; une déclaration analogue a été faite par la Prusse.

Les deux parties contractantes renoncent à tous droits d'exportation, à l'exception de ceux sur les chiffons ou drilles, qui sont fixés à 12 fr. par 100 kilogr. pour la sortie de France, et à 1 2/3 th. (6 fr. 25 c.) par quintal (50 kilogr.) à la sortie du Zollverein.

Les taxes de consommation ont donné lieu à des dispositions spéciales destinées à réserver à chacune des parties contractantes le droit de modifier ces impôts, et, par suite, le tarif d'importation qui s'y rattache. Ainsi le droit de douane sur l'alcool sera de 20 francs, et, à partir du 1er octobre 1864, de 15 francs par hectolitre à 100 degrés, les esprits en bouteille paieront 15 francs et les vernis 10 0/0 de la valeur; mais comme il existe pour l'esprit-de-vin produit en France un droit de 90 francs par hectolitre, les alcools étrangers acquitteront à l'entrée 110 ou 105 francs, ou plus ou moins, selon que l'impôt sur l'eau-de-vie sera élevé ou abaissé.

Des dispositions semblables ont été prises relativement aux produits chimiques dont le sel forme la matière première, c'est-à-dire qu'aux droits de douane inscrits au tarif, on ajoutera une taxe correspondante à

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