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les yeux, ce qui faisait l'objet de ses études ou de ses occupations journalières. M. Renouard, M. Joseph Garnier, M. Baudrillart, prêtaient le concours de leur talent. Pendant que M. A. Mangin traitait, avec une lucidité remarquable, la plupart des sujets relatifs à la chimie, que M. Lavergne s'occupait de l'agriculture, M. Victor Borie des denrées agricoles, M. Pommier des grains et des laines, MM. Vergé et Hautefeuille du droit marime, M. Edm. Teisserenc des chemins de fer, M. J.-H. Magne des chevaux, M. Courcelle-Seneuil et M. Paul Coq des banques, que M. Lamé Fleury donnait un résumé substantiel de toutes les connaissances relatives au commerce des houilles, que M. A. Sudre en faisait autant pour le fer, MM. Duseigneur-Klébert et L. Reybaud pour les soies et les soieries, M. Fontaine de Resbecq pour la librairie, M. Wolowski pour les meubles, MM. Boivin et Grelet-Balguerie pour les cotons, MM. Legentil, Boissaye, Telot, Alcan et Persoz pour les tissus, M. Michel Chevalier pour la monnaie, M. Guillaumin s'adressait, en France, aux chambres de commerce, à des négociants ou à des députés dans le principaux ports, dans les chefs-lieux et dans les moindres. villes qui se distinguent par leur industrie et leur commerce; hors de France, à des économistes et à des administrateurs. M. G. Brunet pour Bordeaux, M. Romberg pour Bruxelles, M. Clapier pour Marseille, M. Horn pour Pesth, M. Scialoja pour l'Italie, M. Boutowski et Nebolsine pour la Russie, lui ont fourni des détails qu'on chercherait en vain ailleurs. Hors de l'Europe, des consuls ou, à défaut d'hommes résidant sur les lieux, des écrivains aussi familiers que les indigènes euxmêmes avec certaines parties de la géographie commerciale, tels que M. Jules Duval pour l'Afrique, M. L. Michelant et M. Chatelain pour l'Amérique, M. Pareira da Silva pour le Brésil, MM. de Rosny et Vogel pour l'Orient, M. Natalis Rondot pour la Chine, MM. Montéfiore pour Sidney, Lepelletier Saint-Remy pour Saint-Pierre (la Martinique), ont rédigé sur un plan à peu près uniforme une série d'articles qui pourraient former le corps de géographie commerciale le plus complet qu'on ait jamais imprimé.

Comment analyser un pareil ouvrage? Il faudrait faire l'histoire de toutes les branches du commerce dans le monde entier et dérouler l'immense tableau de l'activité de l'homme travaillant sur tous les points du globe et échangeant incessamment les produits des deux hémisphères. Mieux vaut renvoyer le lecteur au Dictionnaire. J'en ai lu les livraisons à mesure qu'elles paraissaient, apprenant beaucoup et recueillant des notes précieuses. J'étais surtout frappé de la nouveauté des connaissances précises que ce recueil apportait sur la géographie des contrées lointaines. On s'en occupe trop peu en France, parce que nos intérêts n'appellent pas encore assez notre attention de ce côté. Bien des choses sont à peu près inconnues chez nous, qui de l'autre

côté du détroit sont familières, même à ceux qui ne se piquent pas d'avoir reçu une éducation soignée. Dans un voyage récent, j'ai pu remarquer cette différence, et j'ai cru qu'on devait tenter quelque effort pour faire cesser une infériorité qui nuit au jugement que nous pouvons porter sur certains faits et qui est même préjudiciable au développement de notre commerce. C'est pourquoi j'ai mis à profit une partie de mes notes pour tracer un essai sur les grandes routes de commerce. Le travail, sous la plume, s'est étendu au delà de ses premières limites. Cependant le Dictionnaire a fourni, pour la partie moderne, la plus grande partie des matériaux; c'est à lui que revient le mérite de les avoir rassemblés; en publiant cet essai, je dois lui rendre cet hommage et je serais heureux si, en faisant connaître une des parties les plus intéressantes de cette encyclopédie commerciale, je pouvais conquérir quelques amis nouveaux à la géographie, dont l'étude, trop négligée, a cependant un intérêt et une importance qu'on ne saurait méconnaître.

LES ROUTES D'AUTREFOIS

§ 4. L'ANTIQUITÉ (4)

C'est dans la haute Asie et sur les bords du Nil qu'est née la civilisation des peuples dont nous sommes les descendants ou les héritiers; c'est autour de la Méditerranée qu'elle s'est épanouie, c'est là aussi que s'est concentrée l'activité commerciale des anciens, et l'entrepôt le plus important a toujours été sur la limite des trois parties du monde antique, en Phénicie, puis à Alexandrie.

Phénicie. Sidon fut le premier port célèbre sur cette côte: Tyr l'éclipsa bientôt. A Tyraboutissaient les grandes routes de l'Egypte et de l'Asie. Memphis y envoyait des tissus de lin; Petra, le grand entrepôt de l'Arabie envoyait les marchandises de l'Yémen et du golfe Persique, les aromates, l'or, les pierres précieuses que les caravanes amenaient d'Aden, de Cané et de Sabé, l'ivoire et l'ébène qui venaient de Gerra et des iles Bahrein à travers le désert; Damas, les vins et les laines teintes; Palmyre, les pierres précieuses, la pourpre, le lin, les tricots, la soie qu'y portaient les marchands de Babylone; les peuples de la mer Noire et de la Caspienne, des esclaves et des objets d'airain. Les habitants de la côte fournissaient les matelots; les forêts du Liban, les bois de construction; les champs d'Israël et de Juda, le blé, l'huile et le miel. Tyr était une grande et puissante cité, qui non-seulement consommait ou distribuait à l'Occident les produits de l'Orient, mais qui mettait en œuvre,

(1) Pour suivre ce résumé rapide des routes de commerce dans lequel j'ai essayé de compléter et de rectifier Heeren, il est nécessaire d'avoir une carte sous les yeux. Je recommande pour l'antiquité celles de l'Orbis antiquus de Kiepert.

dans ses nombreuses fabriques, les matières premières qu'elle recevait. Au temps de la puissance de Salomon, son allié, elle avait des flottes sur la mer Rouge, à Esiongaber et à Elath, et allait elle-même chercher les produits de l'Abyssinie à Saba, ceux de l'Yémen à Ocelis et à Aden; de là ses marins, poussés par les moussons, traversaient la mer Erythrée et se rendaient dans l'Inde, d'où ils étaient de retour la troisième année après leur départ. La révolte des Iduméens, favorisée par les dissensions des Hébreux, ruina ces ports, et, après Salomon, les caravanes du désert reprirent leur monopole.

Cependant la navigation ne cessa pas sur la mer Erythrée. De petits bâtiments indiens, partant des côtes de la péninsule, depuis Crocola (Kurrachée) jusqu'à la Taprobane, continuèrent à fréquenter les parages du golfe Persique; Moscha (Mascate) était une de leurs principales étapes, et ils débarquaient leurs marchandises à Gerra ou même quelquefois les conduisaient par le canal de l'Euphrate jusqu'à Babylone. Babylone et Suse. Cette antique capitale de la Mésopotamie était pour la haute Asie ce que Tyr était pour le rivage de la Méditerranée, le grand entrepôt du commerce; Suse, dont elle n'était distante que de 360 kilomètres et à laquelle elle était rattachée par de continuelles relations, partageait avec elle cette fortune.

Babylone communiquait directement avec l'Occident d'un côté par Tyr, de l'autre par la route de Sardes, que les grands rois entretenaient avec soin et par laquelle leur parvenaient les riches tributs de l'Asie Mineure.Par Édesse et de la vallée de l'Euphrate elle recevait les productions de la Syrie et de l'Arménie. Au nord-est s'ouvrait la route de l'Orient, passant par Ecbatane, les portes Caspiennes, Hecatompylos, et se bifurquant, dans les montagnes de la Parthie, en deux routes dont l'une descendait sur les bords du lac Arien et remontait par la vallée de l'Arachotus pour gagner l'Indus et le Gange, et dont l'autre rejoignait, soit à Bactres, soit à Maracande, puis à Cyreschata sur le Yaxarte, des caravanes scythes qui amenaient les marchandises de l'Indus, du Thibet et de la Chine pays presque inconnus de l'Occident à cette époque, mais où le commerce s'était déjà tracé les chemins que suivent encore de nos jours les caravanes et avait marqué les étapes qui, pendant l'antiquité, le moyen âge et les temps modernes, sont à peu près restées les mêmes au milieu des perpétuelles révolutions de la politique.

De Suse une autre route, celle du Midi, passant par Persépolis, se divisait en trois branches à Carmana : la première, montant vers le nord par la vallée où fut bâtie Alexandrie des Ariens et où s'élève aujourd'hui Hérat, conduisait comme la précédente à Bactres et à Maracande; la seconde rejoignait sur les bords du lac Arien la route du haut Indus et rencontrait des villes qui sont encore de nos jours d'importantes stations du commerce de la haute Asie, Alexandropolis, probablement

Kandahar (1) et Ortospana ou Cabura, peut-être Caboul, d'où elle descendait sur l'Indus et gagnait le Gange à travers le Pendjab actuel : les relations s'étendaient de ce côté jusqu'à la grande capitale des Prasiens, à Palibotra, non loin de la ville moderne de Patna; la troisième se dirigeait vers le Midi par le désert de Gédrosie jusqu'à Pattala (Hayderabad?)

Ces diverses routes mettaient en rapport de commerce deux mondes distincts, l'Asie des anciens et l'extrême Orient, Inde et Chine, dont les mœurs et l'histoire, malgré des liens étroits de parenté, ne se confondirent jamais avec celles des pays situés en deçà de l'Indus.

Les Phéniciens en Afrique et en Occident.— Tyr, qui était l'entrepôt le plus lointain où parvinssent, après de longs voyages par terre ou après là navigation de la mer Erythrée, les diverses productions du monde oriental, attirait aussi, grâce à sa marine, les richesses de l'Occident. C'était elle qui la première avait fait la guerre aux pirates de la Méditerranée. De Grèce elle tirait des esclaves et du fer. Par Carthage, elle tenait le commerce intérieur de l'Afrique et l'entrée du bassin antérieur de la Méditerranée.

Carthage recevait les caravanes qui venaient régulièrement du pays des Garamantes et de la région des Dalles, lui apportant, entre autres richesses, l'or du Soudan.

C'étaient les vaisseaux de Carthage qui, de concert avec ceux de la Phénicie, allaient chercher le fer et le plomb de la Sicile, l'or et l'argent de la Bétique, et qui, franchissant les Colonnes d'Hercule, avaient fondé dans le pays de Tarlessus, à Gadès (Cadèse), un établissement qui servit d'entrepôt non-seulement à la vallée du Bétis, mais à tout le commerce de l'Atlantique; ils s'avançaient dans les régions du Nord jusqu'aux îles Cassitérides (Sorlingues) et peut-être jusqu'à la Baltique pour en rapporter l'étain et l'ambre, ou longeaient au midi la côte d'Afrique jusqu'à l'île Cerné et aux pays où se faisait le trafic de la poudre d'or. Hannon alla très-probablement dans son périple jusqu'à l'ile Scherbro, et rien n'autorise à traiter de fable le récit d'Hérodote qui rapporte que, sous Nechao, des Phéniciens, partis de la mer Rouge, firent le tour de l'Afrique et revinrent par les Colonnes d'Hercule, quoique leur exemple n'ait pas été suivi. Ces Phéniciens étaient de hardis navigateurs.

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Les colonies grecques d'Asie. Ils eurent les Grecs pour rivaux dans les siècles qui suivirent la guerre de Troie. Les colonies de l'Archipel et des côtes de l'Asie Mineure devinrent les facteurs de la mer Egée et acquirent une grande puissance, entre autres Phocée, Smyrne, Ephèse, Samos, Milet, que reliaient les ports moins importants de Colophon, Lebedos, Teos, Chios, Erythrée, Clazomène, et qui, par Halicarnasse,

(1) Altération du mot Alexandria.

Cos, Cnide et Rhodes au midi, Elée, Mytilène, Méthymne, Abdère, Sion, Stagire et Potidée au nord, enveloppaient la mer Egée et se rattachaient aux grands ports de la métropole, tels que Chalcis, Athènes, Mégare et Corinthe. Rhodes, par les comptoirs de la Pisidie et de Chypre, portait ses relations jusqu'aux frontières de la Phénicie. Parmi les colonies, Milet surtout fit une grande fortune. Elle fonda elle-même plus de 80 colonies, d'autres même disent 300, et accapara presque tout le commerce du Pont-Euxin. Mégare l'y avait devancée et tenait, par Selymbrie, Astacus, Bysance et Chalcédoine, l'entrée de cette mer sur les rivages de laquelle elle avait établi les comptoirs d'Héraclée en Asie et de Mésembrie en Thrace. Milet l'éclipsa; dans la Propontide elle prit les positions presque aussi importantes de Cysique, de Proconnèse et de Périnthe; sur la côte de Thrace, Apollonie, Odessus, Tomi; sur la côte d'Asie Mineure, Cytore, Sinope, métropole à son tour de Trapezunte, et Amisus; dans la Colchide, Phase et Dioscurias; Phanagorie et Panticapée à l'entrée des Palus-Méotides, Théodosie et Héraclée dans la Chersonèse Taurique, Olbia et Tyras dans le pays des Scythes, assurèrent sa prépondérance dans ces parages et amenèrent dans son port, avec les blés de Thrace et de la Scythie, l'or de la Colchide et les marchandises de la haute Asie qui venaient à Phase et à Trapezunte par Ecbatane et les montagnes d'Arménie, ou aux Palus-Méotides par les caravanes de la Scythie. Lorsque les Perses eurent soumis les villes d'Asie Mineure, la puissance passa au peuple athénien, qui fut l'héritier et le tyran des colonies, et le commerce maritime du Nord prit la route du Pirée. Dès cette époque cependant une petite partie de ce commerce gagnait l'Italie et la mer supérieure par le Danube et la Save, aboutissant au point où fut plus tard Aquilée.

Les colonies grecques d'Occident. A l'occident de la Grèce, Corinthe, Chalcis et Phocée avaient les premières ouvert des routes inconnues et disputé le commerce aux Phéniciens. Corinthe avait semé de ses comptoirs la côte de l'Epire, et l'un d'eux, Corcyre, resta pendant toute l'antiquité l'entrepôt le plus important de la mer Ionienne et de la mer Supérieure ; elle avait elle-même porté ses colonies jusqu'à Apollonie et Epidamne, et elle ne tarda pas à devenir la rivale de sa métropole. Corfou est encore aujourd'hui un des principaux ports de la Méditerranée.

Sur les bords de la mer Ionienne, au sud de l'Italie, s'élevaient des villes qui, sans avoir une prospérité aussi durable, jetèrent cependant un grand éclat: Tarente, Sybaris, Crotone, Locres, s'entourèrent ellesmêmes de nombreuses colonies et transformèrent le pays qui devint une seconde Grèce.

Il en fut de même de la Sicile, où la race phénicienne ne conserva guère que les côtes occidentales. Naxos, colonie chalcidienne, fut une

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