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nouveau projet de répartition entre les départements, tant de la contribution personnelle et mobilière que de la contribution des portes et fenêtres. Cette disposition n'a point été exécutée par suite des difficultés qu'a éprouvée, en 1841, l'opération du recensement. La loi du 4 août 1844 abrogea l'art. 2 de la loi de 1838, et prescrivit seulement la modification des contingents départementaux pour les contributions personnelle et mobilière, suivant les maisons détruites ou construites, et pour la contribution des portes et fenêtres, suivant le classement des communes d'après la population (1).

L'impôt sur les loyers n'a pas été introduit dans le système des revenus publics de la France, à titre d'impôt spécial, mais comme une forme particulière d'impôt général sur le revenu mobilier. Les faits ultérieurs ont tendu à dénaturer cette signification théorique, et à faire prévaloir le caractère d'impôt spécial sur une jouissance considérée justement comme très susceptible de servir de base à un impôt.

Il est à remarquer en effet que les législateurs français du siècle dernier avaient eu de nombreux devanciers dans leur disposition à faire du logement le criterium extérieur de la fortune des contribuables, point de vue qui explique pourquoi l'impôt sur les loyers a, en France, une extension qu'il n'a point dans d'autres pays (2).

W. Petty, dans son traité des taxes, parle souvent de ce qu'il appelle l'excise accumulative ou l'impôt sur une dépense liée à plusieurs autres, et, à ses yeux la taxe sur les foyers paraît la meilleure des taxes de ce genre, la matière imposable étant facile à constater, d'un usage dont la suppression est difficile, et servant ainsi de base au produit le plus net (3).

C'est cette même théorie qui paraît avoir inspiré Mathieu Decker lors

(1) Voy. les Éléments du droit public et administratif, par M. Foucart, 4o édition, t. II, p. 388 à 390.

(2) Pour M. Hofmann, l'impôt sur les loyers considéré en lui-même est lié aux taxes directes sur le luxe. « Le logement, dit-il, n'est pas par lui-même un luxe. Mais dans la mesure où les logements deviennent plus commodes, et sont en même temps élégants et brillants, ils manifestent une dépense qui dégénère en luxe et en devient même une des manifestations de ce genre les plus coûteuses. » (P. 223.) De là la disposition de cet écrivain à concentrer l'impôt sur les loyers dans les villes importantes et pour les logements élevés, conformément, au reste. à la pratique de quelques villes françaises rédimées (Hofmann, p. 237 et 244.)

(3) Voy. le chap. xv intitulé : Of Excise.

qu'il a eu la pensée de faire d'un impôt sur les loyers l'impôt unique possible pour les besoins d'un pays donné (1). Mais il s'agissait, pour W. Petty et Mathieu Decker, comme pour le législateur français,lorsqu'il a institué la contribution mob lière, de saisir la proportion de la fortune d'après l'importance du logement.

Lorsqu'au contraire, au moyen âge, on imposait les maisons sans considération de leur importance, on s'éloignait entièrement de cette recherche de proportionnalité et l'on préludait à la pensée de l'égalité proportionnelle par un procédé un peu empreint d'égalité brutale.

Nous avons quelquefois fait remarquer, dans le cours de ces recherches, les relations qui rapprochent des taxes très-différentes, absolument comme, dans le règne animal, certains genres ont des points de contact quelquefois inattendus avec d'autres.

Les capitations se rapprochent des impôts sur les consommations de nécessité; l'impôt foncier et l'impôt sur les mutations nécessaires ont des rapports incontestables dans leurs résultats, de même les capitations ont des ressemblances frappantes avec les taxes sur les habitations, lorsqu'on ne tient aucun compte, comme il paraît en avoir été ainsi pour les fouages du moyen âge, de l'ampleur ou de la valeur locative des habitations. C'est ce que semble avoir senti Etienne Pasquier, lorsqu'il dit : « Par le même avis des États, on met une nouvelle ◄ charge d'impôt sur le peuple, qui se lève par capitations et feu, que

(1) Le pamphlet assez rare de Mathieu Decker est intitulé: Serious considerations on the several high duties which the nation in general (as well as it's trade in particular) labours under, whith a proposal for preventing the running (contrebande) of goads, discharging the trader from any search and raising all the publick supplies by one single tax. By the late sir Mathieu Decker. 7 édition. Londres, 1756. 32 p. in-8°. (La 1r édition est datée de Londres 1743 et a aussi 32 pages; elle porte: By à whill wisher to the good people of great Britain.) P. 14, on lit : « My proposal in short is this that there be but one single excise duty over all great Britain and that upon houses. Mais on voit que l'impôt proposé par l'auteur est une sorte d'impôt sur le revenu, car il dit p. 19: The method i would point for collecting this duty is that every house in England which is either let for or inhabited by its owner worth 200 1. a year or upwards, or where the inhabitant is in possession of acreal estate of 1,000 l. a year or more, let the house he liveth in be great or small, should pay 100 1.; and that all houses may be ranged in their several classes, thee lowest at 5 1. and the middle ones in proportion whith the addition of real estates annexed to them.

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l'on appela du commencement fouage. Cela fut levé pour une fois et à petite somme par tête. (1). »

La Pologne a été souvent soumise à une taxe sur les cheminées (podymne), qui avait été instituée pour la première fois en 1629, à l'occasion d'une guerre contre la Suède. Levé jusqu'en 1768, réorganisé en 1775, l'impôt a été en vigueur jusqu'en 1796 (2).

A Berlin il existe, outre la contribution foncière, un impôt prélevé sur les locataires (mieth steuer) à raison de 6 2/3 0/0 du prix de location, avec exemption en faveur des loyers qui ne dépassent pas 30 thalers (3). Les propriétaires qui occupent eux-mêmes leurs maisons y sont assujettis comme les locataires.

Le Piémont a modifié, par une loi du 28 avril 1853, les impôts personnel et mobilier, introduits par l'édit royal du 14 décembre 1818. L'impôt mobilier a été établi en raison de la valeur locative des habitations et de leurs dépendances. Il est assis par quotité et varie de 4 à 12 0/0 suivant l'élévation des valeurs locatives et la population des villes. Le minimum de valeur locative imposable est de 150 livres à Turin, et de 40 livres dans les communes au-dessous de 1,600 âmes de population.

Une loi contemporaine du 1er mai 1853 a institué en Piémont une taxe assez légère sur les voitures publiques et particulières.

L'impôt sur les loyers, sous le nom d'impôt personnel, avait pris place dans le système de contributions centralisées établies dans les Pays-Bas au commencement de ce siècle, sur l'initiative du grand pensionnaire Schimmel Penninck. Aujourd'hui cet impôt réuni à l'impôt sur les portes et fenêtres et à l'impôt sur les cheminées représente avec eux les trois premières branches de la taxe personnelle perçue dans les Pays-Bas depuis 1817.

Ce genre d'impôt est, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, très-ancien dans cette contrée.

Il est question de l'impôt sur les foyers (haarstede) en Hollande, dès l'année 1537. La proposition de l'établir fut alors repoussée par le

(1) Recherches de la France, ch. xi.

. (2) Golenski, p. 44.

(3) Cette taxe a été d'abord du douzième et ensuite du quinzième du loyer. La moyenne du produit de 1815 à 1821 a été de 179,538 thalers par an, au taux de 8 2/3 0/0. Celle des produits de 1831 à 1838, sur le pied de 6 2/3 0/0, a été de 283,280 thalers. (Hofmann: Die Lehre von den Steuern p. 239 à 241.)

motif que cet impôt atteignait les pauvres aussi fortement que les riches (1).

En 1553, l'impôt fut établi sur le pied de 6 stuivers par foyer (2), et rapporta de 36,000 à 37,000 florins. Il fut levé, dans le siècle suivant, sur un taux plus élevé et ordinairement à titre de contribution de guerre, notamment en 1664, sous le gouvernement de Jean de Witt, à l'approche des hostilités entre la Hollande et Charles II (3).

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Il fut, en 1665, mis pour moitié à la charge des propriétaires et des locataires, et dénaturé par une relation établie avec le loyer des bâtiments, en ce sens que les magasins et greniers privés de foyers furent supposés en posséder un nombre proportionné à leur valeur locative.

L'impôt sur les foyers fut fondu en 1732 dans la contribution foncière (4).

Lorsqu'un système unitaire de contributions fut établi en 1805, un nouvel impôt de 10 0/0 sur les loyers fut établi sous le nom d'impôt personnel. Il fut perçu sur les locataires et propriétaires habitant leur maison, et destiné à atteindre les logements comportant quelque luxe. Les maisons d'une valeur locative totale inférieure à 30 florins en furent exemptes. A la suite de la réunion de la Hollande à l'Empire français, le système de nos impôts fut introduit dans les Pays-Bas.

Dans le nouveau système d'impôts fondé par la loi de 1821 et 1822, et ultérieurement remanié depuis la séparation de la Hollande et de la Belgique par les lois hollandaises de 1833, 1836 et 1843 (5), l'impôt personnel a été assis sur les six bases que nous avons déjà fait con

(1) Over de Belastingen, etc., p. 99.

(2) Ibid, p. 108, et Engels, p. 153 et suiv. Il résulte des renseignements de cet auteur (p. 95) que les autres provinces unies avaient des taxes généralement analogues à celles de la province de Hollande.

(3) Voy. l'ouvrage de Simons sur J. de Witt et son temps. 2o partie.

(4) Over de Belastingen, p. 149.

(5) La loi du 28 juin 1822, sauf de légères modifications dans les lois du 20 décembre 1831 et 12 mai 1837, est restée en vigueur en Belgique. En 1849, il a été proposé par M. le ministre des finances de Belgique de remplacer les foyers dans l'assiette de l'impôt personnel par les voitures, et d'introduire dans la loi de 1822 quelques changements dont certains analogues aux modifications hollandaises. Le minimum de location applicable aux trois premières bases était élevé de manière à exempter 400,000 maisons sur 700,000 comptées dans le royaume. (Voy. l'Exposé des motifs du 16 février 1849, p. 7.)

naître (1), et dont les trois premières se rapportent aux habitations d'une valeur locative supérieure à certains taux déterminés relativement à la population de la commune, tandis que les trois autres intéressent les objets mobiliers, les domestiques et les chevaux (2).

La première base de l'impôt personnel néerlandais est la valeur locative sur laquelle l'impôt dû par l'habitant pèse dans la proportion de 5 0/0.

Le nombre des ouvertures, combiné avec la population du lieu, constitue la seconde base de l'impôt personnel sans aucune différence fondée sur l'étage auquel les ouvertures appartiennent, ni sur le nombre total des ouvertures de la maison (3).

L'impôt sur les foyers, troisième base de l'impôt personnel, s'élève, au contraire, progressivement par rapport au nombre des foyers dans le même logement. Les calorifères sont considérés comme équivalents à un certain nombre de cheminées égal à celui des pièces qu'ils chauffent, déduction faite des pièces renfermant un foyer taxé.

L'impôt est de 35 centimes pour un seul foyer et de 5 florins par chaque foyer, quand le nombre s'en élève à dix dans la maison et ses dépendances, ou l'appartement habité par le contribuable, soit propriétaire, soit locataire.

Les fours ne sont pas soumis à l'impôt.

Le mobilier avait été déjà imposé (4) dans le système néerlandais de 1805, d'après un tarif gradué depuis 1 0/0 sur le mobilier, valant de 500 à 4,000 florins, jusqu'à 1 1/2 0/0 sur le mobilier valant plus de 8,000 florins.

Le mobilier servant à l'agriculture et à l'industrie, les bibliothèques, les collections de tableaux, les vêtements journaliers n'étaient pas compris dans le mobilier taxé; les joyaux et les objets d'or et d'argent n'étaient comptés que pour moitié de leur valeur.

(1) Voy. la subdivision du produit de l'impôt personnel dans le budget de 1834, d'où il résulte que les trois premières bases donnent environ les 3/4 du produit total.

(2) Voy. sur les diverses branches de l'impôt personnel le petit recueil de M. Ciriaci. La Haye, 1843.

(3) L'art. 13 de la loi du 18 juin 1822 établissait une distinction entre les portes et fenêtres du rez-de-chaussée et des deux premiers étages, et celles des étages supérieurs et des caves habitées dans les villes au-dessus de 5,000 âmes.

(4) Engels, p. 188.

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