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proposait l'établissement d'an impôt sur les voitures et les chevaux de luxe.

Les articles 11 à 14 réglaient, ainsi qu'il suit, l'assiette de cet impôt auquel était associé, dans l'article 15, un impôt sur les chiens, réglé depuis par une loi distincte:

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Art. 11. A partir du 1er janvier 1853, il sera perçu pour chaque voiture de luxe un droit annuel qui sera réglé conformément aux proportions suivantes :

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En outre des tarifs qui précèdent, il sera perçu pour chaque voiture portant des armoiries un droit fixe de 50 fr.

Art. 12.

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Sera considérée comme voiture de luxe toute voiture particu lière à caisse suspendue sur ressorts.

Néanmoins, les voitures particulières servant habituellement au transport des denrées ou marchandises ne seront pas soumises à la taxe, quels que soient d'ailleurs leur forme et le mode de leur construction.

Sont également exemptées de la taxe les voitures appartenant aux carrossiers et loueurs de voitures patentés, lorsqu'elles ne seront pas affectées à leur usage personnel.

Art. 13. A partir de l'époque déterminée dans l'art. 11, il sera perçu pour chaque cheval de luxe un droit annuel établi conformément aux propor tions suivantes :

A Paris...

60 fr.

Dans les communes de 50,000 hab. et au-dessus.

De 4,000 habitants à 50,000.

Au-dessous de 4,000 habitants.

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Art. 14. Ne sont pas considérés comme chevaux de luxe les chevaux habituellement employés soit à un service public, soit aux travaux de l'agriculture, de l'industrie et du commerce, ainsi que les chevaux appartenant aux marchands et loueurs patentés, et qui sont l'objet de leur commerce.

Sont également exempts de la taxe les chevaux âgés de moins de quatre ans, les étalons approuvés ou autorisés et les juments exclusivement consacrées à la reproduction.

Le projet fut froidement accueilli au Corps législatif; il fut retiré, quant aux articles en question.

Peu d'années après, en 1856, une loi consacrant le principe d'une taxe sur les voitures servant au transport des personnes dans la capitale fut votée par le Corps législatif, malgré un rapport digne d'attention de M. O'Quin (13 avril 1855.) Mais le Sénat s'opposa à la promulgation de la loi. Le motif qui fut le plus développé à l'appui de ce vote dans le Sénat fut l'omission d'un maximum de taxe dans les dispositions de la loi qui autorisait la ville de Paris à établir l'impôt. On disait aussi qu'un dissentiment existait entre le conseil municipal de la Seine, qui voulait assujettir à l'impôt toutes les voitures, même celles qui servaient au transport des denrées, matériaux et marchandises, et le gouvernement en Conseil d'Etat qui avait restreint l'impôt aux voitures servant au transport des personnes. Sur la première objection qui était la plus grave, la seule même sérieuse, on répondait que les taxes d'octroi et plusieurs autres sont annuellement consacrées par le Corps Législatif sans maximum. Il est toutefois nécessaire de reconnaître qu'il y avait quelque contradiction entre l'absence de maximum pour l'impôt des chevaux et voitures en 1856, et les garanties dont l'établissement de l'impôt des chiens en 1855 avait été entouré sous ce rapport.

Il y avait peut-être dans cette situation quelque inconséquence. A une assez faible majorité, le Sénat s'opposa à la promulgation de la loi.

En 1858, le gouvernement songea à reprendre la question et à réconcilier les vues du Conseil d'État et du Conseil municipal sur l'assiette de l'impôt.

Une commission composée en partie de membres du Conseil d'État et de membres du conseil municipal de la Seine maintint le système du Conseil d'État, et la matière fut traitée amplement dans un rapport rédigé par M. le vicomte de Luçay, auditeur au Conseil d'État et secrétaire de la commission, rapport qui n'a reçu aucune publicité. Le dissentiment persistait toutefois entre le Conseil d'État et l'administration du département de la Seine, lorsque le projet du budget de 1863 a repris, en l'agrandissant et l'étendant à la France entière, le projet applicable seulement en 1856 à la ville de Paris.

Les impôts sur les jouissances sont très-diversement jugés. Il est contre ces impôts une objection banale qu'il ne faut pas s'exagérer, c'est celle qui consiste à les rejeter comme improductifs.

On a fait observer avec raison, et un économiste contemporain l'écrivait naguère dans le Journal des Économistes, qu'en Angleterre

même les assessed-taxes ne dépassaient pas 1 million 1/2 de livres sterling de produit (1). Mais nous avons vu plus haut que les taxes vraiment assises sur les jouissances ne s'élèvent pas à moins du tiers des impôts directs dans quelques pays de l'Europe.

En tout cas, l'objection tirée du manque de fécondité de certaines de ces taxes peut être opposable à ceux qui voudraient faire des impôts de cette nature la base des revenus publics d'une nation; mais elle manque de portée s'il s'agit de discuter leur admission à un rang modeste et utile dans le système des recettes d'un pays qui doit suffire à de grands besoins publics.

On a introduit en France, depuis une dizaine d'années, des contributions nouvelles, telles que l'impôt des biens de mainmorte, l'impôt sur les chiens et l'impôt sur la transmission des valeurs mobilières, qui sont certes, tous réunis, d'un revenu très-inférieur à celui des assessedtaxes de la Grande-Bretagne. L'économiste pur, qui embrasse dans leur ensemble les résultats de la science, peut dédaigner les petites sources de revenus plus aisément que l'économiste financier, aux prises avec les détails des budgets, et qui est habitué à admettre que, dans les recettes comme dans les dépenses publiques, les petits ruisseaux font les rivières. Nous comprenons donc très-bien qu'on adhère à l'opinion d'un de nos économistes contemporains, lorsqu'il a dit : « En Angleterre, la taxe des domestiques, celle des voitures, celle sur les armoiries et la poudre à poudrer sont des impôts excellents, quoique d'un produit médiocre (2). ►

Il faut remarquer, au reste, que les impôts de cette nature sont surtout admissibles et doués de quelque fécondité, lorsqu'ils portent

(1) D'après Mac Culloch, l'impôt produit sur les do

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Ce résultat confirme l'assertion émise par M. Baudrillart dans le Journal des Économistes de décembre 1857. Mais il en serait tout autrement si l'on comptait soit la house tax, soit les windows taxes parmi les assessed taxes, comme font les Anglais habituellement.

(2) Courcelle-Seneuil, Traité théorique et pratique d'économie politique. Paris, 1859, t. II, p. 233. Sismondi, dans ses Nouveaux principes d'économie polilique, t. II, p. 208, s'exprime dans le même sens.

sur des objets non de pure fantaisie, comme l'étaient ces chapeaux de femme (chip hats), dont parle Mac Culloch (1), et que l'impôt dont ils furent chargés en 1797 fit disparaître bientôt de la mode, mais plutôt d'une commodité et d'une utilité permanente, tels que les chevaux et les domestiques.

Il est, pour ainsi dire, de la nature de ce genre de taxes de comporter des exemptions pour les jouissances restreintes du pauvre. Telles étaient les exceptions pour certaines fenêtres dans la législation anglaise du dernier siècle, et qui ont fait dire à M. de Tocqueville que les immunités d'impôts au xviie siècle étaient en Angleterre pour le pauvre, en France pour le riche. Telles sont encore celles qui existent au profit des petits loyers dans certaines villes de France, à Berlin et en Piémont. Ce qui semble recommander jusqu'à certain point ces impôts, c'est non-seulement l'adhésion que leur donnent la majorité des écrivains qui ont réfléchi sur la matière, mais encore cette circonstance qu'ils sont fréquents dans les pays avancés en civilisation et inconnus dans les pays reculés. Ne les cherchez guère en Russie, en Espagne ni en Italie, sauf les innovations des derniers temps. Vous les trouvez plutôt dans les civilisations avancées de la Hollande et de l'Angleterre. On ne peut affaiblir cette considération en remarquant qu'ils semblent surgir en Turquie et que les impôts sur les loyers viennent d'être mentionnés à Constantinople (2).

Le nombre de ces taxes ne marque pas toujours le poids des charges réelles qu'elles font peser sur les classes opulentes, et les diverses contributions de la Grande-Bretagne ne présentent pas un ensemble notablement plus lourd pour les contribuables pris individuellement, que notre seul impôt mobilier, dans notre capitale parisienne, relativement à certains de ses habitants. Je reproduis pour la curiosité de mes lecteurs la quittance semestrielle des assessed-taxes acquittée par un des douze juges d'Angleterre, il y a peu d'années. On verra qu'elle suppose pour l'année entière une charge totale d'environ 1,200 francs seulement pour un grand nombre de chiens, chevaux, domestiques et voitures, ce qui correspond à peu près à la cote mobilière d'un hôtel loué à Paris au prix de 12,000 à 13,000 francs. On pourra retrouver aussi dans ette quittance comme une sorte de spécimen de poids relatif des divers impôts de ce

(1) P. 167.

(2) Notamment dans l'Indépendance belge du 16 avril 1860.

genre dans une maison opulente donnée; c'est ce qui excusera son insertion dans nos recherches (1).

M. Bastoggi, dans un exposé financier fait au parlement de Piémont, a allégué (2) que les taxes sur les portes et fenêtres et mobiliers donnaient en France un poids supérieur par tête à celui de la taxe personnelle belge, malgré sa sextuple base en Belgique (3). Je crains que les centimes additionnels de nos impôts n'aient été confondus avec le principal dans ce calcul; mais cette observation tend toujours à montrer que nous avons en France des taxes de ce genre peu nombreuses, mais assez productives dans leur résultat.

Les impôts appelés somptuaires n'ont qu'une communauté d'épithète avec ces lois somptuaires destinées, d'après le Dictionnaire de l'Académie, à restreindre et régler les dépenses, lois qui, il y a deux ou trois siècles, interdisaient telle ou telle étoffe à telle classe de citoyens, ou qui dans d'autres temps dictaient l'ordre donné par Philippe le Bel aux riches de son temps d'envoyer à la Monnaie le tiers au moins de leur vaisselle d'or et d'argent (4). On a pur, sous ce rapport, mais seulement par une singulière exagération, représenter ces impôts sous un jour odieux à la liberté des mœurs modernes, et un écrivain quialaissé échapper peu des sophismes possibles dans les matières qu'il a traitées, M. Proudhon, n'a point manqué celui-là (5). Tous ces fan

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(3) Au budget belge de 1861, l'impôt personnel figure en principal pour une somme de 9,400,000 fr. et pour 940.000 fr. de centimes additionnels. (4) Leber, Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen âge, p. 28. (5) Théorie de l'impôt, p. 162. Condorcet a pensé cependant aussi que les impôts somptuaires avaient été en général établis par l'aristocratie dans son intérêt. (Voy. le tome XXI de ses œuvres.)

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