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communes, arrondissements et départements où elles étaient situées. Il résulte de cette disposition que dequis 1836 le principal de l'impôt foncier se compose de deux éléments divers: l'un fixe, c'est la somme réclamée annuellement à toutes les propriétés non bâties, et aux propriétés bâties qui existaient avant le 1er janvier 1836; l'autre variable, mobile, c'est la somme fournie par la cotisation des propriétés, maisons ou usines construites depuis cette époque, et qui s'élève ou s'abaisse, selon que le nombre de ces constructions augmente ou diminue, sans toutefois que la réduction puisse en aucun cas descendre au-dessous du nombre de ces constructions et entamer ainsi la part de celles qui étaient déjà debout au 1er janvier 1836. Au reste, le nombre des bâtiments nouveaux s'est beaucoup accru depuis 1835; aussi le principal de l'impôt foncier qui était alors de 154,681,561 fr., est-il inscrit au budget des recettes de 1861 pour 164,600,000 fr.; cette accession de 10 millions provient de l'élément variable introduit par la loi du 17 août 1835, et elle représente la cotisation acquittée par les maisons ou usines qui forment l'excédant des constructions sur les démolitions depuis le 4 janvier 1836. Quant à la terre, quant au revenu foncier ou agricole, le chiffre de son contingent n'a pas été modifié en principal au moins depuis 1822, et l'acte législatif dont nous parlions tout à l'heure ne l'a pas atteint. La loi du 17 août 1835 a soulevé, lors de son apparition, bien des critiques; nous n'avons pas à les examiner ici; rappelons toutefois que de tous ces reproches le plus sérieux c'est d'avoir dénaturé jusqu'à un certain point l'essence même de la contribution foncière; jusque-là, en effet, celle-ci n'était, sous tous les rapports, qu'un impôt de répartition disséminé au marc le franc sur la masse des immeubles sujets à la taxe; depuis 1835 elle est devenue aussi un impôt de quotité, puisqu'elle est assise sur une base mobile et que le produit en change annuellement d'après les fluctuations du nombre des propriétés bâties.

Bien que de 1790 à 1822 le principal de la contribution ait toujours été en décroissant, et que depuis 1822 jusqu'à nos jours il se soit maintenu à un taux uniforme, il ne faudrait pas cependant chercher uniquement dans ces chiffres la mesure exacte du bénéfice retiré par la propriété foncière des dégrèvements et de la fixité de l'impôt. - Sous le nom de centimes additionnels, le fisc perçoit une véritable surtaxe qui, agissant de la même manière et ayant la même assiette que la contribution foncière principale, est une aggravation évidente des sacrifices soufferts par les contribuables. En réalité, les centimes additionnels ne sont qu'une augmentation déguisée du principal de l'impôt direct qui pèse sur la propriété. Aussi est-ce avec une juste raison que la loi de finances les présente simultanément chaque année sur le même tableau à l'état des recettes. On n'appréciera donc avec exactitude les charges de la pro

priété qu'à la condition d'examiner parallèlement au principal de l'impôt la marche suivie par le chiffre des centimes additionnels.

Voici depuis 1836 le produit de la contribution foncière en principal et en centimes additionnels. Nous n'avons pas à faire remarquer de nouveau que les 10 millions dont le principal s'est accru ont pour origine unique la loi du 17 août 1835, dont nous avons déjà analysé la portée.

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De 1836 à 1850 les centimes additionnels ont donc toujours été en augmentant; en 1836 ils représentaient 62-24 p. 100 du principal de la contribution, et en 1850 la proportion s'élevait à 78-52 p. 100; plus de 16 p. 100 d'augmentation en quatorze années! A partir de 1854, un affaissement subit se déclare dans leur produit, et en une seule année ils descendent de 124,558,478 à 99,822,850 fr. C'est que pendant cet intervalle était survenue la loi du 7 août 1850 (tit. I, sect. 1, art. 1o), par laquelle l'Etat renonça aux 17 centimes généraux sans affectation spéciale dont il s'était jusque-là emparé. Mais le chiffre des centimes additionnels ne tarde pas à reprendre la marche ascendante un instant seulement arrêtée par la loi du 7 août 1850, et au budget de 1861, il figure pour 419,247,685 fr., soit 72-44 p. 100 du principal... Peu d'années encore et la proportion de 78 p. 100, inopinément ramenée à 62-32 p. 100 par la suppression des 17 centimes généraux, sera atteinte derechef, et bientôt même dépassée ! Il est digne de remarque qu'en 1850 (c'est-à-dire pendant l'exercice où l'impôt foncier sévit avec le plus de force, grâce à l'effet combiné de la loi de 1835 et des 17 centimes), le total de la contribution foncière était de 284,198,214 fr., et en 1864, malgré le bénéfice de la loi du 7 août 1850, il a presque rattrapé toute la distance perdue et est parvenu déjà à 283,847,685 fr. (1).

dans (1) Voici comment s'exprimait le ministre des finances, M. Fould, l'exposé des motifs de la loi précitée : « La propriété du sol est surchargée; l'impôt multiple qui pèse sur la terre sous forme de contribution foncière, de

Les dégrèvements accordés par le législateur au principal de la contribution de 1791 à 4822 ont donc été neutralisés au moins en partie par l'accroissement du nombre des centimes additionnels; et la prospérité agricole, le progrès rural qui ont pris un si remarquable essor depuis le commencement du siècle, auraient brillé d'un plus vif éclat si le contre-poids des centimes additionnels n'avait pas maintenu en équilibre les charges de la propriété. Toutefois les dépenses auxquelles les centimes additionnels sont destinés à pourvoir, offrant un caractère tout particulier d'intérêt local, leur action, leur influence n'engendre plus les mêmes conséquences, disons tout de suite ne présente plus les mêmes inconvénients que ceux dont la taxe foncière est malheureusement accompagnée.

En effet, la propriété ne participe que d'une façon bien vague et pour ainsi dire théorique au bénéfice des dépenses acquittées avec le principal de la contribution foncière; le Budget les désigne sous le nom de « Dépenses genérales de l'Etat » et comprend dans ce chapitre la dette publique, l'entretien de la marine et de l'armée, le traitement de la magistrature, les subventions aux arts et à l'industrie, etc..., toutes charges en un mot qui dérivent de l'état social et de l'existence d'un gouvernement. Mais si ces dépenses sont légitimes, si elles revêtent même une apparence d'indispensable nécessité, quel avantage particulier confèrent-elles à la propriété territoriale? Ce n'est point pour elle, ni en vue de ses développements ou de sa prospérité qu'elles ont été instituées, mais daus un intérêt général et politique; toute aggravation du principal de l'impôt foncier devra donc la toucher au vif, parce qu'elle sera sans compensation au moins directe et immédiate, et elle alourdira le poids de sa redevance fiscale sans accroître sa valeur ou son revenu. — Les centimes additionnels au contraire ont bien la même

contribution des portes et fenêtres, de droits de mutation, droits d'obligation, d'hypothèques, de quittance, etc., la place, comparativement aux autres valeurs, dans un état de souffrance qui provoque depuis longtemps les méditations des hommes sérieux... La portion (de l'impôt) revenant au Trésor com. prend le principal et 17 cent. additionnels applicables aux dépenses générales de l'Etat. Nous vous proposons de supprimer ces 17 cent., et par conséquent de faire remise à la propriété foncière de 27,200,000 fr. environ qu'ils représentent chaque année. Le montant des centimes additionnels départementaux et communaux forme aujourd'hui pour les quatre contributions directes un total énorme qui dépasse 130 millions et qui se confond pour l'ordre de la comptabilité dans le chiffre total du Budget de l'Etat. Quelques communes et notamment les plus pauvres ont à supporter jusqu'à 150,200,265 centimes sur la contribution foncière. Il est évident qu'un pareil état de choses tend à épuiser au préjudice des intérêts généraux les forces contributives du pays. »

incidence, la même assiette que le principal de la taxe dont ils sont les annexes;-quelle différence cependant dans le résultat de leur action! Les dépenses auxquelles ils correspondent ont toutes un caractère d'utilité départementale ou communale, et le cercle dans lequel est renfermé l'emploi de l'impôt se trouvant ainsi rétréci, le contribuable en reçoit plus directement le bénéfice et est mieux placé pour en ressentir l'heureuse influence. Mais la marque distinctive, le signe caractéristique des centimes additionnels, c'est que le produit en est presque toujours spécialement affecté à la propriété territoriale. Ainsi les chemins vicinaux qui sont construits ou entretenus par les budgets des départements et des communes intéressent au plus haut point la propriété et l'agriculture; ce sont eux qui procurent aux denrées des débouchés avantageux et qui, leur facilitant l'accès des marchés, en assurent la vente aux meilleures conditions; la question des transports et des moyens de communication est capitale pour la propriété foncière, et des communes longtemps pauvres et misérables se sont enrichies en quelques années, parce que des chemins récemment ouverts ont permis de transporter à peu de frais les marchandises dans les villes voisines, et d'amener en retour des amendements ou des engrais dont l'action réparatrice a fertilisé des champs jusque-là improductifs. C'est encore avec les centimes additionnels que les départements et les communes subviennent aux frais de l'instruction primaire, qui devenue pour ainsi dire moralement obligatoire tant elle s'est répandue et vulgarisée depuis vingt-cinq ans, a dissipé l'ignorance et la routine plus fatales à l'agriculture que la stérilité même du sol! Avant 1833, les villes avaient déjà des écoles partout ouvertes et remplies, la législation nouvelle leur était inutile; mais les campagnes privées de ressources restaient sans instruction; la loi de 1833 combla cette lacune et le service de l'instruction primaire fut créé. Qui donc en a le plus profité, sinon l'agriculturc et la propriété dont les détenteurs ou les ouvriers peuplent les campagnes ?

S'il était possible d'analyser l'emploi de tous les centimes additionnels qui apparaissent dans les budgets annuels avec diverses dénominations (centimes pour dépenses facultatives d'utilité départementale, fonds applicables aux dépenses ordinaires de chaque département et fonds commun, centimes pour dépenses ordinaires et extraordinaires des communes), on verrait qu'ils viennent presque tous directement ou par incidence détournée enrichir la propriété et la culture.

Avec les centimes votés pour dépenses extraordinaires, par exemple, soit communales, soit départementales, et dont le chiffre pour 1864 s'élève à 40 millions, quels travaux sont exécutés? Presque toujours il s'agit de routes nouvelles à construire, de ponts à bâtir ou à réparer, de rivières à canaliser ou à rendre navigables, de chemins de fer même

à entreprendre ou du moins à subventionner. On comprend que la culture et la propriété, loin de souffrir du prélèvement des centimes additionnels, y trouvent au contraire des éléments nouveaux de prospérité et d'amélioration; le sacrifice qu'on leur demande sous cette forme n'est qu'une avance de fonds, et leur est restitué avec usure dans un court délai, c'est un capital employé à leur profit et qui double leur force productrice au lieu de l'épuiser. « Les centimes additionnels, disait il y a quelques années un auteur qui n'est pourtant point suspect de partialité en faveur du fisc, les centimes additionnels qui pourvoient au service simultané des départements et des communes, ne se sont encore élevés qu'à la somme de 130 millions, et on se prend plutôt à regretter que cette somme n'ait pas été plus considérable, quand on voit ce que les administrations locales ont accompli avec elle d'entreprises utiles, de profitables travaux, au sein surtout des difficultés si nombreuses que leur crée notre centralisation (1). »

Voilà comment les centimes additionnels qui semblent au premier abord n'être qu'une amplification de la contribution foncière, s'en distinguent et s'en séparent par les traits les mieux accusés; l'origine est la même, il est vrai, mais l'action et le but sont différents. Ainsi, tandis que le danger d'accroître le principal de l'impôt a toujours apparu si menaçant aux yeux des financiers, que depuis 1794 on n'a rien osé dans cette voie, le législateur au contraire n'a pas hésité à multiplier le chiffre des centimes additionnels, bien certain que l'opinion publique était derrière lui et l'approuvait hautement; c'est aussi pour ce motif, qu'en 1850, l'Assemblée nationale a supprimé les 17 centimes généraux que leur destination budgétaire métamorphosait en véritable impôt foncier, au principal; c'est encore (preuve surabondante de ces théories fiscales), c'est encore pour cette raison que l'aggravation constante des centimes additionnels n'a jamais fait obstacle à la marche rapide du progrès agricole, si même elle n'y a pas aidé.

Une nation voisine dont la prospérité rurale fait envie à notre patriotisme et nous est perpétuellement citée à titre de modèle, nous donne encore sur ce terrain un spectacle bien propre à convaincre les plus incrédules. En Angleterre, la redevance territoriale ou «< land tax »>, cet impôt similaire de notre contribution foncière et institué à la fin du XVIIe siècle, n'était inscrite au budget de 1842 que pour une somme de 2,878,484 livres sterling ou environ 72 millions de francs, y compris la taxe des portes et fenêtres; - voilà cependant, tout minime qu'il soit, l'unique sacrifice réclamé à la propriéte foncière au nom des intérêts généraux de l'Etat ! Mais les charges et les cotisations particulières

(1) Du Puynode. De la Monnaie, du Crédit et de l'Impôt, t. II, p. 402.

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